64
pages
Français
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Ebook
2019
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Publié par
Date de parution
22 novembre 2019
Nombre de lectures
0
EAN13
9791029403750
Langue
Français
La ligne 2 dans tous ses états
Yvan Dorster
Roman de 266 000 caractères, 45 000 mots, le livre papier fait 220 pages.
Théo est doté d’une sensibilité à fleur de peau. Il partage à mi-temps une vie de couple avec Christelle, une amie de lycée. Il croise un jour par hasard le regard d’un inconnu sur une ligne du métro parisien. Ses émotions explosent. Théo saura-t-il mettre des mots sur l’attirance qu’il éprouve pour cet homme et accepter d’aimer autrement ?
Le jeune homme, troublé par le désir, et empêtré dans les doutes qui l’assaillent, voyagera de Paris à Milan à la recherche de cet inconnu dont il ne sait rien. Il parviendra pourtant à connaître son prénom : Giacomo...
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Publié par
Date de parution
22 novembre 2019
Nombre de lectures
0
EAN13
9791029403750
Langue
Français
La ligne 2 dans tous ses états
Yvan Dorster
Roman gay
Fier comme Artaban
Retiens la nuit
Fréquence Zen 75
L’inconnu de la ligne 2
La vraie vie
Les règles du jeu
La ligne 2 dans tous ses états
Rencontre
Message brouillé
Partir pour Milan
La vie est belle…
Bavardage avec Christelle
Journal de mec
Jeudi
Vendredi
Mardi
Mercredi
Journal de mec (les jours suivants) - Jeudi
Vendredi et les jours d’après
Respirer pour évacuer
Mardi
Mercredi
Mercredi soir
Vendredi, samedi
Dimanche
Dimanche, suite et fin
Un Negroni, ou plutôt non, deux ou trois…
Fier comme Artaban
Théo a beaucoup de chance. Il occupe aux Buttes-Chaumont en bordure du parc, un petit appartement bourgeois dans un immeuble haussmannien, rue Manin dans le 19 e arrondissement. Le jeune homme a toujours vécu à Paris dans un immeuble de ce style ; chez ses parents d’abord, à deux rues de la place Daumesnil, où il connut une existence morne et étriquée, enfermée dans un étau entre celle de Jonathan, son frère aîné et celle de la discrète Magalie, la benjamine de la famille. Il s’était évertué à entasser là des diplômes pendant près d’un quart de siècle de cohabitation avec papa, et surtout maman qui lui lavait son linge le samedi soir et le repassait le lendemain, caleçons et chaussettes compris. Théo avait obtenu son bac littéraire avec mention au lycée Hélène Boucher, puis une licence de lettres modernes à la Sorbonne, avant de se diriger vers le journalisme et assécher sa soif de connaissance dans la communication, option métier du livre, sans avoir pu terminer le cursus dans les deux dernières filières.
Cette vie-là, Théo ne l’avait jamais trouvée passionnante, encore moins épanouissante. À vingt ans passés, il avait connu sa première aventure amoureuse dans les bras d’une étudiante délurée ; un âge tardif pour perdre son innocence, en raison sans doute des interdits religieux relayés par les nombreuses messes dominicales qui avaient baigné sa jeunesse. Cet évènement, Théo le qualifia d’extra-ordinaire au sens littéral du terme, ce fut l’un des rares moments qui pimenta son premier quart de siècle. La jeune femme était expérimentée et de sa toute première fois, Théo en avait tiré de réelles émotions, sans qu’elles n’atteignent pour autant les sommets imaginés dans ses scénarios érotiques les plus extrêmes. Ce qui détermina le caractère extraordinaire de l’acte amoureux, furent le soulagement et la fierté d’avoir conquis son nouveau statut de mâle, dans des conditions où l’estime de soi l’emporta.
Plus tard, le garçon s’installa seul dans un logement de même style, rue Manin, au tout début de sa fulgurante carrière au sein d’une radio communautaire à l’audience exponentielle.
Paris lui était toujours restée fidèle, les immeubles haussmanniens aussi. De retour des courses, les paumes de main cisaillées par des sacs enflés, ou bien le soir de retour du travail, une simple sacoche sous le bras, Théo reproduit le même rituel : parvenu à hauteur de la lourde porte d’entrée, il compose le code d’accès, met un pied sur l’imposant bas de porte un genou en appui, puis il entrouvre l’un des deux vantaux du portail, d’un viril coup d’épaule. L’immeuble ouvre sur un hall aux odeurs d’encaustique. Le jeune homme passe alors devant la loge du concierge dont il s’est approprié l’accent lusophone. Il monte dans l’ascenseur en bois enserré dans sa cage en fer forgé et il apprécie sa lente ascension où défilent les paliers aux entrées vernies : les portes des Godefroy et de la famille Thibaud au premier, celle des Cohen au second, avec sa poignée allongée qui se différencie de toutes les autres et celle du dentiste, couverte d’une plaque dorée en son milieu, celle des Dutourd au troisième, gardée par un teckel nain qui jappe à chaque mouvement d’ascenseur, et à l’étage le plus élevé, celle des Lochzameur du Guilvinec, dont on chuchote qu’ils seraient en instance de divorce... Théo habite un petit appartement au-dessus de ceux dont la porte est vernie. C’est un appartement modeste, restructuré, un agrégat de trois chambrettes mises bout à bout, auxquelles on accède en franchissant quatre marches en pierre dépouillées de toute moquette. Sa clef triture la serrure dans un bruit métallique désormais familier. Il pousse la porte, elle grince, il la referme, elle grince de nouveau, le parquet craque à chacun de ses pas. Théo pourrait aisément remédier à ces bruits parasites, mais tous ces grincements le rassurent. Il aime son appartement, petit nid douillet de cinquante mètres carré parce que précisément, il vit, il lui parle, il lui tient compagnie. Cinq ans déjà que le jeune homme avait emménagé dans ce quartier qu’il trouvait attachant pour sa mixité sociale. Les bobos à l’aisance discrète auxquels il avait fini par ressembler, côtoient ici des gens plus modestes, des juifs à kippa, des boubous africains et des foulards islamiques ; mais ce qui l’avait décidé à s’enraciner dans le 19 e sont les espaces verts du parc des Buttes-Chaumont. Théo s’imposait dans ce cadre idyllique quelques oxygénations des plus exigeantes sur le plan sportif. Avec une arrivée au sommet à près de trente mètres d’altitude, selon son navigateur GPS, l’ascension en petites foulées du temple de Sibylle se révélait plus efficace pour enrayer sa brioche naissante, que les trente minutes de pédalo sur un vélo de salle préconisées, graphique à l’appui, par le coach de son club de fitness…
Il est dix-huit heures. Sa chérie l’attendra dans un restaurant huppé des Ternes vers dix-neuf heures, l’heure de leur rendez-vous, dans tout juste soixante minutes. Sa chérie, c’est Christelle, sa copine depuis trois ans, presque sa compagne et moins que jamais sa femme. Ils se connurent au collège puis au lycée. Elle lui avait avoué en classe de troisième ressentir quelques sentiments, tout en regrettant de ne pas pouvoir s’engager plus avant du fait de son look de gamin pas fini . Théo en avait été meurtri, mais le simple fait qu’une fille ait pu envisager une idylle avait pour le coup ravigoté le petit mâle qui sommeillait en lui ; puis ils s’étaient perdus de vue. Chacun avait expérimenté des aventures amoureuses éphémères, propos sibyllins pour désigner des plans cul sans lendemain, plus en phase avec la réalité de leurs expériences de jeunes adultes... Ils sont en couple depuis trois ans, mais en couple à mi-temps. Christelle est sa compagne depuis qu’ils s’étaient revus, tout à fait par hasard, lors d’une réunion de travail où elle se présenta comme agent événementiel. Théo avait froncé les sourcils de peur d’une méprise, avant de reconnaître de façon certaine, la fille à frange et à nattes de l’époque du collège, la seule représentation de Christelle adolescente qui s’était gravée sur le disque dur de sa mémoire, après toutes ces années. Le coup de foudre tardif ne fut pas immédiat. Pourtant, la joie de revoir celle qui avait pris la peine d’écouter et de comprendre le jouvenceau renfrogné et timide qu’il était l’avait ému au plus haut point, en même temps qu’elle avait rempli son cœur d’autant de petits cœurs que le gros pouvait en contenir. Ils avaient convenu de se revoir au plus tôt. Ce fut acté autour d’un café à Saint-Germain-des-Prés, dans le brouhaha du boulevard et le bruissement des âmes attablées en terrasse, et comme Christelle semblait aussi enthousiaste et libre de tout engagement que lui, ils s’étaient rapidement retrouvés sous la couette à partager, dans un grand bonheur, leurs ADN les plus intimes. Le jeune homme déteste le terme ma chérie . Pourtant il l’utilise à tout bout de champ, devant elle, avec ses amis, ou lorsqu’il parle de sa compagne à sa famille. Le possessif ma le gêne, car Christelle ne lui appartient pas, pas plus qu’il n’appartient à sa copine. Théo veut rester libre et il lui laisse l’autonomie nécessaire qui évite la routine des échanges quotidiens. Elle n’en abuse pas. Chacun a conservé son appartement et ils se retrouvent chez l’un ou chez l’autre, autour de plats simples chez lui, à la table d’un grand chef, chez elle en tête à tête, ou en compagnie de leurs amis respectifs. Théo apprécie ces dîners presque parfaits, dans la mesure où il peut ensuite s’isoler pour se retrouver seul avec ses angoisses et faire le point sur les vicissitudes de l’Existence avec un grand E.
Tout cela pourrait sembler bien cérébral. C’est le fruit de son enfance et de son mal-être d’éternel adolescent qui expliquent l’état affectif dans lequel il se trouve aujourd’hui. Nul besoin de s’allonger sur le divan de Marc-Olivier Fogiel pour comprendre que tout se joue pendant l’enfance. Théo savait à quel point elle pouvait être douloureuse. D’enfance et d’adolescence, il n’en avait pas eu, ou du moins pas celles dont il rêvait. Il fut crucifié par sa faute et sa passivité. Du coup, le jeune homme est atteint du syndrome de Peter Pan. Il revient de loin, mais tout dans son comportement trahit une immaturité comportementale, mêlée d’une profonde solitude. Théo, c’est un esprit gamin dans un corps d’adulte ; un décalage entre l’être et le paraître qui ne s’estompe pas avec l’âge. Il s’accroît au contraire à un rythme effrayant au point d’en devenir dérangeant. Théo n’assure sa trentaine que dans son boulot, au lit avec Christelle, ou bien en singeant les mecs de son âge lorsqu’il s’attarde en leur compagnie. Aujourd’hui, le jeune homme se lâche : il se permet des blagues potaches de dernier de la classe qu’il aurait réprouvées jadis, à l’époque où il n’extérioriserait pas ses sentiments. Récemment, le Théo affranchi s’était même roulé son tout premier joint lors d’une soirée entre consommateurs avertis. L’absolue nécessité d’appartenir à un groupe n’est pas l’apanage des adolescents : Théo fréquente essentiellement des amis de son âge, urbains, bardés de diplômes avec un avis sur tout, appartenant à la classe sociale moyenne supérieure, sans vraiment le revendiquer, avec une sensibilité marquée à gauche, mais pas trop. Le