Esquisses de nu , livre ebook

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Lisbonne, 1974. Un printemps révolutionnaire succède à de longues années de dictature sous Salazar. Rien ne sera jamais plus comme avant. Chacun est désormais libre d’exprimer ses opinions, ses sentiments, son art. De nouveaux couples inédits étalent leur passion à la lumière du jour. Ainsi naît l’amour entre Miguel et Brigide, entre l’art et l’église, entre la dictature et le libertinage. Le peintre, marié, et son élève, fiancée. Deux êtres très indépendants et différents, unis par l’art et cette jeune femme qui leur sert de modèle commun… Antónia de Távora nous prend par la main et nous guide au cœur d’un Portugal qui se redécouvre. Chronique sociale d’un pays en pleine effervescence goûtant avec appétit et naïveté aux fruits de la liberté, Esquisses de nu flirte avec l’étude de mœurs, poétique, un brin amère. Des pages envoûtantes où transpire la passion pour l’art en général et la peinture en particulier, où les possibles se dessinent pour mieux s’envoler.
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Publié par

Nombre de lectures

63

EAN13

9782748366891

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Esquisses de nu
Antónia de Távora Esquisses de nu
Publibook
Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55 IDDN.FR.010.0116242.000.R.P.2011.030.31500 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2011
Esquisse de nu Une mèche de cheveux noirs tombait sur le front large du peintre. Son veston en velours côtelé était froissé de la tension de son corps. Ses mains puissantes tenaient le crayon avec jouissance. Il jeta alors vigoureusement son fusain et, sur la feuille granulée du bloc de dessin, traça d’un seul trait la jambe pliée, l’autre relevée, et le sexe de son modèle. Du reste du corps n’apparaissaient que le sein et la chevelure en désordre jetée sur le coussin immaculé. L’œil noir du peintre caressa avec passion le modèle. Le dessin était d’une incroyable douceur, teintée d’une sen-sualité taboue et d’un érotisme cru. Il s’assit alors au pied du lit, contempla son modèle en silence. Une atmosphère érotique flottait dans l’air sans se concrétiser. Il lui demanda, après avoir chassé un chat de sa gorge : « Vous avez un corps sublime, pourquoi ne posez-vous pas pour les magazines ? » Elle ne bougea pas, et répondit presque aussitôt : « Je n’aimerais pas me voir affichée sous les yeux de tout un chacun. Pour aucun argent au monde ! » Il toussota, signa son esquisse. Puis, apparemment peu satisfait de son œuvre, ou pour mieux entretenir sa joie souffrante, il tourna la page de son cahier de dessin. Il de-manda à son modèle d’ouvrir les bras et de les laisser choir nonchalamment sur le côté du lit. Les mains s’abandonnèrent dans le vide et le fusain se mit à virevol-ter avec grâce dans des volutes de traits gracieux et d’arabesques sucrées remontant du sexe et des membres vers la chevelure éparpillée sur le coussin blanc. Ah, le
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vertige de l’éternel féminin ! On eût dit Ève couchée sur un nuage de coton, légère et éthérée, à peine voilée par les draps suggérés par l’ivoire du papier laissé en blanc. Il signa « Miguel Arruda ». Il posa son crayon, resta un long moment à admirer son modèle, la tête inclinée, rêveur. Il repoussa maintes fois la mèche de cheveux noir olive qui lui tombait sur le visage. Il épousseta son veston et son pantalon pour se débarrasser des restes de crayon, puis, d’un air résigné, il se leva, mar-cha vers un cartable en vieux cuir, en sortit quelques billets de banque, qu’il déposa sur la table en bois du stu-dio. Elle resta un instant immobile, le regard serré, à le re-garder ramasser son cartable, chercher ses affaires dans le studio. Une lumière fade, qui jouait avec les poutres, en-trait par la seule fenêtre. Il lui donna rendez-vous pour le mercredi après-midi suivant, comme d’habitude, la remer-cia et sortit. Un murmure lointain arrivait du port d’Alcântara et du trafic sur l’avenue en fin de journée. La fille n’eut pas en-vie de se lever et de se rhabiller. Les effluves d’une journée étouffante enivraient l’air et perlaient en grosses gouttes sur son corps alangui. Elle s’endormit sans bouger, laissant son corps se ramollir. Quand elle se réveilla, la nuit était proche. La lumière du crépuscule semblait couler du ciel sur les acacias rangés de part et d’autre de l’avenue qui descendait vers l’embouchure du Tage. De petites lu-mières orange allumées dans les lampadaires en fer forgé donnaient un air canaille à la rude chaussée de marbre. En bas, au loin, le port était silencieux et l’on apercevait les lumières des villages de l’autre côté du fleuve, face à Al-cântara. La fille marcha tranquillement vers la gare, respirant l’air enfumé, mauve, des couleurs de la pénombre, et prit
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le train pour Cascais. Le contrôleur était un vieux copain de lycée et elle échangea quelques mots avec lui. Elle rentra chez elle, salua sa colocataire, qui se faisait les ongles. Elle se retira dans sa chambre, prit une longue douche, savonnant son beau corps et sa peau douce comme s’ils ne lui appartenaient pas. Après ces séances de pose, elle sentait toujours une torpeur rêveuse, qu’elle n’aurait pas voulu casser en se livrant à une activité quel-conque. Elle aimait bien se laisser flotter dans cet état de semi-éveil, prélude aux meilleurs rêves. Elle aimait cette tension érotique que lui laissait sur la peau le regard du professeur des beaux-arts, un bel homme qui, pour l’instant, en était resté là de sa passion charnelle. Ce manège dura tout le trimestre d’automne, et encore le printemps suivant. La fille partageait ses séances de pose entre Miguel, le professeur des beaux-arts, et son élève Brigide, qui était aussi sa maîtresse. Ainsi, elle, le modèle, était devenue par interposition le point cardinal érotique des deux amants, qui s’aimaient à travers elle. Deux étrangers qui, en regardant son immense corps de mulâtresse à la peau dorée, tout en courbes et en volumes, pensaient au regard que l’autre portait sur ce même corps, sur cette sensualité pure et intouchable, interdite, cette peau de miel et de cannelle. Tous deux dessinaient sépa-rément, chacun à son tour. Ils n’étaient pas libres, mais ils s’aimaient passionnément. Le corps de cette métisse était devenu leur terrain de jeu sensuel. Que de jours n’avaient-ils passés à le regarder, à le dessiner, tirant des lignes con-tinues au même crayon, sans lever la pointe sur le contour du corps, certaines parties de celui-ci mal définies, laissant à la poésie la place de s’exprimer. Des heures durant, pen-dant les longs après-midi chauds et somnolents de Lisbonne, sous les grosses poutres en bois, les deux amants étaient là, à dessiner, à s’oublier, à vivre leur pas-sion pour l’art, pour le beau, pour le dessin. Tout était lié,
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mais ils avaient besoin de la fille, de ce modèle sauvage, de ce torse sensuel, de ces hanches puissantes, de ces pe-tits seins, ronds comme deux moitiés de noix de coco, de ces fesses bombées comme le mont d’Alentejo. Et la fille s’abandonnait, comme si elle n’était pas vivante, comme si elle n’était pas morte. Tout était beauté immatérielle et l’émotion planait dans l’atmosphère de la pièce, même après que la séance de pose fut achevée. Quand Brigide pénétrait dans les cours de figuration de nus, on aurait dit qu’elle avait traversé l’Alentejo à cheval par une température étouffante tant sa chevelure présentait des boucles ébouriffées, tant ses joues pourpres tran-chaient sur sa peau très blanche. Elle arborait le plus souvent un chemisier à fleurs, des jupes longues. Des col-liers de petites perles colorées lui étranglaient la gorge. Ses yeux mouillés suivaient Miguel partout dans la salle de cours, autour des trépieds des étudiants ou sur l’estrade en bois où se tenaient les modèles. Ce jour-là, il y avait une femme tout en volumes, couchée et nue. Tous les étu-diants travaillaient, concentrés sur le grain de cette peau très blanche qui semblait réfléchir la lumière qui entrait à flots. Les larges fenêtres donnaient d’un côté sur les toits rouges qui descendaient vers le port de Santos et Cais do Sodré, et de l’autre sur la cour carrée en pierre de l’intérieur de cet ancien couvent devenu école des beaux-arts. Silence total dans la salle. Les étudiants hésitaient sur cette masse volumineuse, sur les formes rondes du corps, faites d’ombres et de lumières. Brigide dessinait fiévreusement, déchirant les esquis-ses, l’une après l’autre. Frustrée, elle n’arrivait pas à cerner le modèle, à en reproduire la quintessence. Non, ce n’était pas la fille du studio, ce modèle qu’elle partageait avec son amant de professeur. Mais les jeunes étudiants n’en avaient cure, se concentraient sur la force du corps offert à leur disposition, exagérant la puissance des cuis-
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