Sex macht frei
95 pages
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Sex macht frei , livre ebook

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Description

Sex macht frei
Jeff Keller
Texte de 357 000 caractères, 63 000 mots, le livre papier fait 268 pages.
Torsten est face à son ordinateur, il jette ses impressions sur la page blanche, les mots filent tout seuls et le nom de Tillo revient en permanence comme un exorcisme. Tillo prend du crystal, cet équivalent de la pervitine que prenaient les nazis. Tillo s’injecte du national-socialisme directement en intraveineuse qu’il transforme en totalitarisme sexuel.
Sex Macht Frei pourrait être le titre du roman de Tillo, ainsi que celui de tous ces marathoniens du sexe qui s’épuisent dans la jouissance. Une jouissance interdite puisque souvent les drogues empêchent l’éjaculation et les maintiennent dans un désir inassouvi. Ils tournent la queue raide comme la justice dans un ballet sexuel qui n’a jamais de fin, tournent et tournent encore sans plus pouvoir s’arrêter. Un roman poignant sur le chemsex.
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Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 juin 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029404214
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sex Macht Frei
 
 
 
Jeff Keller
 
 
 
 
À mes parents,
dont l’amour indéfectible a su me préserver de ce destin…
 
À Tom qui m’a soufflé l’histoire, en souvenir de Timo...
 
 
 
« L’air d’un petit vieux
avec là au creux de ton bras
la femme de ceux qui n’en ont pas, »
La Marmaille nue , Mano Solo
 
Qu’est-ce que c’est que la vie gay,
continua-t-il en regardant les danseurs en bas,
sinon des autos tamponneuses, à la foire,
qui s’entrechoquent et rebondissent ?
Malone, Le danseur de Manhattan , Andrew Holleran
 
 
 
1
 
 
Samedi 12 juin 2004. Hambourg. Europride.
 
De gros nuages noirs laissent parfois filtrer un rayon de soleil, accompagné d’un timide coin de ciel bleu. Des mouettes volent près du port. Le vent porte leurs cris ainsi que l’odeur saline de la Baltique.
Torsten marche dans la foule qui arpente les rues du plus grand port d’Allemagne. Les bouts de tissus blancs de son jeans délavé aux genoux troués s’effilochent au gré du vent. Les ourlets défaits tombent en franges sur sa paire de baskets blanches usagées, des Adidas Originals dont les extrémités sont maculées de traces noires. En bon teuton et malgré le vent frais, il ne porte qu’un T-shirt sur son jeans laissant voir la blancheur de la peau de ses avant-bras. Il tire une dernière bouffée sur son joint, le jette encore incandescent dans une poubelle municipale de la Stadtreinigung sous le regard curieux d’une mouette occupée à se nourrir de détritus.
Il soupire. Il s’est enfin décidé. Il est venu à la Gay Pride. Torsten ne se contente plus de coucher ses sentiments sur le papier. Il se libère du carcan de l’imaginaire pour entrer dans la vraie vie avec tout ce que cela comporte comme danger. Le premier pas, cet acte initiatique qu’il avait vécu véritablement comme un pont entre fiction et réalité avait été la signature du contrat d’édition de son premier roman, dans le bureau de Peter, son éditeur. Il était fébrile. Sa main tremblait quand il avait signé sur le rebord de la table. Et lorsque Peter lui avait dit qu’il lui aurait interdit de publier son roman sous son vrai nom, il avait paniqué. L’irréparable avait été commis. Il avait alors vu sa signature en bas de l’imprimé comme une marque au fer rouge à même la peau. Son pseudonyme allait le suivre partout. Un peu comme si chaque lettre de son nom d’auteur cannibalisait celle de son nom propre. Une nouvelle identité d’écrivain gay auréolée de souffre gommait la sienne propre devenue presque évanescente. C’était le pacte avec le diable. Il avait vendu son âme et finirait comme Faust, dans les rôtisseries lucifériennes, embroché de la tête au pied.
Il rit, depuis il en a fait du chemin. Aujourd’hui, il marche sans peur et sans honte sur le chemin de sa liberté. Il soutient le regard des passants fussent-ils haineux, fier d’être ce qu’il est ! La réaction de certains homophobes proclamant haut et fort qu’ils n’ont jamais été fiers d’être hétéros l’irrite plus que tout. Comme il l’a expliqué à la radio l’autre jour dans une émission pour la promotion de son roman, lorsque l’on fait partie de la majorité, on n’a pas besoin de s’affirmer. Les gays ne prétendent pas à une quelconque supériorité en revendiquant leur fierté. Ils affirment juste être fiers d’être ce qu’ils sont malgré les quolibets qu’ils ont subis depuis leur plus jeune âge, malgré cette haine rampante envers l’autre, omniprésente dans toutes les cours de récréation. Le phénomène de la Gay Pride, avait-il continué, est analogue au « Black is beautiful » des années soixante. Ce mouvement américain construit en réponse à l’image dévalorisante et caricaturale que le Blanc raciste propageait. À savoir qu’un Black était forcément laid, animalier, simiesque. Il avait alors achevé son argumentaire en disant qu’il marcherait ce samedi dans les rues de Hambourg, car il en avait encore besoin pour en finir une bonne fois pour toutes avec le sempiternel cliché « Sale pédé ». Cliché qui lui avait collé au train durant toutes ces années d’humiliation au collège. Avant un jour de ne plus avoir besoin de marcher, plus besoin d’être fier, pour ne plus avoir à se soucier du regard des bourreaux, être juste serein, libre. La présentatrice l’avait félicité et lui avait dit que cette interview, c’était de l’or en barre pour lui comme pour elle. Il s’en foutait, que ce soit de l’or ou de la merde, il avait juste été lui et dit ce qu’il avait au fond de son cœur.
L’Europride dans sa ville ça n’arrive pas deux fois dans une vie. Il ne pouvait pas manquer ça. Il regarde autour de lui et se dit que beaucoup de ces gens, jeunes comme moins jeunes ont fait le déplacement des quatre coins de l’Europe. Ces deux vielles lesbiennes aux cheveux poivre et sel avec leur pancarte vintage « Libérons les minous ! » ont quelque chose de touchant dans leur abnégation totale à la cause. Quel péteux il aurait été, s’il n’avait pas ramené ses fesses par ici en habitant à deux pas ! Il arrive en tête du cortège et constate que les politiques des Verts et du SPD se bousculent pour occuper le premier rang afin d’avoir l’assurance d’être bien cadré dans le champ des caméras pour les journaux télévisés du soir. Bien malin celui qui pourrait dire s’ils sont opportunistes où réellement interpellés par la cause. Torsten revient parmi les fêtards qui suivent. Ils draguent, boivent, se droguent où les trois à la fois, derrière les gros chars technos des établissements commerciaux de la nuit hambourgeoise. Il se sent mieux parmi eux, il se dit qu’ils paraissent plus authentiques que ces faux-culs en col blanc et gros bides, plus à leur place, même s’il n’y a pas que la fête dans le monde gay. Et pourtant, la techno et plus précisément la house est devenue un emblème phare du mouvement de libération homosexuelle. Expérience commune dans l'absence de parole. Utile peut-être pour s'accepter plus facilement, cacher sa honte d'être homosexuel(le)s et apprendre à vivre... En tous cas, la techno le fait vibrer comme aucune autre musique. Il se sent vivant ! Les rythmes hachés pénètrent les cellules de son corps, l’emportent dans une farandole forcée comme jadis les rats derrière le joueur de flûte d’Hamelin.
Une association défile, bon enfant, ses membres habillés en matelots. Un papillon à taille humaine bat des ailes colorées sous le regard amusé des passants. Plus loin, des mecs bardés de cuirs se flagellent et affichent des tenues fétichistes outrancières, juchés sur une jeep, peinturlurés comme des Iroquois sur le sentier de la guerre. Un travesti harnaché dans une guêpière en cuir les poursuit, armé d’un godemichet géant dont l’extrémité oscille de droite à gauche, sous la réprobation de certains badauds choqués. Ce travesti avec son épaisse couche de mascara et son nez bouffi lui évoque si fortement sa grand-tante d’Hanovre, l’austère et grasse protestante, membre active du collectif pour la vie, qu’il en éclate de rire. Elle n’a jamais été fichue de se reproduire, mais elle se croit obligée de donner des leçons à la Terre entière. Il s’arrête devant un vendeur de bière à la sauvette. Un Pakistanais édenté tout sourire qui traîne un caddy de supermarché rempli de seaux à glace pour réfrigérer les bières. Il achète une canette d’Astra à peine fraîche avec encore le sourire au coin des lèvres, optimiste.
Torsten se dit que les droits avancent. Les Pays-Bas et la Belgique ont d’ores et déjà accordé le mariage aux couples homosexuels. Une loi similaire est en préparation en Espagne sous l’action du gouvernement progressiste de Zapatero qui vient de remporter les élections législatives. Qui aurait cru que la très catholique Espagne serait une pionnière du mariage homosexuel ? Avant même l’Allemagne ? Si l’avancée des droits LGBT est à la merci d’un gouvernement qui n’a pas été élu sur ses considérations, il faut bien reconnaître que gauche ou droite fait quand même souvent la différence. Il se prend à rêver d’un futur où la Gay Pride ne serait plus qu’une immense fête, sans plus de revendications. Une fête qui commémorerait la longue marche vers l’égalité des droits. Il se dit qu’avec Merkel qui est aux portes du pouvoir, l’Allemagne n’en prend pas le chemin.
À titre personnel, il aimerait dépasser ce stade de l’acceptation, aller plus vite que ce que la société allemande lui a permis d’être jusqu’à présent. Il aimerait pouvoir écrire autre chose que sur le mal de vivre. Avancer dans l’écriture, s’envoler. Être bien et pouvoir impulser de la vie. Sortir de ce rôle convenu qu’affectionnent les éditeurs du jeune pédé écrivain et torturé se cherchant dans l’écriture pour mieux s’accepter. Aujourd’hui, il veut être écrivain tout court.
La techno et la foule l’électrisent, éveillent son côté rebelle, lui donnent soif d’amour absolu, il a envie de faire exploser tous ces clichés qui le limitent, le font vivre dans des cases de petit garçon bien obéissant à l’ordre dominant, il se sent prêt à envoyer tout valdinguer.
La banderole flotte dans le vent et affiche fièrement le slogan de l’Europride 2004 : « Love breaks barriers ».
Et justement, des couples de garçons et de filles s’embrassent un peu partout. Heureux de pouvoir défiler en public, sans plus se cacher. Un moment qui comptera pour la construction de leur couple, un moment qu’ils raconteront peut-être dans trente ou quarante ans à leurs petits-enfants si les droits ont suffisamment avancé pour qu’ils en aient…
Torsten les regarde avec un soupçon d’envie. Lui aussi voudrait bien vivre la grande aventure, celle de l’amour. Ces derniers temps, il a multiplié les plans cul, les corps ont défilé dans sa vie, sans jamais s’arrêter. Il n’a en tout et pour tout eu droit qu’à une succession de partenaires sans lendemain. Des kleenex interchangeables qui n’ont laissé qu’un vague souvenir de plaisir inachevé. Le dernier en date à s'être attardé un peu plus que les autres, un certain Otto était obnubilé par le rasage de son crâne. C’était même la première des choses qu’il faisait dès qu’il se levait. Il s

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