La Vénus à la fourrure , livre ebook

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Séverin, un jeune homme aux idées romantiques, est obsédé par la figure de l'antique Vénus. Lorsqu'un jour il croise Wanda dans ses fourrures voluptueuses, il est immédiatement envouté par sa beauté captivante.
Des Carpates à Florence, Séverin suit bientôt cette sublime créature, qui par sa force et sa beauté brutale le domine et l'asservit.
Esclave consentant, maitresse contrainte, les rôles se brouillent, et les rapports prennent un tour dangereux...


Plus qu'un classique, La Vénus à la fourrure, paru en 1870, est un texte majeur de la soumission érotique. Cette pratique ne tire-t'-elle d'ailleurs pas son nom de l'auteur de ce roman, Léopold Von Sacher-Masoch...


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Date de parution

15 avril 2013

Nombre de lectures

387

EAN13

9782919071326

Langue

Français

La Vénus à La Fourrure

Léopold von Sacher-Masoch
********


© Les érotiques, 2013 - pour la présente édition numérique
La Vénus à la fourrure


« Dieu la puni et l'a livré aux mains d'une femme. »
Livre de Judith, XVI, 7.
-I-


J'étais en agréable compagnie. Vénus était assise en face de moi devant une massive cheminée Renaissance. Non pas une femme du demi-monde qui, sous ce nom, aurait fait la guerre au sexe masculin, mais la déesse de l'amour en personne.
Elle était installée dans un fauteuil et avait allumé un feu pétillant dont le reflet venait lécher de flammes rouges son pâle visage aux yeux blancs, et de temps en temps ses pieds lorsqu'elle cherchait à les réchauffer.
Sa tête était admirable malgré les yeux morts et pétrifiés, mais c'était tout ce que je pouvais voir d'elle. La sublime créature avait enveloppé son corps de marbre dans une grande fourrure et se blottissait comme une chatte en frissonnant.
« Je ne comprends pas, madame, dis-je. Il ne fait vraiment plus froid ; nous avons depuis quinze jours un printemps splendide. Ce sont vos nerfs, certainement.
— Je vous remercie pour votre printemps », dit-elle d'une voix profonde et sourde, cependant qu'aussitôt après elle éternuait divinement, par deux fois. « Je ne peux véritablement pas y tenir et je commence à comprendre...
— Quoi, ma très chère ?
— Je commence à croire ce que je ne pouvais croire et à saisir ce qui m'échappait. Je comprends tout à coup les vertus féminines allemandes et la philosophie allemande, et je ne m'étonne plus de ce que vous autres, gens du Nord, ne sachiez aimer, oui, de ce que vous n'ayez même pas une idée de ce qu'est l'amour.
— Permettez, madame », répliquai-je, bouillonnant de colère. « Je ne vous ai vraiment donné aucune occasion de parler ainsi.
— Vous, non. » La Divine éternua pour la troisième fois et haussa les épaules avec une grâce inimitable. « Aussi ai-je toujours été indulgente à votre égard et vais-je jusqu'à vous rendre visite de temps à autre, bien qu'à chaque fois je m'enrhume malgré mes fourrures. Vous souvenez-vous de la première fois où nous nous sommes rencontrés ?
— Comment pourrais-je l'oublier ? dis-je. Vous aviez alors d'épaisses boucles brunes, des yeux bruns et une bouche rouge, mais je vous ai reconnue sur-le-champ au modèle de votre visage et à cette pâleur marmoréenne. Vous portiez toujours une jaquette de velours violet bordée de petit-gris.
— Oui, vous étiez très amoureux de cette toilette, et quel chevalier servant !
— Vous m'avez appris ce qu'est l'amour. Votre culte m'a fait oublier deux mille ans d'Histoire.
— Quelle fidélité sans exemple j'avais pour vous !
— Ah, en ce qui concerne la fidélité...
— Ingrat !
— Je ne veux pas vous faire de reproches. Vous êtes assurément une femme divine, mais avant tout, une femme cruelle en amour comme toutes les femmes.
— Vous appelez cruauté, repartit vivement la déesse de l'amour, ce qui fait l'élément propre de la sensualité et de l'amour pur, la vraie nature de la femme : se donner où l'on aime et aimer tout ce qui plaît.
— Existe-t-il pour l'amant cruauté plus grande que l'infidélité de la bien-aimée ?
— Hélas, répliqua-t-elle, nous sommes fidèles tant que nous aimons, mais vous exigez de la femme la fidélité sans l'amour et le don de soi sans le plaisir. Qui se montre donc cruel : la femme ou l'homme ? Vous autres, gens du Nord, prenez l'amour beaucoup trop au sérieux. Vous parlez de devoir où il ne devrait être question que de plaisir.
— Oui, madame, à cet égard nous avons des sentiments respectables et vertueux, et des relations durables.
— Et pourtant, s'avisa soudain la dame, l'éternelle nostalgie du pur paganisme est chez vous toujours intense et jamais satisfaite. Car l'amour en tant que joie parfaite et sérénité divine ne vaut rien pour vous, hommes modernes, fils de la réflexion. C'est pour vous un désastre. Dès que vous voulez être naturels, vous devenez grossiers. La nature est à vos yeux une ennemie. De nous, dieux riants de la Grèce, vous avez fait des démons et, de moi, une créature diabolique. Vous pouvez jeter sur moi l'anathème et me maudire, ou vous offrir vous-même en sacrifice devant mon autel en bacchantes frénétiques. Et si l'un de vous s'enhardit jusqu'à baiser ma bouche rouge, il lui faudra aller pieds nus, en robe de pénitent, jusqu'à Rome et y attendre que le bois maudit reverdisse, alors qu'à mes pieds fleurissent sans cesse les roses, les violettes et les myrtes. Mais leur parfum n'est pas pour vous. Demeurez dans vos brouillards nordiques et dans l'encens du christianisme ; laissez notre monde païen reposer sous la lave et les décombres ; n'exhumez rien de nous. Ce n'est pas pour vous qu'ont été bâtis Pompéi, nos villas, nos bains et nos temples. Vous n'avez pas besoin des dieux. Nous mourons de froid chez vous ! »
La belle créature de marbre toussa et rajusta sur ses épaules la sombre pelisse de zibeline.
« Merci pour la leçon de classicisme, répondis-je, mais vous ne pouvez nier que, dans votre monde serein et ensoleillé comme dans nos brouillards, l'homme et la femme soient au fond d'eux-mêmes ennemis. Si l'amour les réunit un court moment et fait d'eux un être habité d'une seule pensée, d'une seule sensibilité et d'une seule volonté, ce n'est que pour mieux les séparer ensuite. Vous le savez mieux que moi : qui ne sait soumettre l'autre à sa loi sentira bientôt sur sa nuque un pied prêt à l'écraser.
— Et il est de règle que ce soit le pied de la femme, s'écria Dame Vénus avec une impertinente ironie. Cela, vous le savez mieux que moi.
— Certainement, c'est pourquoi je ne me fais aucune illusion.
— Cela veut dire que vous êtes à présent mon esclave sans illusion et que je vais vous piétiner sans pitié.
— Madame !
— Ne me connaissez-vous pas encore ? Oui, j'avoue que je suis cruelle — puisqu’à ce mot seul vous prenez déjà plaisir - mais n'ai-je pas le droit de l'être ? L'homme est celui qui désire, la femme l'objet désiré ; voilà son seul avantage, mais combien décisif. La nature a livré l'homme à la femme grâce à la passion, et la femme qui ne sait faire de lui son humble sujet, son esclave, oui, son jouet, pour enfin le trahir en riant, celle-là n'est guère avisée.
— Vos principes, ma chère..., protestai-je avec indignation.
—... reposent sur mille ans d'expérience », répartit la dame malicieusement tout en jouant de ses doigts blancs dans la sombre fourrure. « Plus la femme se montre soumise, plus vite l'homme retrouve son sang-froid et devient dominateur ; mais plus elle est cruelle et se montre infidèle, plus elle le maltraite, plus elle joue follement avec lui, moins elle s'attendrit, et plus alors elle aiguise la volupté de l'homme, plus elle est aimée et adorée. Il en a été ainsi de tous temps, depuis Hélène et Dalila jusqu'à Catherine II et Lola Montez.
— Je ne peux le nier, dis-je. Rien n'est pour l'homme plus attirant que l'image d'une belle despote voluptueuse et cruelle qui, sans considération, change insolemment de favori selon son humeur.
—... Et porte fourrure, s'écria la déesse.
— Comment en venez-vous là ?
— Je connais vos goûts.
— Mais, intervins-je, savez-vous que vous êtes devenue bien coquette depuis que nous ne nous sommes vus.
— En quoi donc ?
— En ce qu'il ne peut exister folie plus merveilleuse pour votre corps de neige que ce noir pelage. »
La déesse rit.
« Vous rêvez, s'écria-t-elle, réveillez-vous ! » Et elle saisit mon bras de sa main de marbre. « Mais réveillez-vous », résonna de nouveau sa voix sourde. J'ouvris les yeux avec difficulté. Je vis la main qui me secouait, mais tout à coup cette main avait la couleur du bronze, et la voix qui me parlait était celle enrouée par l'alcool de mon cosaque qui, de toute la hauteur de ses six pieds, se tenait devant moi.
« Levez-vous, poursuivit ce brave, c'est une vraie honte.
— Pourquoi une honte ?
— C'est une honte de s'endormir tout habillé, et encore avec un livre. » Il moucha la bougie qui avait coulé et ramassa le livre qui avait glissé de ma main.
« Un livre de... — il l'ouvrit —... de Hegel ! De plus, il est grand temps d'aller chez monsieur Séverin qui nous attend pour le thé. »


« Un rêve bien étrange », dit Séverin lorsque j'eus terminé mon récit. Les coudes sur les genoux et le visage dans ses belles mains finement veinées de bleu, il sombra dans une profonde réflexion.
Je savais qu'il allait rester longtemps sans bouger, respirant à peine ; il en fut ainsi en réalité, mais son attitude n'avait pour moi rien d'extraordinaire, car, depuis près de trois ans, j'étais lié avec lui d'une bonne amitié et je m'étais habitué à toutes ses bizarreries. Oui, il était singulier, on ne pouvait le nier, même s'il n'était pas le fou dangereux pour lequel le tenaient non seulement ses voisins, mais tout le petit cercle de Kolomé. Il ne m'intéressait pas seulement, il m'était sympathique au plus haut point : aussi étais-je considéré par beaucoup comme un peu fou. Pour le gentilhomme galicien et propriétaire terrien qu'il était, comme pour son âge — il avait à peine trente ans —, il montrait une lucidité surprenante, un sérieux qui touchait souvent à la pédanterie. Il vivait selon un système à la fois philosophique et pratique minutieusement suivi, pour ainsi dire à la minute, obéissant en même temps au thermomètre, au baromètre, à l'aéromètre, à l'hydromètre, à Hippocrate, Hufeland, Platon, Kant, Knigge et lord Chesterfield. Mais il avait de temps à autre des crises d'une violence aiguë au cours desquelles il faisait mine de vouloir passer au travers des murs : chacun l'évitait alors prudemment.
Cependant qu'il restait muet, le feu chantait dans la cheminée ainsi que le grand et respectable samovar ; le fauteuil ancestral dans lequel je me balançais en fumant mon cigare murmurait aussi, le grillon du foyer chantait dans un vieux mur et je laissais errer mon regard sur l'attirail bizarre qui encombrait la pièce : squelettes d'animaux, oiseaux empaillés, globes, moulages en plâtre. J

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