Le Maître des amours
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Description

Le Maître des amours

Érik Rémès

Roman de 290 000 caractères

Un masseur, expert en sexualité, se met au service de ses clients et de leur plaisir. Il leur offre une école du sexe, attentive et chaleureuse.

Après Je bande donc je suis, Érik Rémès nous livre la suite de nouvelles aventures de BerlinTintin, reconverti en masseur-prostitué. Il aborde toutes les sexualités sans tabou ni voyeurisme – ou presque – pour favoriser l’épanouissement de l’individu.

Un livre rare sur la prostitution masculine, gay et bisexuelle.

Érik Rémès, né en 1964, sexologue et écrivain, est titulaire d’une maîtrise en psychologie clinique et d’une autre en philosophie. Journaliste depuis la fin des années 80, il a collaboré notamment à Libération, Nova Magazine et Gai Pied Hebdo.

Iconoclaste et provocateur, Érik Rémès s’est fait remarquer au long de ses ouvrages pour sa promotion d’une sexualité libertaire.

Retrouvez tous nos titres sur http://www.textesgais.fr/

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9791029400445
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Maître des amours
 
 
 
 
Érik Rémès
 
 
 
 
 
 
 
Roman
 
 
 
 
 
 
 
Le Maître des amours
 
 
— Tu ne toucheras pas le sexe de ma femme. Pas tout de suite, en tout cas. Tu resteras habillé, en débardeur et jogging.
— Je n’aime pas masser habillé, c’est une question de contact direct.
— J’y tiens, BerlinTintin.
— Bon, c’est d’accord. Je vous sers à boire ? Jus d’orange, Coca ?
— Un Coca, s’il te plaît, dit Julie.
— Moi aussi, merci.
— De la musique zen, cela vous va ? C’est parfait pour se détendre. Tu voudras que je te masse aussi, Patrick, après avoir massé ta femme ?
— Ah ! Non ! Moi, tu ne me toucheras pas, je ne suis pas homo, je te regarde uniquement t’occuper de ma femme.
— Alors, assieds-toi sur la chaise, mets-toi en face de nous, pour bien nous voir.
La femme se déshabille lentement, pliant un à un ses vêtements, patiemment, avant de les poser sur le dossier de la chaise, sagement rangés. Julie est très belle, 30, 35 ans peut-être, une fille plaisante, aimable, affable, à table. Cela va être agréable, ce corps de femme, séduisant, doux et soyeux. Cela change beaucoup des hommes, c’est totalement autre chose. Patrick est également un très bel homme, grand, mince, la quarantaine très bien portée, en costard, viril. Il a tout l’air d’un pur hétérosexuel : je trouve cela très excitant. Très sexe. J’aime faire l’amour avec des couples hétéros.
C’est le premier couple que je reçois depuis que je suis masseur. Jusqu’à présent, depuis les quelques semaines où j’ai commencé à me prostituer, je n’ai reçu que des hommes, mariés pour la plupart, des hétéros en goguette, en quête de virilité, d’un vide à combler.
 
Paris, octobre 1996, je suis BerlinTintin, j’ai trente-trois ans, je suis masseur et prostitué. Il n’y a pas de métier idiot. Il n’y a que des métiers bien ou mal faits. J’essaie d’être un bon tapin. Une bonne pute : une pute sacrée. Ce n’est pas facile, pas commode d’être un bon gigolo. Mais, avec le temps, je commence à y parvenir. J’apprends énormément de choses, sur les gens, sur les autres, sur moi, sur le corps et la sexualité, je rencontre beaucoup d’hommes et de femmes, des couples, trop peut-être, mais c’est très intéressant, humainement parlant, passionnant même. Je le dis tout de suite : je ne suis pas tombé dans la prostitution comme on tombe en décadence, comme on chute par terre sans pouvoir se relever. Non. C’est un choix de vie, que j’assume pleinement. Je suis devenu tapin parce que la vie qu’on a, de nos jours, celle qu’on nous propose, basée sur l’argent et sa quête obsessive, je trouve ça lamentable. La vie est déplorable.
Il est vrai que j’avais besoin d’argent, c’était vital aussi. Mais si je suis devenu garçon de joie, en fait, c’est pour avoir le temps de vivre et de finir mon roman, Je bande donc je suis, l’errance existentielle d’un jeune gay dans les années 90. Pour l’instant, je n’ai pas encore trouvé d’éditeur. Être un masseur correspond donc à un projet de vie artistique. J’ai mis du temps à assumer ce travail, pas mal de temps même. Ce n’est pas facile d’être un prostitué. Vous savez, le regard des autres…
 
Voilà quelques mois que j’ai enfin ma nouvelle maison près de la grande forêt de l’Est. Après un an de galère, oui un an, à droite et à gauche, chez les amis. Plus de maison, plus d’amour, plus de boulot. Le XII e arrondissement, ce n’est pas si mal que ça. C’est un peu excentré, c’est certain, mais j’ai justement envie d’être reculé, décentré. Je suis un garçon assez décalé. Plus envie d’être dans le Marais, comme avant, rue des Blancs Manteaux, au-dessus du théâtre des Blancs manteaux. Le quartier du Marais devient de plus en plus gay, très, un peu trop pour y vivre en tout cas. Les établissements foisonnent, éclosent. C’est tout de même formidable pour les homos, mais ce n’est plus bien pour moi.
Bon, c’est sûr, le XII e , ce n’est pas extrêmement excitant, pas de bars à la mode, encore moins de lieux nocturnes, beaucoup de vieux, mais bon… Les personnes âgées, depuis dix ans que je suis à Paris, je n’avais jamais parlé avec elles. Je ne fréquentais aucun vieux. Et là, maintenant, je parle à mes petites mémés, je les aide pour les courses. Au supermarché, comme je suis grand, 1m90, tout de même, oui-oui, on me demande toujours de chercher quelque chose perché en haut sur la dernière étagère. Et moi, bonne pâte, je me déplie et me transcende pour atteindre l’objet convoité. C’est vrai, à ce Monoprix, les étagères sont vraiment très hautes, c’est étonnant.
Elles sont toujours contentes, les petites vieilles, quand je m’occupe d’elles. D’ailleurs, ça m’étonne franchement qu’elles me parlent aussi facilement. Peut-être parce qu’elles commencent à me connaître à force de me voir dans le quartier. Et puis, c’est vrai, les piercings et les tatouages, ça ne fait plus peur, on voit des reportages là-dessus, même sur TF1 , c’est dire si c’est populaire. D’habitude, les gens hésitent à me parler. Je ne sais pas pourquoi, je les effraie un peu, c’est comme ça. On me le dit souvent. Enfin, moins qu’avant. De toute façon, depuis le temps, je me suis calmé, assagi. Peut-être que mon apparence est un peu trop dure. Je ne sais pas, je suis ainsi, je suis bien comme ça, c’est tout. C’est original, et le monde, je trouve vraiment qu’il manque de drôlerie parfois. Et de couleurs aussi. Le réel dehors est vraiment trop sérieux. Bon d’accord, mon look est surprenant, dur, j’ai les cheveux un peu courts, rasés à blanc même, j’ai un gros septum nasal et des tatouages partout sur les bras. Je suis aussi très grand. Sans parler des vêtements, oulala ! avec plein de couleurs. Quoique dans le quartier, la plupart du temps, je sois en jogging, très sportwear en fait : massage oblige. Puis, il paraît que j’ai une tête un peu curieuse. Moi, je ne m’en aperçois plus, vous imaginez, depuis le temps : je vais tout de même avoir 34 ans. On a le temps de s’y faire, à 34 ans, de se faire à tout même.
Donc voilà, les petites mémés, au lieu de croire que je vais voler leur sac, les agresser, voir même les violer, eh bien, elles me demandent d’attraper leurs biscottes sur les étagères si hautes. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis content de leur parler comme ça, aux petites vieilles.
Oui, les vieux… Mes grands-parents, je ne les ai pas beaucoup connus. Du côté de maman, n’en parlons pas. Son père est mort alors qu’elle avait dix ans (c’est pour cela, je pense, qu’elle a un rapport aux hommes assez curieux et qu’elle a tant investi sur moi : je suis un peu l’image de son père : elle est totale incestueuse). Sa mère, quant à elle, vivait en Nouvelle-Calédonie. Je ne l’ai jamais vue. De l’autre côté, du côté de papa, sa maman est morte lorsque j’avais cinq ou six ans. On vivait à la Guadeloupe et à l’île de la Réunion. Alors, le grand-père Pierre, je ne le voyais pas souvent, mais je l’aimais bien : un sacré tempérament. Je lui ressemble beaucoup d’ailleurs. Il est mort, j’avais quatorze ans. Les rares oncles et tantes : inconnus. Ma sœur, ce n’est pas mieux : elle a dix ans de plus que moi. S’est mariée avec un Bolivien, a vécu à Caracas. On ne l’a pas revue pendant presque 20 ans. Maintenant, elle habite en Nouvelle-Calédonie. La famille, je ne sais pas trop ce que cela veut dire.
— Voilà, madame, votre paquet de biscottes, dis-je avec un grand sourire un peu niais (pour ne pas lui faire peur).
— Oh ! merci, mon grand garçon, vous êtes vraiment trop gentil.
— Vous ne voulez pas que j’en profite pour prendre de la confiture ou du miel des Hautes-Alpes pendant qu’on y est ?
Dans le quartier, elles s’inquiètent de ma santé, me demandent des nouvelles de ma petite voisine, Bénédicte, avec qui je suis tout le temps d’habitude. Une petite vieille m’énerve tout particulièrement parce qu’elle trouve que je ne grossis pas :
— Mais vous mangez bien au moins ?, qu’elle me demande à chaque fois que je la croise en bas de la maison ou au Monoprix (parfois au Franprix aussi).
— Ben si vous saviez, ma bonne dame, je suis un véritable ogre, et gourmand avec ça.
Cela m’énerve qu’elle s’inquiète de mon alimentation. Ça me rappelle ma mère. Dans le XII e arrondissement, c’est bien, je me sens anonyme, ça me change du Marais et de son foisonnement perpétuel.
 
Ma maison est un ancien garage, avec de larges baies vitrées, lumineuse et spacieuse. J’en sors très peu, pas assez peut-être. Mes amis, François et Alain, m’ont prêté de l’argent pour les trois mois de caution. Mes parents, après avoir hurlé, comme à l’accoutumée, m’ont aussi prêté de l’argent et se sont portés garants. Bon, c’est certain, il a fallu que j’insiste, je me suis même très-très énervé au téléphone en leur disant que ce n’était pas la peine de se reproduire si c’était pour aussi mal s’occuper de sa progéniture. Mais bon, ils l’ont fait : je suis leur fils tout de même !
Les choses s’arrangent peu à peu pour moi, je sors de la galère. De toute façon, je ne pouvais pas descendre plus bas, je ne pouvais que remonter. Je n’avais pas encore envie de mourir, je n’ai jamais eu envie de mourir, enfin presque : sauf lorsque j’avais appris la cruelle nouvelle virale. Depuis, je suis passé à autre chose, je suis devenu un grand et gentil garçon, fort et dur, autonome. Pour survivre. Car il faut bien survivre.
Je vis dans la grande maison à Paris, un ancien garage à camion, à l’orée du bois de l’Est, bordée d’un long jardin où je peux laisser libre cours à mes rêveries. Une vie comme un huis clos dans la maison, avec ma petite chatte Milou (parce que BerlinTintin et Milou). Une maison où les hommes viennent s’initier à l’amour, se perdre et se trouver. Se retrouver. Car oui, je suis le maître des amours. Mon épopée initiatique terminée, ce quasi-chemin de croix des années précédentes de ma vie, virales, je m’occupe dorénavant des autres. Cela change. Je laisse libre cours à mon humanisme et à ma libido débordante, exubérante.
Je vis dans la pièce principale de la maison, vaste, claire, douce et aussi un peu

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