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Sexes débutants
10 nouvelles de Pédro Torres
Sexes débutants
Stalingrad 1942
Train de nuit
No Prude at the Nude Dude
Reportage censuré
Jeff
Mœurs et sexualité dans les îles Pacifiques
Pêche au gros
Une certaine obsession
Pompiers en surchauffe
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Sexes débutants
Pédro Torres
Sexes débutants
— Excusez-moi, vous ne sauriez pas par hasard, hmm, quel est l'âge moyen de la première relation homosexuelle pour un garçon ?
Cette phrase, Cyrille a eu du mal à la dire. Elle est restée à moitié bloquée dans sa gorge. Il a dû faire un effort de maîtrise pour pouvoir la terminer. Cette question le taraude depuis longtemps. Il est en grande partie venu pour cela au SIGLE, Service d'Information Gay Lesbien Étudiants. Ce service est situé rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, une de rues gaies les plus actives du Marais. Proposé par la ville de Paris, il est une sorte de syndicat d'initiative sur le sujet. Et sur ce point, Cyrille a bien besoin qu'on l'aide à prendre des initiatives.
Le centre se veut un espace convivial, mais à cette heure, il est plutôt calme. Deux amis, chacun d'un côté et de l'autre d'un comptoir au faux air de bar, boivent un café. Un homme entre deux âges tente de répondre assez maladroitement à la question de Cyrille. Un peu plus loin, un jeune garçon fait pivoter un tourniquet de cartes postales dans lequel les associations gaies et lesbiennes mettent leurs prospectus.
Ce dernier garçon, Benjamin, est lui aussi intéressé par cette question. Il tend l'oreille pour entendre la réponse ; malgré tout, la voix douce et monocorde du conseiller lui reste inaudible. Il s'approche, n'entend que des généralités, et se focalise sur un Cyrille rougissant acquiesçant à chaque phrase.
Benjamin s'écarte de nouveau tout en restant en alerte sur la conversation. Il en profite pour jeter sa main dans un aquarium rempli de gels et de préservatifs dont il en empoche discrètement une poignée. Il voit Cyrille, dans un dernier hochement de tête saluer son interlocuteur et sortir de la « boutique ». Il décide de le suivre et de l'aborder.
— Excuse-moi, je t'ai entendu poser une question sur l'âge de la première fois. Moi aussi j'ai ce problème, ça me ferait plaisir d'en discuter avec toi. Ça t'embêterait si on allait boire un verre ?
Cyrille sent d'un coup son adrénaline monter. Il a mis des jours à oser aller au SIGLE. Il n'avait accepté de revêtir sa peau d'homosexuel que le temps nécessaire pour entrer dans ce service d'informations. Il s'est senti soulagé de quitter cette cotte de mailles dès le seuil de nouveau franchi. Et voici qu'un homosexuel veut lui parler en tant qu'homosexuel. Cyrille sent son front se marquer au fer rouge des infamantes lettres « P » et « D » lorsqu'elles sont réunies. S'il s'était écouté, il aurait volontiers prétexté un rendez-vous urgent, mais il accepte ce coup du sort. Somme toute, il est bien dans le Marais pour tenter d'essayer de s'ouvrir à ce qu'il est. Ce garçon qui l’accompagne est peut-être le signe du destin qui va l'aider à tracer sa route. Pourtant, Cyrille offrant le spectacle de se promener avec un éventuel « petit ami » lui semble presque aussi ridicule que de faire le même chemin, nu.
— Si tu veux, mais ça t'embêterait qu'on se rapproche des Halles ? dit-il d'un ton presque de supplique.
Cyrille, nouvellement arrivé à Paris, ne connaît personne dans la capitale, à part sa sœur qui l'héberge pour son année d'université. Prendre un verre dans le Marais avec un autre garçon lui semble insupportable. Pourtant, Cyrille en convient, Benjamin n'a rien d'efféminé, il fait plutôt garçon classique.
Tous les deux parcourent en silence les quelques centaines de mètres qui les séparent de la rue du Renard. Elle forme la frontière entre le Marais et Les Halles. Limite de quartier, mais pas pour « Pédéland » qui l'a traversé depuis longtemps. Une fois éloignés tous les drapeaux arc-en-ciel, Cyrille prend la décision de s'arrêter dans un bistro de quartier très calme en cette après-midi de semaine. Ils s'asseyent et se dévisagent un instant.
Benjamin est un garçon dont le sourire constant illumine le visage. Dès le premier regard, il semble heureux en toutes circonstances. Il est beau, une beauté tout en rondeur. Son visage, à peine sorti de l'adolescence, est encore celui d'un enfant. Pourtant, son corps, tel celui d'une rose, porte déjà pour le spécialiste en physionomie, les stigmates de sa déchéance. Il irradie très fortement pour, malheureusement, devoir se faner aussi rapidement. Ses magnifiques fesses joyeusement rebondies vont fortement s'évaser dans quelques années. Ses traits vont s'épaissir, ses cheveux tomber. Pourtant, à dix-huit ans, la beauté de Benjamin vient à peine d'éclore et son succès chez les homosexuels lui est assuré pour de nombreuses années. Cyrille ne voit pas cette beauté. Il regarde juste Benjamin en se demandant s'il lui serait agréable de discuter avec ce garçon. La réponse est positive.
Cyrille, lui, n'est pas laid ; son physique attire peu le regard. Il est distingué ; lorsqu'il approchera la quarantaine, cela lui servira de passeport de séduction. Cyrille est plus grand que Benjamin et physiquement mieux bâti même si cela n'apparaît pas encore.
— Je sais que c'est un peu gênant, mais j'ai déduit de ta question que tu étais encore puceau et c'est mon cas aussi. Et je pensais que ce serait bien si on pouvait en parler, échanger nos points de vue.
Cyrille se racle la gorge. La situation est assez gênante. Heureusement, l'accent méridional de Benjamin rend ses propos plus légers. De plus, ce dernier change aussitôt de sujet.
— Je vais commencer des études de Physique à paris 6, Pierre et Marie Curie à Jussieu et j'ai dix-huit ans. Je viens d'arriver à Paris. J'habite Nontron en Dordogne. C'est une petite ville. Mon père est un notable, il possède l'usine de fabrication de chaussons qui fait le renom de la ville, dit Benjamin en éclatant de rire.
— Évidemment, ce n'est pas Hi-Tech, mais on a tous besoin de chaussons, n'est-ce pas ? reprend Benjamin avec un clin d'œil charmeur.
Aussi loin qu'il s'en souvient, personne chez Cyrille n'a jamais chaussé de chaussons.
— Tout à fait, c'est très pratique. Peut-être qu'ils en font des modèles à la mode ?
Benjamin, ne voulant pas s'engager sur ce sujet à l'intérêt mesuré, demande à Cyrille d'en dire un peu plus sur lui.
— J'ai une maîtrise de Chimie. Je suis monté à Paris pour préparer un DESS à l'École Nationale Supérieure de Chimie de Paris.
— L'ENSCP ? Mais on est voisin, c'est Paris 6 aussi, C'est marrant : Physique – Chimie, deux disciplines complémentaires. Tu as quel âge ?
— J'ai vingt-deux ans !
— Vingt-deux ans ! Je comprends que tu veuilles jeter ta gourme !
— Ma quoi ?
— Heu ! perdre ta virginité. Comment comptes-tu t'y prendre ?
Cyrille le regarde avec effarement.
— Je ne sais pas. Tu poses de drôles de questions. Comment peut-on répondre ? Il faut que je trouve un garçon avec qui je me trouve des points d'intérêt et dont je tombe amoureux, en espérant que ce soit réciproque. Les choses se feront comme elles se feront.
— Comment vas-tu faire pour trouver le garçon idéal ?
— Je ne sais pas encore, j'y réfléchis. J'ai du mal à accepter mon homosexualité. Pour tout te dire, je n'aime pas les homos et tu es le premier avec lequel je parle. Tu vois ce n'est pas facile pour moi.
— Ah oui, je vois le problème. Hé bé, tu n'es pas sorti de l'auberge ! Comment peux-tu être homo et les détester ?
— Je ne sais pas, on m'a appris à les mépriser bien avant que je ne ressente de désir pour des garçons. Mon père est militaire et profondément chrétien. Il milite activement contre l'avortement, alors tu vois !
— Mais quand tu me vois, qu'est-ce que tu vois ? Un sale pédé à taper dessus ou un jeune pédé à désirer ?
— Je n'ai jamais voulu taper sur personne et jusqu'à présent je n'ai jamais rencontré de pédé se déclarant en tant que tel. Si tu veux tout savoir, je suis profondément mal à l'aise.
— Tu sais, je crois qu'on n'aime pas ce que l'on ne connaît pas. Il suffit de prendre un bon bain de pédé, les voir vivre comme tout le monde pour apprendre à les accepter et à les aimer.
— Dieu t'entende, car je suis très douloureusement tiraillé.
— Tu es croyant ?
— Oui et ça m'a sauvé la vie, car je suis sûr que je me serais suicidé sans le réconfort de la parole divine. Je me serais tant senti seul sans la présence du Seigneur à mes côtés.
La conversation prend un tour auquel Benjamin ne s'attend pas. Son but est d'essayer de réunir leur virginité pour la perdre en même temps. Nontron ne lui a jamais offert cette occasion. Une ville petite, des gens qui aiment la tchatche, un père notable, un manque de jeunes homosexuels déclarés, des amis rugbymen ouvertement homophobes. Rien n'a permis à Benjamin d'avoir sur place une première expérience. Monter à Paris lui en offrait l'occasion et il ne se donnait pas une semaine avant de perdre son pucelage. Cyrille lui paraît être le garçon idéal, mais à l'entendre, l'affaire semble se corser. Pourtant, Benjamin, bonne âme, toujours prêt à rendre service, se sent la responsabilité d'aider le premier homo qu'il ait jamais abordé de sa vie. Sans enchaînement avec ce qu'a précédemment dit Cyrille, il déclare :
— Voilà, tout le problème est là. Tout dépend comment tu le prends. Soit tu la joues romantique et tu attends le prince charmant, qui, disons-le tout de suite, n'existe pas. Soit tu prends le taureau par les cornes et tu dis, je baise et je verrais par la suite si l'un de mes amants me plaît.
— Attends, tu ne m'as pas dit que toi aussi tu es vierge ?
— Oui !
— Alors qu'est ce que c'est ces conseils ?
— Ben justement, c'est pour cela que je te parle. Je viens de quitter Nontron où rien n'était possible pour moi. Je viens d'arriver à Paris et je me dis profitons-en.
— Comment tu comptes t'y prendre ?
— Et bien aborder un garçon avec qui je peux le faire et le faire avec lui.
— Et tu le trouves où ce garçon ?
— Au SIGLE par exemple !
— Attends, attends, si je comprends bien, tu me fais une proposition ?
— On peut dire ça comme ça !
— Je n'en reviens pas. Sur cette histoire, je tentais une première approche à petits pas, et pour le coup, je me vois chausser des bottes de sep