L Exilé de Capri
126 pages
Français

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Description

L'Exilé de Capri

Roger Peyrefitte

Cette édition comporte 10 photos et illustrations et 6 annexes dont des écrits de Jacques d'Aldelsward-Fersen.

Dans l'Exilé de Capri, Roger Peyrefitte est le biographe du Baron Jacques d'Adelsward-Fersen, riche héritier des Aciéries de Longwy. Né en 1880, décédé à Capri en 1923, à l'âge de 43 ans par excès de drogue.

Ses rentes lui permettent une vie guidée par ses envies. Suite à un scandale à Paris, de jeunes lycéens jouent chez lui des pièces antique en tunique grecque, ce dernier doit quitter la capitale et s'exile à Capri. Lors d'un voyage à Rome, il rencontre un jeune manœuvre, Nino Cesarini, qu'il embauche pour en faire son futur secrétaire. Jacques et son amant resterons unis jusqu'au décès de son protecteur, malgré quelques infidélités du jeune garçon vers le beau sexe.

Jacques construit une villa luxueuse au nord-est de Capri pour y accueillir son amour. Certains scandales entachent son image auprès des îliens, mais ces derniers sauront lui pardonner et le reconnaître en lui un personnage mythique de l'île, qu'il est encore aujourd'hui.

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Publié par
Nombre de lectures 36
EAN13 9782363078322
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Exilé de Capri Roger Peyrefitte Je remercie tous ceux et toutes celles qui m'ont donné les moyens d'écrire ce livre, sans écouter leur amour-propre de famille ou de caste ni leur pudeur de sentiment. R. P.
Jacques d’Adelsward-Fersen, adolescent.
Avant-Propos de Jean Cocteau, de l'Académie française. Éros aptère Être privé de génie, lorsqu'on en rêve, doit être le pire des supplices. J'ai toujours aimé les créatures incapables de créer des chefs-d'œuvre et qui cherchent, faute de mieux, à en devenir un elles-mêmes. C'est, victimes de ce mal étrange, que vécurent et moururent Louis II de Bavière et l'impératrice Elisabeth. Fréquenter des génies, les louer, les protéger ne leur suffisait pas. Un soleil noir calcinait leur âme. Dans ma pièce :L'Aigle à deux têtes, je montre une de ces reines qui veulent diriger le destin et lui imprimer jusqu'à la catastrophe un lyrisme que leur esprit ne peut produire. Il me semble que Roger Peyrefitte, en se penchant sur Fersen d'Adelsward, veut mettre à l'étude ce phénomène de l'impuissance lyrique. Mais là encore se dressent des obstacles, car «rien n'est plus difficile à soutenir qu'une mauvaise réputation». La curiosité malsaine de la foule s'émousse vite et, chez l'immoraliste, une sorte de génie négatif me paraît indispensable. Sinon, l'hôtel de tourisme, le dancing et la roulette remplacent vite, même dans un lieu mal famé (ou malfemmé), le temple des amours interdites. * * * Il va de soi que le génie étant une désobéissance aux règles de la norme, il transcende, dans le domaine de l'âme, ce qu'on a coutume de nommer vice dans le domaine du corps, et qui n'est autre chose qu'une désobéissance de l'organisme aux habitudes admises d'une libre disposition des sens, d'une audace qui consiste à envisager comme fin de luxe le moyen que la nature emploie pour se perpétuer à l'aveuglette. On devine que des faibles s'imaginent trouver dans cet écart sexuel et le faste de mauvais aloi qu'il entraîne, un dérivatif à leur impuissance créatrice. * * * Or, si je m'incline devant certains grands damnés, s'il arrive pour Oscar Wilde, comme pour le capitaine Alfred Dreyfus par exemple, que le drame auréole la victime, en revanche j'ai toujours eu vive répulsion pour une certaine petite fleur bleue des enfers. Fersen reste l'exemple de ce bric-à-brac gréco-préraphaélitico-modern'style. Le prêtre et l'acolyte des messes roses. Aussi le livre de Peyrefitte ne doit-il pas être lu sous l'angle du scandale. Ceux qui le chercheraient entre les lignes risqueraient d'éprouver une grande déception. PuisseL'Exilé de Capriapprendre à la jeunesse que la beauté n'existe que si une beauté interne et le travail l'exorcisent et luttent contre sa morgue. Puisse-t-elle comprendre que la jeunesse est un privilège fragile et non pas une race robuste qui s'oppose à la race croulante des vieux. * * *
Éros aptèros Tel aurait pu s'intituler un ouvrage que l'auteur consacre magistralement à l'un de ces Icares dont le soleil de la gloriole fait fondre les ailes. Jean Cocteau de l'Académie française.
Carte de l’île de Capri. La villa Lysis bâtie par Jacques d’Adelsward-Fersen se trouve au nord-est.
L’Exilé de Capri
Première partie
1 Deux Français, un jeune homme de dix-sept ans, mince et blond, et un homme d'une trentaine d'années, venaient de faire connaissance au haut du Vésuve : Jacques d'Adelsward-Fersen, élève de philosophie dans une école parisienne, et Robert de Tournel, poète amateur, ex-officier de cavalerie. Ils se soupçonnaient d'avoir en commun mieux que le goût des ascensions : ils avaient pris de trop jolis guides pour ne pas se trahir. La découverte que leurs familles étaient liées, leur sembla plus gênante. Mais le paysage qui les environnait, à la fois infernal et divin, servait de complice. Tournel en savait les secrets et il lui était aisé de captiver un néophyte. Il se débarrassa d'un personnage, à qui le titre de « gardien du Vésuve » donnait le droit d'escroquer quelques lires et, en cette matinée de septembre 1897, assis avec Jacques loin des fumerolles, s'abandonna au charme d'un entretien imprévu. À vrai dire, c'est lui surtout qui en faisait les frais ; mais il avait un auditeur sensible aux discours savants et délicats. Il expliquait cette ville de Naples qui s'alanguissait au loin dans la plaine, les ruines d'Herculanum et de Pompéi qui émergeaient du fond des siècles, ce golfe dont une brume légère estompait les contours, cette race dont ils avaient près d'eux les enfants ingénus ou cyniques. Et maintenant, c'étaient des horizons plus lointains que vantait le voyageur poète : l'Égypte, la Syrie, la Grèce. Ces noms chantaient aux oreilles de l'adolescent, qui n'avait fait encore que les lire dans ses livres d'étude. Ce séjour en Italie, récompense de son premier baccalauréat, remplissait déjà ses vœux d'artiste, mais il apercevait, grâce à son interlocuteur, tout ce que reflétait ce lac de Méditerranée, sur les rives duquel les hommes ont exprimé leurs plus belles pensées et bâti aux dieux leurs plus beaux temples. Lui aussi, il verrait Athènes, Palmyre, Louqsor. Robert l'entraînait à présent vers des civilisations non moins raffinées. Il comptait partir, dans quelques mois, pour les Indes et y passer deux ou trois ans. Plus tard, il irait au Japon et en Chine. Il parlait de ces pays comme s'il les avait vus, illustrait leur psychologie, décrivait leurs mœurs. Jacques, sur ce sommet qui semblait dominer la terre, croyait être un jeune dieu auquel un éloquent démon venait l'offrir. Tournel ramena son esprit à ce qu'ils avaient sous les yeux. Il montrait le golfe qui enchâssait Capri à la façon d'une perle baroque, et résuma dans cette île les légendes et l'histoire de toute l'antiquité : ses rochers avaient abrité les sirènes ; elle avait vu passer Ulysse et Énée ; un de ses chênes avait reverdi en présence d'Auguste ; Tibère y avait cherché un refuge et des plaisirs ; son phare s'était écroulé le jour où était mort le Christ. Elle était restée un lieu d'exception, d'asile et de délices. — Voulez-vous m'y accompagner ? dit Robert. J'y vais demain au soir. — Merci de l'invitation. Je pense que ma mère me permettra de l'accepter. La température l'accable et elle ne quitte pas l'Excelsior, où elle tient prisonnières mes deux petites sœurs. Ils s'étaient levés. Ils contemplèrent le volcan, dont la lave bouillonnante semblait prête à déborder. — Il faudrait se jeter dans ce cratère : il faudrait mourir, dès que l'on a goûté un vrai bonheur, murmura Robert. — Que vous êtes sérieux ! On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans… Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade, ajouta Jacques en riant. Il montrait les pentes brûlées, où ne poussait pas une herbe. — Un lycéen qui connaît Rimbaud ! s'écria Tournel. — Je suis même poète à mes heures, dit le jeune homme en se rengorgeant. — Je ne l'étais pas encore à votre âge, tandis que vous êtes à l'âge de Rimbaud et beau
comme lui. Et combien d'autres avantages avez-vous ! La naissance, la fortune… — Ce n'est pas nécessaire pour être un grand poète. — Non, mais cela ne l'interdit pas. Précédés de leurs guides, ils descendirent ensemble vers le funiculaire. Jacques, devenu loquace, parla de ses projets d'avenir. Il avait d'abord songé à être officier de marine, mais sa faiblesse en mathématiques avait réglé la question. — Quelle chance ! dit Robert. Mgr Dupanloup a écrit que « l'étude des mathématiques, en comprimant la sensibilité, rend quelquefois l'explosion des passions terribles ». J'ai quitté l'uniforme, que je devais à l'amour des mathématiques, autant qu'à l'amour de la patrie, et, depuis lors, le monde me semble à peine assez vaste pour l'explosion de mes passions. Jacques raconta qu'il n'avait pas eu bonne grâce à vouloir être marin, puisque son père, mort de la fièvre jaune à Panama durant une croisière, avait été jeté aux requins. Plus sagement, il ne voulait désormais qu'être diplomate – le premier diplomate français de sa lignée, son grand-oncle ayant été ministre de Suède à Paris sous Napoléon III. — Au fait, qu'est-ce qui me vaut l'honneur de vous avoir pour compatriote ? demanda Robert. Je vous avoue que c'est seulement d'aujourd'hui que votre famille me passionne, mais d'une manière tout à fait explosive. — Il sera banal de vous dire que mon arrière-grand-père, venu de Suède, a fondé la branche française des barons d'Adelsward et que mon grand-père a fondé encore plus heureusement les Aciéries de Longwy. — Tout cela fait de beaux noms et de belles rentes. Votre silhouette se découpe sur un fond de volcan et de hauts fourneaux. — Vous me poétiserez un peu plus en sachant que mon grand-père paternel, l'homme des hauts fourneaux, a été l'ami de Victor Hugo et même, un temps, son compagnon d'exil à Jersey. Il y possède une villa dont je pillais les espaliers dans mon enfance. Quant à mon grand-père materne], de la famille alsacienne Wuhrer, il s'est borné à fonder le journal parisienLe Soir. — Je regarde votre ciel astral qui me paraît très constellé. J'y vois l'étoile de la Renommée – je ne sais trop laquelle – l'étoile de Vénus, les étoiles des Muses, des îles, de l'exil. — Pourquoi Vénus ? — Parce que vous êtes beau. — Tant que vous y êtes, ne me voyez-vous pas l'étoile des morts tragiques, comme si mon père m'attendait chez les requins ? — Ce serait bien dommage ; mais il se peut que votre navigation terrestre soit fort agitée. Ne me supposez pas devin : je constate simplement que vous avez tout reçu au berceau et l'on sait que les mauvaises fées aiment ballotter un trop parfait ensemble. Mais je suis sûr que vous ne souhaiteriez pas éternellement des eaux calmes. Dites-moi à présent, s'il vous plaît, comment le beau Rimbaud descend du beau Fersen, ce qui vous vaut une étoile supplémentaire ? — Laquelle ? celle des reines ou celle de la lapidation ? — Que voulez-vous dire ? Le favori de Marie-Antoinette mourut lapidé ? — Lapidé par la populace de Stockholm pour son dévouement au fils de son roi, comme il s'était dévoué à la reine de France qui lui devait un fils. — Eh là ! vous décidez bien lestement un problème historique. — Je vous dirai plus – des secrets de famille : le beau Fersen fut un des favoris de Gustave III ; Gustave III, jaloux de ses amours avec Marie-Antoinette, le rappela auprès de lui, l’emmena à Naples, fit avec lui l’ascension du Vésuve et Fersen, tiraillé entre une reine et un roi, fut sur le point de trancher la difficulté en allant s’installer à Capri. — Que d’étoiles, Seigneur ! que d’étoiles ! — La mienne reçoit une lueur de Fersen par mon arrière-grand-mère, qui était sa cousine germaine. Je me suis cru autorisé à relever un nom éteint, pour rappeler aux Français un
maréchal de Suède qui faillit sauver leur monarchie. — Rejeton de deux maréchaux de France, je salue bien bas celui du dernier défenseur des lys. Il enleva son canotier et lui fit balayer la poussière en l’honneur de Jacques, dont la révérence fut aussi galante. Ils éclatèrent de rire, puis se dévisagèrent, comme si c’était la première fois.
2 Tout leur facilita les choses. Le vicomte de Tournel alla présenter ses hommages à la baronne d’Adelsward. Elle fut ravie qu’il voulût bien servir de guide à son fils pour l’excursion de Capri. Elle parla avec lui de leurs amis communs, le comte Audouin de Dampierre, tuteur de Jacques, et la comtesse, marraine de sa fille aînée. Le lendemain après-midi, ils s’embarquèrent sur le « Queen Margherita » de la Vicker and Co. La traversée fut délicieuse, avec ses escales de Sorrente et de Massa. Cependant, une grêle de coquilles de noix tomba du haut d’une falaise : c’était les représailles de la Compagnie napolitaine de navigation à vapeur, rivale de la Vicker and Co. Le capitaine du « Queen Margherita » répondit par une bordée d’injures et fit servir des tasses de café pour qu’on oubliât l’incident. On n’était plus loin de l’île des sirènes. Le roc fantastique qui pointait au nord, semblait le prolongement de la péninsule de Sorrente. C’est sur cette hauteur que Tibère avait construit la plus belle de ses villas, dédiée à Jupiter. Le soleil qui se couchait du côté d’Ischia, enflammait ce rocher abrupt et les murailles calcaires où se dessinaient le plateau de la ville et l’anfractuosité du port. À droite, s’élevait le mont Solaro et s’entrevoyaient les premières maisons d’Anacapri. Le vapeur jeta l’ancre dans la baie de Marina Grande, mais ne pouvait accoster : des barques recueillaient les passagers pour les conduire à un môle rudimentaire. Robert et Jacques prirent une carrozzella qui monta, par une route sinueuse, à travers des vignes et des bosquets. leur cocher leur célébra, en mauvais français, la gloire que devait l’île à ses habitants britanniques d’hier et d’aujourd’hui : le fameux Hudson Lowe, qui la défendit contre Joachim Murat ; Mrs. Anderson, peintre de déesses et de nymphes ; lady Burton, fille d’un meunier d’Anacapri et amie de la reine Victoria ; Mr. Trower, consul de cette gracieuse Majesté ; la duchesse de Connaught qui allait tous les jours humer son gin au café Morgano. Il les félicita d’avoir emprunté le bateau confortable de la compagnie anglaise, plutôt que celui de la compagnie napolitaine, malgré les coquilles de noix. Il leur recommanda enfin l'excellent hôtel de Londres, sis à Anacapri, et le journal des étrangers,The Naples Echo. La voiture s'arrêta sur la petite place. Une grosse tour carrée qui arborait un cadran de faïence bleue, tenait en respect l'humble palais de la mairie, l'édifice de la poste, un petit café, l'échoppe d'un savetier, une pharmacie, une galerie de tableaux, une boutique de nouveautés à l'enseigne « La Parisienne », deux ruelles étroites qui s'ouvraient en arches vers la gauche, une rue qui descendait vers la droite, et un large escalier conduisant à une église. Assis sur les degrés, des spécimens de la population semblaient poser pour un photographe – enfants dépenaillés et les pieds nus ; femmes en casaque bleue, un mouchoir autour de la tête ; hommes en culotte bouffante, avec le grand bonnet napolitain ; pêcheurs à barbe blanche, une longue pipe au bec. Le groupe se dérangea vivement pour courir vers les voyageurs. Les rôles étaient bien distribués : les enfants demandaient l'aumône, les hommes vendaient des souvenirs, les femmes portaient les bagages.
Vue d’époque de l’Hôtel Quisisana, Capri. Par la rue descendante, Robert et Jacques gagnèrent l'hôtel Quisisana, situé à peu de distance. Au passage, ils virent le café Morgano, dont une pancarte vantait l'afternoon tea. C'était le lieu de réunion des étrangers et, en même temps, une banque, un bureau de placement, une librairie. La promiscuité y était de règle et, les autochtones y étant admis aussi bien que les princes, Robert y avait vu, lors de son dernier voyage, le vieux duc de Cambridge attablé avec un jeune pêcheur. Les deux Français prirent des chambres contiguës. Après une brève toilette, ils se retrouvèrent sur leur balcon. Une odeur de tubéreuses montait jusqu'à eux, d'un grand jardin verdoyant. Plus loin, apparaissaient les murs gris d'un ancien monastère de chartreux et se devinait la baie de Marina Piecola qui faisait pendant, du côté de la haute mer, à celle de Marina Grande. C'est là qu'il y avait le rocher des sirènes, puis, à l'est, les trois Faraglioni, jetés près du rivage comme par un cyclope. Cette partie de l'île était déjà dans l'ombre et les gerbes du couchant n'irradiaient que le sommet du mont Solaro. Robert posa son bras sur l'épaule de Jacques qui se dégagea doucement et lui dit : — Je vous permets tout, sauf de me déplaire. — Dieu m'en préserve ! Vous seriez sans doute plus indulgent pour l'un de vos camarades. — Encore faudrait-il qu'il fût mon cadet. Par conséquent, si vous étiez Verlaine, je ne serais jamais votre Rimbaud. — Heureux Verlaine, qui n'eut pas seulement Rimbaud, mais, au même âge son élève Lucien Létinois ! Il avait dix-sept ans, quand cela m'arriva. — Quand cela ne m'arriva pas, dit Jacques. Toutes vos références poétiques à cet âge critique ne peuvent me changer. Mais nous resterons amis, si vous me promettez qu'il n'y aura plus entre nous de débat verlainien. Je vous autorise tout juste Platon. En homme de bonne compagnie, Robert prit le parti de sourire, puis il passa la main sur son front, comme s'il sortait d'un rêve. — Que vous ai-je dit ? fit-il. Je ne sais plus. Allons dîner. Ils descendirent. Les tables, éclairées par des lampes, étaient installées sur une terrasse, où un orchestre jouait : « Daisy, Daisy. » Le maître d'hôtel s'empressait à placer les clients. On n'entendait parler qu'anglais ou, par-ci, par-là, allemand. Le menu, il est vrai, était en français : Robert et Jacques saluèrent la primauté gastronomique de la France. Soudain, un homme et un jeune homme se montrèrent sur le seuil : un homme à la tête puissante, aux longs cheveux gris, aux joues flasques, les doigts chargés de bagues, et un jeune homme pâle, l'air insolent, un stick à la main. — Oscar Wilde et lord Alfred Douglas, murmura Robert.
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