Nathaniel
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Description

Nathaniel
Aurore Kopec
483 300 caractères, 85 500 mots.
J'avais eu 20 ans. J'avais fait du chemin depuis que j'avais découvert mon homosexualité, 6 ans plus tôt. L'adolescent introverti, renfermé, évitant de se lier avec quiconque de peur qu'on découvre le honteux secret qu'il cachait était devenu un jeune adulte épanoui et heureux.
Ce secret ne l'était pas resté. Je m'étais fait cogner et surtout, j'avais perdu ma mère. Je ne l'avais pas revu. Je ne le cherchais pas. Son refus de me voir aurait été un nouveau rejet. J'avais ma vie avec Ian, avec mes amis et cela me suffisait. Je gardais en moi la douleur de l'avoir perdue, mais je vivais avec.
Durant ces 6 années, j’ai rencontré de nombreux garçons aux influences diverses, bonnes ou mauvaises. Ils ont fait ce que je suis.
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Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029401640
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nathaniel
 
 
Aurore Kopec
 
 
 
« Nathanaël jette mon livre ; ne t’y satisfais point… ce qu’un autre aurait aussi bien fait que toi, ne le fais pas. Ce qu’un autre aurait aussi bien dit que toi, ne le dis pas… Ne t’attache en toi qu’à ce que tu sens qui n’est nulle part ailleurs qu’en toi même, et crée de toi impatiemment ou patiemment, ah ! le plus irremplaçable des êtres. »
Les Nourritures Terrestres . André Gide.
 
 
 
Prologue
 
 
Bonjour. Moi c'est Nathaniel. Nathaniel Natwick.
Si aujourd'hui je suis pleinement heureux avec l'homme de ma vie, avant, j'ai connu les affres de l'adolescence. Une adolescence plutôt solitaire, pleine d'incompréhension, de doutes, de honte, mais aussi de merveilleuses rencontres.
Enfant unique, élevé par une maman célibataire, j'eus une enfance heureuse, même sans papa. Mon père, je connaissais son identité, je le vis même une fois. Prétextant une collecte pour le collège, j'avais sonné chez lui. Je l'avais vu, entouré de sa famille. Ma mère et lui avaient entretenu une liaison adultère. Je n'étais pas un enfant désiré, mais maman m'avait gardé. Et nous étions heureux, rien que tous les deux, dans notre petit appartement d'une tour HLM de Reims. Maman était infirmière. Avec ses horaires décalés, j'appris vite à me débrouiller seul. J'étais un petit garçon sage, calme, plutôt sociable et je travaillais bien à l'école. Je faisais le bonheur de maman et la rendais fière.
Puis il y eut l'adolescence, les hormones en ébullition, les émotions qui jouent aux montagnes russes et les questions existentielles. Je changeai. Un peu avant mes 15 ans, je réalisai que j'étais différent. Les filles ne m'intéressaient pas du tout sur le plan sexuel, même en me forçant. C'étaient les corps des garçons qui se dénudaient dans les vestiaires qui me faisaient fantasmer. Les filles, c'étaient juste des copines. Nous riions ensemble, bras dessus, bras dessous, sans rien imaginer de plus. J'étais différent, car aucun de mes camarades ne parlait des garçons comme ils parlaient des filles.
À l'époque, nous n'avions pas Internet à la maison, alors je fis mes recherches à la bibliothèque. Je tapai « attirance pour les garçons » sur un moteur de recherche. Je ne savais pas comment l'exprimer autrement. Je découvris alors le vrai sens du mot « homosexuel », que j'avais déjà entendu, au cours de mes lectures. Avant, c'était un concept un peu flou. Il n'y en avait pas dans mon entourage. Je découvris aussi le sens du mot « homophobe ». À partir de ce jour-là, je pus mettre un mot sur ce que j'étais. J'étais certes différent de mes camarades, mais je n'étais pas le seul au monde.
Je fus aussi très effrayé par toute cette violence que je lisais sur Internet. Cela allait des insultes au meurtre. Je ne comprenais pas pourquoi. Je ne faisais rien de mal, à être homosexuel. Je gardai donc ma découverte pour moi par peur du rejet, de la violence. Je n'étais pas une petite nature, je faisais du karaté depuis des années, mais je ne me voyais pas affronter toute cette haine.
En prêtant l'oreille aux conversations autour de moi, je décidai que c'était mieux de garder le secret. Je ne voulais pas être un « pédé ». En fait, je ne voulais même pas être homo, je n'avais rien demandé. J'étais déjà le garçon qui n'avait pas de papa et maintenant, j'étais celui qui aimait les garçons. Sauf qu'être homosexuel mettait ma vie en danger, si j'en croyais mes lectures. Si encore nous avions été plusieurs, mais ce n'était pas le cas. Étais-je une exception, ou une erreur de la nature ? Qu'allais-je devenir ?
D'adolescent parfait, je devins une adolescent introverti, renfermé, ne cherchant plus le moindre rapprochement avec ses semblables par peur qu'on ne me perce à jour. Personne ne devait savoir, et surtout pas ma mère. Quand elle voyait un garçon qu'elle soupçonnait être homosexuel, dans la rue ou à la télé, elle ne s'empêchait pas de décrier le comportement des gays et de critiquer méchamment. Elle était homophobe . Si elle découvrait mon secret, je la perdrais, c'était certain. Le secret devint le maître-mot de mon existence.
Je me mis à vivre dans la crainte. Ce n'était pas une vraie vie, en fait, car je m'empêchais d'être moi-même. Je culpabilisais dès que je regardais un garçon trop intensément. Il ne fallait pas. Pourtant, c'était plus fort que moi. Je n'étais pas très heureux de cette situation, mais je n'avais pas d'autre choix si je voulais préserver ce que j'avais. Je me concentrai sur mes cours, le karaté et la relation avec ma mère, qui comptait plus que tout au monde. Tant pis si je n'étais pas heureux, si je m'étais coupé de mes amis. Parfois, je m'imaginais plus vieux, amoureux et vivant avec un homme. Est-ce que j'y arriverais ? Est-ce que ce bonheur m'était destiné ? D'innombrables questions se bousculaient dans ma tête. À 15 ans, je rêvais de découvrir l'amour, le sexe, mais j'avais l'impression que tout cela m'était interdit, parce que j'étais homosexuel…
 
 
 
1
 
 
Ce printemps-là j'eus la confirmation que j'étais gay. Étant né mars, j'avais encore 14 ans.
Au collège, il y avait ce garçon, Quentin. Nous n'étions pas dans la même classe, mais nous l'avions été, deux ans auparavant. Quentin avait des origines métissées. Ses yeux foncés bordés de longs cils noirs m'hypnotisaient déjà quand nous avions cours ensemble. À présent que mes désirs pour lui ne me troublaient plus autant, parce que j'avais mis un mot dessus, je pensais beaucoup plus à lui. Il était plus grand que moi, on voyait même qu'il était plus musclé que les garçons de notre âge. Nos classes se partageaient le gymnase une fois par semaine. Le gymnase, et les vestiaires. Je l'observais discrètement quand il se changeait. Il avait des fesses rondes et portait des boxers. Mon regard était toujours attiré vers le bas de son dos, ou de son ventre. Il remplissait bien son boxer. Cela réveillait de drôles de sensations dans mon propre bas-ventre. Souvent, je bandais. C'était gênant, je devais me cacher. J'aurais dû ne pas le mater, mais c'était plus fort que moi. De petits coups d'œil furtifs quand j'étais sûr que personne ne me remarquerait. Au fil des semaines, je devins un expert à ce petit jeu.
Un jour, après le cours de sport, nous étions tous en train de nous rhabiller. Je tournai le dos au reste du vestiaire, fourrant mes affaires humides de sueur dans mon sac. Un objet me frappa à la tête. Je me retournai en me frottant le crâne.
« Oh, pardon Nathaniel ! s’exclama Quentin. Ce n'est pas toi que je visais, mais cet abruti d'Aurélien. Ça va, je ne t'ai pas fait trop mal ? »
Mon cœur rata un battement. Il se souvenait de mon nom. Et il avait l'air sincèrement désolé.
« Ça va, il n'y a pas de mal » répondis-je en bredouillant un peu.
Je ramassai le projectile – une basket – et le lui rendis. Quand nos doigts se frôlèrent, ce fut comme une décharge électrique parcourait mon bras. Mon cœur se gonfla, mes jambes se mirent à trembler. Je ne parvins pas à décrocher mon regard de ses beaux yeux noirs et de son sourire chaleureux.
« Merci. »
Je restai muet et quittai le vestiaire avant de tomber en pâmoison. J'avais déjà l'impression d'être tout rouge, les joues en feu. Il fallait que je me ressaisisse ou alors, quelqu'un allait découvrir que j'étais gay.
Impossible de me concentrer durant les cours qui suivirent. Je revoyais sans cesse son regard, son sourire. J'aurais voulu l'entendre encore prononcer mon prénom. Ressentir encore ces sensations grisantes quand nos doigts s'étaient effleurés. Le soir, dans mon lit, j'y repensai, le corps fiévreux, tendu par le désir. Je voulais qu'il me regarde, qu'il me parle à nouveau, qu'il me touche… C'était totalement déraisonnable. Comment une seule attention de sa part pouvait-elle me mettre dans un état pareil ? Je ne me reconnaissais pas. Moi qui étais timide, discret, je rêvais tout à coup d'être le centre de l'attention d'un garçon. À la moindre gaffe au collège, je deviendrais le pédé de service. Je ne pouvais pas me laisser aller.
 
*
* *
 
Le lendemain, je revis Quentin au collège, le croisant dans les couloirs, le hall. Mon ventre se serra à chaque fois. Quand je captai son regard sur moi, mon cœur s'emballa et je compris le sens de l'expression « avoir des papillons dans l'estomac ». Les sensations étaient étranges, je me sentais à la fois léger et maladroit, prêt à tout et apeuré, attiré et effrayé par cette attirance que j'éprouvais. C'était la première fois qu'un tel truc m'arrivait.
L'après-midi, tandis que je me déplaçais entre deux salles de cours, Quentin m'interpella.
« Hé Nathaniel ! Ça va ? s’enquit-il.
— Euh… oui, bredouillai-je.
— Je suis vraiment désolé pour hier.
— Ce n'est rien, je n'ai même pas de bosse.
— Tant mieux. Je ne voulais pas te faire mal. »
Son regard ne quittait par le mien. J'étais au bord de l'évanouissement, je respirais vite, mes mains étaient toutes moites.
« Ça va, je te rassure, lui-dis. Il faut que j'y aille. »
Sur ce, la sonnerie annonça la fin de l'interclasse. Je filai, après un petit « salut » à peine audible.
Quentin m'avait parlé ! J'aimais bien la façon dont le L de mon prénom s'attardait sur sa langue quand il le prononçait. Si seulement j'avais trouvé une excuse pour le toucher !
Évidemment, le cours suivant me parut long, très long. Quentin hantait toutes mes pensées. En fait, il occupa mes pensées durant des semaines. Mon plaisir quotidien était de croiser son regard, même une fraction de seconde seulement. Je ne pouvais pas me permettre plus sinon quelqu'un finirait par comprendre que j'étais gay. Mais un regard suffisait à embellir ma journée. Plusieurs fois, je m'arrangeai pour le frôler dans un couloir. Je mémorisai le parfum de son déodorant mélangé à celui de sa peau. Quand nous étions si proches, il me saluait d'un sourire, d'un « ça va » amical.
Hélas, il ne pourrait rien y avoir entre nous. Je ne pensais qu'à lui, jour et nuit, me demandant sans cesse s'il me dirait oui si je lui posais la question.

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