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Rachel
Laura Syrenka
Roman de 245 000 caractères, 42 500 mots
Quand Rachel meurt, Clarisse se retrouve seule, sans logement, sans rêves, sans personne à aimer. Puis, elle rencontre Rose, mais a-t-elle le droit d’oublier Rachel ? Son cœur balance, sa mémoire oscille entre flashs back et envie d’avenir à deux.
Une nouvelle fois, Laura Syrenka brosse un roman érotique, parfois cru, mais amoureux et passionné où les préférences sexuelles des couples de femmes s’affichent et s’entremêlent.
Rachel
Laura Syrenka
À ma douce Debbie, qui n’est plus de ce monde.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Épilogue
Chapitre 1
Tu me manques mon amour. Je promène deux doigts tremblants sur ta photo. Sais-tu ce qui est pour moi le plus dur ? Je perds la mémoire du parfum de tes cheveux. Rachel ! Je ne suis rien sans toi. Ma belle, ma douce, ma tendre Rachel, ma douce aimée, ma vaillante.
Ma voix résonne dans notre appart vide. Je finis de rassembler mes dernières affaires. Tu n’es plus là pour me dire : « On finit et on va manger un morceau ? »
Je souris à l’évocation de ta voix qui s’estompe. Malgré moi, quelques larmes s’échappent et glissent mollement sur la moquette usée. Marmotte, ta chatte grise achève de trépaner les boucles de la tapisserie murale.
— Allez, Marmotte, il faut partir.
Bien agacée par cet ordre qu’elle semble trouver déplacé, ta chatte s’étire et me regarde de travers. Quelques croquettes dans le fond du panier de portage ont raison de sa réticence. Décidément, les chats sont de sacrés gourmands.
Jeanne m’attend en double file. Je prends mon dernier carton sous le bras et le panier de la féline. Au moment de fermer la porte, mon regard s’attarde une dernière fois sur l’hier de notre amour. En descendant l’escalier, comme à regret, je songe à l’insoutenable injustice de la vie. Mon trésor, pourquoi me laisses-tu seule. Mon amour n’était-il pas suffisamment fort pour te garder ?
Jeanne, le cigare à la bouche, s’impatiente. Les coups de klaxons derrière elle signalent avec insistance qu’elle est bien mal garée.
— Oui, ça vient, ça vient, s’exclame ma copine Jeanne en jurant comme un charretier.
J’engouffre le carton et le panier à l’arrière de la corsa et m’assois à côté de Jeanne. Elle me coule son regard de basset artésien avec un traînant :
— C’est bon ?
Elle enclenche la première avant d’entendre une évasive réponse étranglée par l’émotion.
— Tu fumes toujours autant les cubains ?
— Oui, mon cancer et moi, on ne change pas une équipe qui gagne !
Jeanne, de sa voix encombrée, s’esclaffe de sa répartie. Moi, je la regarde, émue. Quand j’ai perdu Rachel, Jeanne a été la seule de nos amies à m’entourer. Pourquoi la communauté Lez a-t-elle si peur de la mort ? Gros point d’interrogation. Ma souffrance ? Tout le monde la fuyait. Comme si le malheur était amicalement transmissible ! Stupide !
— Ah non, tu ne vas pas encore recommencer à chialer, P… t’es lourde !
Jeanne gesticule sur son siège. Je lui souris à travers mes larmes.
— C’est bon, j’arrête. Tu es contente ?
— Hum, tu peux franchement mieux faire, bougonne ma copine en roulant à tombeau ouvert.
— Où m’emmènes-tu ? On ne va pas chez toi ?
— Non, Odile me prendrait la tête. Pas envie d’une scène de ménage, surtout si je ne suis pas impliquée. Tu la connais : un vrai hérisson.
— Que tu caresses dans le bon sens du poil.
— Ouaip ! Pas touche !
— T’inquiète ! Odile n’est pas mon genre. Bon, où m’emmènes-tu Castro ?
— Dans ma piaule d’été.
— Ah ?
— Oui, là tu ne seras pas gênée par les touristes et tu pourras marasmer tranquille.
La voiture s’arrête devant un couvent à la façade évidemment austère. Je suis suffoquée.
— Attends, tu te fiches de moi ?
— Non, pourquoi ? C’est là que je passe mes vacances d’été.
Jeanne est visiblement vexée par mon manque d’enthousiasme. J’essaie de rattraper le coup.
— Excuse-moi, je ne m’attendais pas à…
— Attends d’entrer pour te faire une petite idée. Je prends tes affaires.
Jeanne tousse gras tout en prenant mes affaires. Elle m’incite d’un mouvement du nez à sonner. Je m’attends à voir arriver une nonne aux allures ampoulées, mais c’est une mignonne rouquine au sourire charmeur qui m’ouvre la porte. Ma stupeur la fait rire aux éclats.
— Mère Ursule ! S’écrie Castro à travers une quinte de toux qui secoue le sac de Marmotte.
— Révérende, s’exclame la rousse, visiblement amusée.
— C’est un petit jeu entre nous. Entre, elle ne va pas te confesser.
— Tant mieux ! Quoique… Dis-je en m’attardant sur les petits seins rosés qui percent l’étoffe de la robe légère d’Ursule.
— Entre ! Ursule n’est pas mon prénom, ici on m’appelle Rose, mais tu peux m’appeler comme tu veux.
— Rose me va parfaitement.
Je la regarde m’ouvrir la route. Bien malgré moi, le balancement de ses hanches attire mon regard. Je me sens coupable… Rachel.
Jeanne suit bientôt rattrapée par un grand gaillard à la voix douce.
— Attends que je t’aide, s’indigne-t-il ! Pourquoi refuses-tu à chaque fois que je t’aide ? C’est la veuve ?
— Chut ! Tiens Gillou, prends la chatte, elle est lourde l’air de rien.
L’ensemble architectural extérieur est très austère, mais l’intérieur est totalement différent. En y regardant de plus près, tous ceux que je vois déambuler dans la cour ont des allures d’artistes et aucune défroque religieuse n’est en vue. La rousse me donne quelques explications lorsque nous pénétrons dans le corps du bâtiment.
— Le couvent tombait en ruine depuis des années et la ville l’a racheté à l’évêché pour une bouchée de pain. Seules cinq vieilles religieuses l’occupaient, c’était dommage. Maintenant, la ville en a fait une cité d’artistes et tu verras que tes voisins ont des domaines d’activité très différents. J’espère que tu te sentiras bien chez nous.
— Quelles sont les conditions de location d’une chambre ?
— Modiques. En fait, tu verras cela demain avec l’adjointe du Maire. Elle viendra collecter les loyers et vous en parlerez ensemble.
— Bien. Merci.
Tout en devisant, nous avons emprunté l’escalier central et sommes arrivées au premier étage. Rose est essoufflée. Une goutte de sueur perle le long d’une mèche reposant sur son cou. Sa carotide bat, rythmée, elle soulève sa peau que j’imagine veloutée. Amusée de me voir ainsi hypnotisée, Rose émet un petit bruit de gorge, juste histoire de me ramener un peu à la réalité, nous sommes dans un couloir aux murs blanc cassé bordé de portes étroites et alignées. Rose détourne le regard et m’indique la troisième porte à droite.
— Voilà ta chambre !
Joignant le geste à la parole, la rousse ouvre la porte et s’appuie contre le mur pour me laisser passer. L’étroitesse du chambranle crée de nouveau la magie d’un contact furtif lorsque son souffle chaud s’éparpille un instant sur ma gorge. Nous avons approximativement la même taille, elle et moi. Je suis de nouveau troublée. Je n’ose plus la regarder. Faussement affairée, je regarde l’armoire, puis la chaise, le bureau et réplique le regard fuyant :
— Ça ira. Merci.
— On mange tous ensemble à la fortune du pot vers 20h, si tu as envie de connaître toute la bande. Salut.
La porte s’est refermée derrière Rose et j’attends, le cœur battant, que ses pas se soient éloignés avant de relever la tête. Son parfum est resté dans la pièce : Mûre sauvage. Elle aime les senteurs sucrées, moi je porte du boisé… Pourquoi m’attarder à ce genre de détails ?
Jeanne, ma fumeuse invétérée, toque à la porte.
— Ils ne pouvaient pas t’installer plus haut encore ?
— Attends, je prends les affaires. Viens t’assoir, tu es toute essoufflée.
Tandis que Jeanne s’effondre sur le lit, je rentre le panier et libère Marmotte qui s’acharne sur la fenêtre de plastique à coups de griffes et de dents.
— Tu vas te plaire ici, ma puce, tu verras, m’assure Jeanne.
— Oui, c’est possible. En tous cas, je te remercie de m’avoir trouvé un pied-à-terre. Franchement, sans toi…
Ma voix se brise et Jeanne reprend la conversation un instant suspendue.
— Il faut dire que le père de Rachel a été vache avec toi. Il ne t’a même pas laissé le temps de te retourner après le décès de sa fille.
J’éclate en sanglots.
— Excuse-moi.
— Non, je comprends. Tu sais, je l’aimais bien Rachel. C’est moche qu’elle ne soit plus là. Vous formiez un beau couple toutes les deux.
Je préfère couper court à la conversation en souriant à Jeanne. Elle sait que je ne veux plus parler. Ma bouillonnante copine essaie toutefois une autre porte où s’engouffrer.
— Tu devrais donner à boire à Marmotte. Elle a l’air d’avoir soif.
— Oui, tu as raison, je vais sortir sa gamelle. Où se trouve la salle de bains collective ?
— Près de l’escalier.
— C’est bon, j’y vais.
Le temps d’aller chercher à boire pour Marmotte m’est salutaire. Je n’aime pas pleurer devant Jeanne. Lorsque je reviens, elle prend congé.
— Bon, moi je vais y aller…
— Attends, comment as-tu connu cet endroit ?
— Je suis amie avec le frère de l’adjointe au Maire. C’est lui qui m’en a parlé en 2002. Depuis, tous les ans, je profite du calme de cette maison pour écrire mon roman de hall de gare annuel.
— J’aime bien tes romans.
— Moi aussi ! Bon, il faut que je parte. Ma dulcinée va trouver le temps long. Je file.
Jeanne dépose un baiser maternel sur mon front et dévale l’escalier en me faisant un signe de la main sans regarder en arrière. Sacrée Jeanne ! Elle est bouillonnante de vie ! 69 ans, un entrain incroyable et surtout une force vitale et morale peu commune. Elle est tout ce que je voudrais être.
Le nez collé à la vitre, je regarde ma copine rallumer son cigare avant de reprendre sa voiture. Je lui fais un signe qu’elle capte avec un grand sourire.
Le vroum du moteur et l’accélérateur mal modulé de la corsa me font sourire, on dirait que Jeanne conduit un pur-sang et qu’elle le fait cabrer !
Dans la pièce, le miroir placé au-dessus du bureau me renvoie une bien sinistre image. Le constat est affligeant. À force de pleurer, j’ai les yeux bouffis, je ressemble à un poisson pas frais. Marmotte est d’ailleurs bien d’accord avec moi. Elle tourne autour de moi et me gratifie d’une parade de chat affamé particulièrement insistante. Ses ronronnements sont si forts que j’en perds le fil de mes pensées.
Où en étais-je ? Oui, j’ai les yeux bouffis, ou du moins les paupières, car cela ne change rien à mes yeux. Ils sont bleus.
Depuis un