Ninon de Lenclos, les mille amants
44 pages
Français

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Ninon de Lenclos, les mille amants , livre ebook

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Description

À quatre-vingts ans, Ninon de Lenclos avait encore des amants. À cet âge, elle distribuait ses faveurs aux prélats et recevait aussi des jeunes gentilshommes venus la voir pour apprendre l’art de l’amour.
Ninon n’aurait pas été Ninon si elle avait été autrement. Quel écrivain de son époque n’a pas brossé son portrait ? Dans son salon littéraire, car il était de bon ton à cette époque pour une dame cultivée de tenir un salon où l’on discutait des arts et de la littérature contemporaine, Ninon était toujours prête à suivre une aventure galante.
Elle passait aisément de favori en favori et classait ses amants par catégories. Libertine et courtisane, elle aimait passionnément les hommes, rejetant tous les principes religieux, moralisateurs, hypocrites et mensongers.
Extraordinaire séductrice, elle devait gêner dans certains milieux l’opinion publique par la liberté de ses propos. Mais elle avait choisi cette voie : vivre en femme libre d’esprit et indépendante, sans être jugée, ni blâmée et elle ne s’en écarta jamais.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 juin 2015
Nombre de lectures 3
EAN13 9782374534169
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jocelyne Godard
Les Amours des femmes célèbres
NINON de LENCLOS Les mille amants
Collection Histoire
Quand Ninon se souvient
Rue des Tournelles, la maison de Ninon paraissait calme, presque endormie. Elle ne l’avait pas toujours été, résonnant autrefois de clameurs, de cris, de rires et de tous ces petits bruits qui font qu’un logement bouge, respire, vit et montre qu’il existe.
Mais ce n’était pas non plus que la vieille Ninon en avait terminé avec ce qui lui restait à vivre. Certes non. Ses souvenirs – ils étaient nombreux et tellement vivaces dans son esprit – se bousculaient parfois jusqu’à lui faire revivre réellement tout ce qu’elle avait aimé passionnément.
Et elle avait aimé « ses amours » jusqu’au dernier. Oui, jusqu’au dernier alors qu’elle était octogénaire.
Comment pourrait-elle jamais oublier Henri de Sévigné, le bel et joyeux infidèle qui délaissait son épouse, laquelle se consolait dans les lettres devenues si célèbres qu’elle écrivait à sa fille Françoise ou Madame de Grignan.
Vingt ans plus tard, Charles de Sévigné, le fils, avait réclamé d’elle ces mêmes faveurs qu’elle avait données à son père. Or, c’était bien celui-ci qu’elle ne pouvait oublier, ce beau jeune homme blond aux yeux bleus, à la mine rêveuse et romantique qu’il cachait si bien sous son violent désir de tout connaître de l’amour. Cet amour passionné, sensuel, charnel, qui forme les vrais hommes !
À cette époque où elle avait passé la cinquantaine, elle aimait beaucoup les amants de vingt ans.
À présent, il lui fallait mettre un peu d’ordre dans sa vie, sans pour autant rien oublier. Pourtant, elle l’avait déjà fait à sa sortie de prison où la reine l’avait poliment envoyée ? C’était l’époque où elle avait décidé de ne plus quitter la rue des Tournelles dont elle avait fait l’acquisition avant son internement. Mais combien, mon dieu, avait-elle vu défiler de ces jeunes amants qui avaient besoin d’elle ?
Maintenant qu’elle était vraiment « vieille », elle recevait encore beaucoup de monde, mais c’était de l’amitié qu’elle donnait, des conseils, des avis, des leçons, mais aussi des recommandations, voire des remontrances, aux femmes les plus passives, les plus soumises, celles qui n’osaient pas s’extérioriser de la façon la plus simple qui soit – pour une femme – en se donnant corps, esprit et âme à ceux qu’elles aimaient
Elle jeta un regard au feu qui flambait dans la haute cheminée de pierre. L’entrée de l’hiver se faisait sentir par un vent sec et piquant qui soufflait du nord. Bientôt le gel allait paralyser les arbres du jardin.
Ninon tourna la tête vers la porte de sa chambre. Il lui sembla entendre un bruit. Se trompait-elle ? Ces derniers temps, elle entendait facilement des pas qui lui parvenaient de la porte, des froissements de feuilles ou des clapotis d’eau qui lui venaient de la fenêtre, surtout quand elle était grande ouverte. Alors, elle respirait les senteurs embaumées des roses rouges qui couraient sur le mur de la maison ou elle voyait de son lit la fontaine couler dans la vasque de pierre grise située en plein centre de la cour où son attelage attendait.
Mais il était rare maintenant qu’elle se déplace d’un lieu à un autre et, patient, son cocher attendait.
La cohorte des abbés
Ninon ne se trompait pas. Elle avait bien entendu des pas du côté de la porte. Son oreille était encore bonne. Elle se redressa dans un mouvement beaucoup moins leste qu’autrefois et s’adossa à son gros coussin disposé derrière elle contre la tête du lit.
En quelques pas, l’abbé Fraguier avait rejoint la grande tenture qui occultait la porte afin que l’air froid ne pût pénétrer dans la pièce par les fentes.
Il la regarda, attendant qu’elle lui fît un signe pour avancer et s’approcher d’elle.
Ninon répondit par un hochement de tête les yeux toujours dirigés vers la porte. Dans un claquement imperceptible, l’abbé Fraguier la referma et, poussant un long soupir, Ninon lui tendit une main qu’il prit aussitôt, la serrant dans les siennes.
L’atmosphère annonçait déjà le souffle chaud de ses soupirs et l’embrasement des mots qu’elle allait prononcer.
L’abbé Fraguier, encore vert et gaillard, était son dernier amant, du moins le croyait-il. Mais pourquoi révéler la vérité, il en était si fier ! Pourquoi lui avouer qu’il y en avait eu quelques autres après lui ? Bien inutile vérité ! Vains mots à dire ou à expliquer. Cela ne regardait qu’elle.
— Votre visite me réconforte, mon bel ami.
— Je sais, acquiesça-t-il de la tête. De quel souvenir voulez-vous que l’on parle ?
Ninon eut un petit rire que l’abbé partagea aussitôt.
— De celui qui nous a portés aussi passionnément l’un vers l’autre la première fois que nous nous sommes rencontrés.
— Ah, Ninon ! reprit l’abbé en jetant sa pupille sombre et luisante dans le regard alangui de son ancienne maîtresse, ce souvenir-là restera dans mon cœur aussi longtemps que je vivrai.
De nouveau Ninon soupira :
— J’étais si jeune et si belle en ce temps-là.
— Mais vous l’êtes tellement encore !
À plus de quatre-vingts ans, Ninon de Lenclos sentait pourtant sa belle énergie disparaître un peu plus chaque jour.
Mais bah ! Sa santé florissante lui permettrait encore de vivre bien des jours agréables et elle n’avait nul besoin de canne pour marcher. Elle se tenait bien droite, les épaules redressées et le buste haut levé.
Ninon s’animait de tous les espoirs, même si l’abbé Dubois ou le Grand Prieur de Vendôme ne venaient plus pour rendre hommage à son éternelle séduction. Mais ils revenaient encore, tout comme l’abbé Fraguier, ce jour même, pour faire revivre les bons moments de leurs amours.
Ne leur avait-elle pas dit en les quittant : « Si, à mon âge, je tire encore parti de mon corps, je risque de vendre mon âme ! »
Ils avaient ri, certes, et l’abbé Dubois plus encore. Ils connaissaient si bien mademoiselle de Lenclos pour ses permanentes provocations et ses nombreux scandales.
Oui ! À tout bien réfléchir, et dieu sait si elle méditait au crépuscule de sa vie tumultueuse et non sans embûches, Ninon savait qu’elle ne pouvait fermer définitivement la porte à ses derniers amants. D’ailleurs, elle ne le souhaitait pas.
Elle gardait aussi de grands liens amicaux avec l’abbé Testu, ce grand bavard qui ne pouvait s’empêcher de discourir des heures avec elle et qui chaque semaine venait la visiter. Testu qui, plus de vingt-cinq ans après, espérait toujours la convertir. Elle ! L’impudente mademoiselle de Lenclos ! Ninon la provocante ! Ninon la scandaleuse courtisane qui n’avait jamais égrené de prières, ni fait de vœux, l’âme et le regard élevés vers les cieux, à l’exemple de sa mère.
La belle courtisane, si bien en place dans son époque, avait su tirer, même de l’abbé Testu, tout ce qu’il y avait à prendre. C’étaient autant de désirs amoureux, d’ardeurs charnelles, de soupirs languissants, de gémissements lascifs, au bout desquels il y avait eu ces longs rapprochements intimes où le corps expert de Ninon l’avait laissé pantelant.
Même si, depuis quelque temps, elle fermait son esprit aux grandes envolées passionnelles qui lui laissaient des souvenirs intenses, brûlants et inoubliables, elle restait ouverte à toutes sortes de galanteries amoureuses dont elle ne pouvait se passer.
C’est ainsi qu’elle gardait, comme avec les autres qui portaient la soutane, de tendres liens avec l’abbé Gédoyn, nommé récemment à la Sainte Chapelle. Gédoyn était l’un de ses plus vieux favoris, d’ailleurs encore très épris d’elle qui ne lui opposait guère de résistance quant à son manque de verve religieuse. Peut-être même accepterait-elle encore avec lui quelques-uns de ces délicieux moments qui ne la transportaient plus vers un éblouissement total, mais du moins confortaient son ego de grande séductrice.
Et, puisque ces dernières années avaient été le temps des abbés – ce n’était pas que Ninon repoussait ses autres favoris, mais plutôt que les hommes d’Église prenaient le temps de discuter avec elle – en vieillissant, les plaisirs spirituels la stimulaient et lui plaisaient plus que les plaisirs corporels, même si elle ne rejetait pas les galanteries courtoises.
La pétillante courtisane avait, aujourd’hui, plus d’une croustillante anecdote à raconter. Elle pouvait fermer les yeux pour mieux se les rappeler et se les susurrer.
Et – comme on l’a dit – les années les plus proches étant celles des abbés à qui elle avait largement distribué ses faveurs, on comprend qu’elle se les remémorait en premier.
Ninon gardait encore une grande sympathie pour l’abbé Augustin Servien, fils du surintendant des Finances et pour le Grand Prieur de Vendôme qui, la dernière fois, lui rappelait encore qu’il était venu « l’honorer ».
Mais avec lui, la discussion avait été d’un autre langage et, cette fois, plutôt que d’en référer à leurs anciennes amours, elle avait jeté en souriant :
— Mon cher Augustin, quand allez-vous instituer un clergé de femelles ?
— Un clergé de femmes ! s’était récrié le prieur en prenant une mine offensée alors qu’il aimait tant la gent féminine pour les grâces qu’elles pouvaient, éventuellement, lui offrir. Mais, chère Ninon, il faudrait tout d’abord que vous vous convertissiez.
Il l’avait regardé d’un œil amusé, à la fois critique, complice et sérieux, mais toutefois sans répondre à la réplique qu’avait lancée Ninon.
— Ah ! Mon doux ami, mon amoureux des temps anciens, présentez-moi une seule femme évêque et je me convertis séance tenante.
Le Grand Prieur avait ri. Que pouvait-il faire d’autre si ce n’était envoyer à son ex-galante, peu de temps plus tard, une lettre qui exposait ces termes :

« Ah ! Mademoiselle de Lenclos ! Indigne de mes feux, indigne de mes larmes ! Je renonce sans peine à tes faibles appas. Mon amour te prêtait des charmes. Ingrate ! Des charmes que tu n’avais pas ».
Et Ninon, peu touchée par ce style que les critiques de l’époque trouvaient un brin spirituel, mais assez effronté et portant une trop grande opinion sur les abbés eux-mêmes, avait répondu en des ter

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