Ceux qui tiennent la ficelle des cerfs-volants
164 pages
Français

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Ceux qui tiennent la ficelle des cerfs-volants , livre ebook

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164 pages
Français

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Description

Tout les oppose, et pourtant, il ne la laisse pas indifférente…

Célia, jeune étudiante studieuse, vient de perdre sa maman et doit s’occuper, seule, de son enterrement à Béziers. Durant son séjour, elle découvre la région, en quête de souvenirs et de secrets de famille depuis longtemps enfouis. Alors qu’elle laisse libre cours à sa tristesse et à ses doutes, elle rencontre Jocelyn, organisateur de soirées et dragueur invétéré. Tout les oppose, et pourtant, il ne la laisse pas indifférente…

Plongez dans l'histoire de Célia, jeune étudiante en deuil et confrontée à des secrets de famille longtemps enfouis, et Jocelyn, organisateur de soires et dragueur invétéré !

EXTRAIT
Jocelyn la regarda sans comprendre. Célia tenta de s’expliquer.
— On avait toute une théorie, suivant les couleurs. Les rouges, c’étaient des filles brunes avec des lèvres écarlates et de grosses boucles d’oreilles en or. Les noirs, des vieux messieurs sévères, qui s’entraînaient jour et nuit pour faire les plus belles figures, les jaunes, des...
En croisant le regard interrogatif de Jocelyn, Célia arrêta son explication.
— Quoi, tu ne t’es jamais demandé qui est la personne qui tient la ficelle du cerf-volant ?
Il secoua la tête, visiblement amusé.
— Tu as tort. Derrière toutes les libertés, il y a un fil à la patte.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pas-tout-à-fait-quadra, presque-plus-trentenaire, Béatrice Ruffié Lacas vit dans le Sud de la France avec ses quatre enfants et son mari. Après le succès de Demande à la maîtresse, elle revient avec une nouvelle romance contemporaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 février 2019
Nombre de lectures 6
EAN13 9782930996356
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1 La pluie se lève à l’aube
La pluie ruisselait doucement sur les pavés du centre-ville, produisant une mélodie sourde et régulière. C’était une bruine d’été aussi fine que pernicieuse. De celles qui vous traversent le corps sans en avoir l’air, mais vous laissent trempés jusqu’aux os. Quand une énorme goutte ruissela sur son front, Célia hâta le pas, par habitude ; mais après quelques mètres, elle reprit le rythme initial de sa marche. À quoi bon se presser lorsqu’on n’a aucune destination ?
Guidée par les rayures du trottoir, elle prit la première rue qui se présentait sur la gauche et s’engagea dans les méandres de la vieille ville. Devant elle, une étroite ruelle se gorgeait de remous qui s’écoulaient dans une plaque d’égout bouillonnante. L’eau emportait tout sur son passage : des herbes folles, des papiers gras et des larmes, tellement de larmes. Celles de Célia se confondaient avec les intempéries. Tour à tour silencieuses ou sonores, elles devenaient cascades pour se réduire à néant. Ou à si peu. Comme celles d’un promeneur fatigué, ses chaussures martelaient le sol avec indolence, sans se défier des flaques d’eau qui parsemaient le chemin. Elle avançait mollement, droit devant elle, l’esprit ailleurs.
La jeune femme réprima un bâillement. Elle s’était levée à l’aube, et malgré ses efforts, n’avait pas réussi à se rendormir. L’hôtel où elle séjournait n’était pas de première jeunesse. C’était un vieil établissement qui avait probablement fait la fortune de ses propriétaires dans les années soixante-dix. Ce qui expliquait sans doute que depuis, ils n’aient touché à rien. Du papier peint orange et vert aux meubles en Formica, tout semblait d’origine. À l’extérieur déjà, une façade aux couleurs fanées annonçait les outrages du temps, mais Célia n’avait pas eu le loisir de faire la difficile.
Durant les mois d’été, les tarifs près de la côte s’envolaient de façon si exorbitante qu’elle n’avait malheureusement pas eu les moyens de s’offrir mieux que ce petit hôtel triste à l’isolation douteuse. La veille au soir, un jeune enfant avait pleuré durant plus de deux heures dans la chambre d’à côté, entraînant la réponse d’un chien tout proche. Plus tard, de jeunes fêtards apparemment bien éméchés avaient chanté en chœur des chansons à boire qui avaient troublé le reste de son sommeil. Pour ne rien arranger, l’unique fenêtre de la chambre donnait sur une sortie d’autoroute, et les coups de klaxon rageurs des routiers avaient commencé à résonner entre les quatre murs dès 6 heures du matin. À ce moment-là, elle avait bien tenté de continuer sa nuit en se réfugiant sous un oreiller, mais une demi-heure plus tard, elle n’avait eu d’autre choix que celui de capituler, dépitée.
Après une brève douche dans la minuscule salle de bains en plastique, Célia était restée atone sur le lit impersonnel. Son portable à la main, elle aurait voulu appeler quelqu’un, ou le rejoindre. Mais elle n’avait pas plus de personnes à contacter que d’autres endroits où aller. Elle avait alors enfilé un jeans et un t-shirt pour aller faire un tour. La pluie menaçait déjà, mais elle n’avait rien pour se couvrir. En sortant, elle s’était saisie du chèche qui traînait sur la poignée de la porte, et en avait entouré ses cheveux. Elle avait ensuite pris place derrière le volant de la petite voiture de location puis avait suivi les panneaux qui indiquaient le centre-ville. Bien qu’elle ait vécu ici cinq ans, elle ne se rappelait presque rien. Les souvenirs étaient un luxe que s’offraient les gens heureux. Sa mère et elle avaient déménagé tant de fois, depuis. À seize ans, Célia avait connu treize appartements, dans neuf régions différentes. Après, elle avait tout simplement arrêté de compter.
Le ciel était gris, oppressant. À travers le pare-brise, la ville défilait sous ses yeux comme un vieux film muet en noir et blanc. Après avoir traversé une zone industrielle triste et morne, elle s’était engagée dans un modeste quartier pavillonnaire, avant de rejoindre un centre-ville au charme désuet. Le faste décrépi des vieux immeubles donnait à l’endroit un aspect suranné, abandonné. En approchant de la gare, elle choisit de garer son véhicule près d’un parc, joliment nommé « Le plateau des poètes ». En observant les hautes grilles vert et or, elle était presque certaine d’avoir déjà joué là, enfant. Peut-être avaient-elles dévalé toutes les trois, main dans la main, les larges escaliers de pierre qui menaient à l’avenue. Ou bien sa mère s’était-elle cachée dans les allées qui jouxtaient l’immense monument aux morts entouré de drapeaux, pendant que les filles la cherchaient dans les massifs de fleurs ? Peut-être.
Tête nue, le chèche autour du cou, Célia sortit du véhicule et s’engagea sur l’avenue. Telle une automate, ses pas la guidaient sur l’asphalte. Ils la portèrent dans une longue artère qui grimpait en colimaçon vers le cœur de la ville. Les maisons, cachées des regards par de larges haies de lauriers, étaient protégées par des grilles aux pointes acérées. Sur sa route, seul un petit immeuble sans jardin se laissa découvrir. C’était un vieil hôtel particulier abandonné depuis longtemps. Il datait probablement du siècle dernier, à en juger par les moulures délicates de la façade, où de longues toiles d’araignées accrochaient leurs fils. Les yeux de la jeune femme en explorèrent chaque centimètre carré, sans succès. Elle ne se souvenait pas. Ni de ces maisons de pierres ni de cette statue, massive, qui la fixait tandis qu’elle remontait les larges allées Paul Riquet. Pourtant, inconsciemment, elle savait qu’elle avait dû les voir, les connaître. Les aimer, même.
En arrivant à Béziers, la veille, son premier réflexe avait été de se rendre devant leur ancienne maison, à l’adresse mentionnée sur les papiers administratifs. Le nom de la rue lui avait évoqué quelque chose et elle s’était ruée vers ce fragment de passé. Au fond d’une impasse, elle avait découvert une petite villa rangée entre d’autres habitations identiques, dans un quartier où tout se ressemblait, de la couleur des barrières à celles des volets. L’endroit lui était familier. Mais lorsqu’elle avait essayé de se remémorer ces années-là, c’est tout ce qui avait pu émerger : une maison beige, dans un quartier beige. Une vie entièrement beige, sans relief. Rien ne semblait pouvoir lui expliquer pourquoi sa mère l’avait quitté ni pourquoi elle avait souhaité y revenir, surtout de cette façon.
La ville était sale et mal entretenue. Des magasins déserts côtoyaient des immeubles en ruines, dont la plupart étaient tagués, certains sur toute leur largeur. Des fenêtres étaient brisées, d’autres murées. Dans chaque rue qu’elle traversait, les trottoirs étaient maculés de déjections canines. Au-delà de l’aspect misérable des lieux, ce qui la frappait par-dessus tout était le silence. Célia n’avait croisé personne. Dans les rues désertes ne résonnait que le bruit des chéneaux déversant leurs eaux sales dans les caniveaux. Une ville triste, abandonnée de ses habitants et pleurant leur absence.
Elle marcha longtemps, traversa des boulevards, échappa à des gouttières, longea des commerces. Les rues étaient si étroites que les immeubles se touchaient presque. En ouvrant leurs volets, les habitants se faisaient face les uns aux autres, sans jamais apercevoir le soleil. Elle était maintenant à l’arrière de la cathédrale. Majestueuse, Saint-Nazaire s’élevait au-dessus des Biterrois depuis presque dix siècles. C’était la seule image que Célia avait conservée de la ville. Celle que l’on trouvait sur Internet, ou sur les cartes postales des marchands ambulants. La même pour tout le monde.
Elle dépassa l’édifice pour aller s’accouder au point de vue qui surplombait la vallée de l’Orb. L’endroit dominait des plaines viticoles à perte de vue. Dans l’atmosphère nuageuse, le paysage offrait à Célia une mélancolie grise dans laquelle elle refusait de plonger. Là encore, aucune image n’émergea spontanément de son esprit. Elle avait espéré, en vain, que quelque chose se passe. Que l’évidence s’impose à elle, que les souvenirs la submergent. Mais la ville demeurait pour elle une grande inconnue et ne répondait à aucune de ses questions.
L’eau dégoulinait maintenant dans son dos et s’infiltrait partout, jusque dans ses sous-vêtements. Lorsqu’une goutte glacée vint se perdre le long de sa clavicule, Célia frissonna. Perdue, elle remonta le col de son t-shirt pour se protéger la nuque et reprit sa marche solitaire pour tenter de se réchauffer. Depuis son réveil, elle avait beaucoup pleuré, mais les larmes avaient fini par se tarir. A contrario, le ciel, lui, semblait ne plus pouvoir s’arrêter. La bruine s’était muée en pluie dense, et de larges zébrures écorchaient déjà l’horizon.
D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Célia avait toujours craint les orages. Enfant, elle se cachait dans les toilettes pour échapper à leur lumière brûlante, mais le bruit finissait toujours par la rattraper. En entendant le ciel gémir, elle eut un sursaut et chercha un abri. La place sur laquelle elle se trouvait, conçue pour surveiller la plaine, n’en offrait aucun. Les mains serrées autour de son foulard, elle se mit à dévaler la pente en courant, inquiète. Ses fines sandales d’été glissaient sur la pierre humide et elle faillit tomber à plusieurs reprises. Le ciel s’était encore assombri et les violents éclairs étaient autant de cicatrices dans l’atmosphère.
Une brusque panique la saisit quand elle réalisa soudain qu’elle était encore loin de la voiture, et qu’elle ne savait pas vraiment comment la rejoindre. Elle n’avait jamais eu à affronter un orage toute seule, à l’extérieur. Lentement, les larmes recommencèrent à affluer et sa gorge se serra. Elle maudissait ces cieux barbares qui lui rappelaient une nouvelle fois sa triste solitude. Les venelles sombres qui entouraient la cathédrale se ressemblaient toutes. Comment identifier celle qui l’avait menée ici ? En passant sous le porche

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