Le malaimant
57 pages
Français

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Description

Aurel est tourmenté par le passé, l’amour et la page blanche. Viennent à son secours des personnages fabuleux, avec leurs potions et leurs talismans. Un périlleux voyage s’amorce au cœur du désarroi d’un homme, qui mènera à des sentiers accidentés.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782896997282
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le malaimant

De la même auteure
 
 
 
 
 
 
 
Chez d ’ autres éditeurs
Tendrils , poésie, Markham, BookLand Press, 2018, 128 p. (en anglais).
L’enfant-feu , récit, Sudbury, Prise de parole, 2016, 196 p. Lauréat, Prix littéraire Le Droit 2017 ; finaliste, Prix littéraire Trillium 2017.
Jeudi Novembre , roman, Sudbury, Prise de parole, 2011, 117 p. Lauréat, prix Émile-Ollivier 2012 ; lauréat, prix Trillium 2012 ; finaliste, catégorie Roman, Prix littéraire Le Droit 2012.
Parce que chanter c’est trop dur , roman, Sudbury, Prise de parole, 2007, 111 p. Finaliste, prix Trillium 2008 ; finaliste, catégorie Fiction, Prix littéraire Le Droit 2008.

Michèle Vinet
 
 
 
 
 
 
 
 
Le malaimant
 
Roman
 
 
 
 
 
 
 
 
2021
Collection Vertiges
L’Interligne

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
 
Titre: Le malaimant : roman / Michèle Vinet.
 
Noms: Vinet, Michèle, 1946- auteure.
 
Collections: Collection Vertiges.
 
Description: Mention de collection: Collection Vertiges
 
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20200360892 | Canadiana (livre numérique) 20200360922 |
 
ISBN 9782896997268 (couverture souple) | ISBN 9782896997275 (PDF) | ISBN 9782896997282 (EPUB)
 
Classification: LCC PS8643.I64 M35 2021 | CDD C843/.6—dc23
 
 
 
 
 
 
 
L’Interligne
435, rue Donald, bureau 337
Ottawa (Ontario) K1K 4X5
613 748-0850
communication@interligne.ca
interligne.ca
 
Distribution : Diffusion Prologue inc.
 
ISBN 978-2-89699-728-2
© Michèle Vinet 2021
© Les Éditions L’Interligne 2021 pour la publication
Dépôt légal : 1 er trimestre de 2021
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits réservés pour tous pays

« J’ai un livre à faire pour la lumière qu’il me donnera. »
 
« Personne n’écrit plus que moi dans ces heures où je n’écris rien.  »
 
Christian Bobin
L’épuisement



Nid







Un cahier blanc .
Un cahier-cœur tout blanc.
Dans un cahier bleu, il aurait vu un ciel de nuit, un geai bleuet, un raz-de-marée.
Dans un cahier vert, il aurait flairé la forêt, ses feuilles qui souffrent et meurent d’avoir trop verdoyé.
Il aurait craint la violence, dans un cahier rouge. Avant la blessure de la première phrase, il aurait pleuré.
Or un cahier blanc, pur et neige et beau papier. La mie d’un pain. Un drap où rien n’a encore soupiré. Blanc. Pour la fille, le silence avant sa venue, l’idéal chauffé par un amour tout blanc.
Une page comme un nom. Blanche. Toujours habillée de poudrerie. Un cahier blanc pour son opale folie. Aurel comme des ailes. Des clefs de sol claires autour d’elle.
Un crayon taillé au canif pour éviter les bavures d’encre. Une gomme pour effacer les excès, les petits mensonges. Pour dire une colombe avec une voix autre que la sienne, car dès son chuintement le nom de l’amour déjà s’est envolé, par l’air et l’heure avalé.
- Blanche ?
- Oui ?
- J’écris ton nom.
- Pourquoi ?
- Pour toi.
Elle sourit. À la fenêtre, miroir adorant, un regard halluciné. Blanche, blonde Sauvignon, vêtue du regard bienveillant d’Aurel. Femme-fleur incomparable, délire-poésie. Manne providentielle.
Ils sont si jeunes.
Lui, beau comme un ours au printemps, amoureux de Blanche du jour où il l’a aperçue, reconnue dans l’immensité, sur la petitesse d’une planète toute blanche de sa présence.
Elle, brisée de douleur et d’abandon, qui mangeait des baies sauvages à l’orée du bois, qui faisait peur avec sa robe de sang.
Aurel l’avait portée chez le docteur. Il l’avait ramenée chez lui. Et il l’avait aimée. Il avait coupé beaucoup de bois pour lui offrir des robes, blanches, toutes. Lorsqu’il allait au village, il la priait de ne pas quitter la maison. On pouvait rire de lui qui s’était épris d’une désaxée répudiée, mais il ne fallait pas s’en prendre à Blanche. Elle l’aimait, croyait-il, de reconnaissance. Pour sa bonté. Pour les robes et l’assiette.
Qu’offre-t-on aux fous pour qu’ils nous aiment ?
Du village, il revenait avec des oranges et des rubans. Elle avait fait une soupe. Ils mangeaient en silence, se lovaient ensuite sous la couette pour écouter l’engoulevent l’été, le vent l’hiver.
Auprès d’Aurel, Blanche était innocentée. Sa faute lui était pardonnée, sa beauté préservée. Lorsqu’elle allumait la braise en lui, la plénitude refluait, vague déferlante. Dormir à côté d’elle, sentir son corps fleurir dans ses mains. Privilège. Au chaud de ses caresses, il aurait juré qu’elle l’aimait d’amour.
Fille constellation.
Aurore boréale.
Aurel, fou d’une perle, bijou voluptueux dans la coquille du temps. Parfois, tout bas, un mot azur. Et Blanche, égarée, se laissait bercer, gourmande des bras et de l’âme d’Aurel.
Certains jours, lorsque le repas était servi, Blanche oubliait de manger. Elle s’abandonnait à un tangage intérieur, à une errance sidérale. Elle chuchotait des paroles énigmatiques que seul Aurel savait décoder pour avoir si souvent entendu ce vocabulaire écorché. Il disait :
- Ma Blanche ?
Elle ne répondait pas, mais revenait d’une orbite autour d’une planète innommée, innommable.
Certains soirs, après les tisanes, Aurel inventait des contes pour la divertir. Il investissait l’âtre de dragons et de polichinelles, de Minotaures et de sorciers. Il devenait preux défenseur de royaumes en péril, pourfendeur de vils monstres. Blanche, ravie, imaginait la licorne qui l’emporterait là où l’attendait la clémence.
C’était elle qui avait un jour dit :
- Aurel, il te faut un cahier.
Maintenant qu’il en avait un, il allait ressusciter les vainqueurs et les vaincus de leurs soirées. Un fabuleux bestiaire. Des aventures tumultueuses. Des héros romantiques et légendaires. Dans les yeux de Blanche, à la commissure de ses lèvres, dans le léger frémissement de ses doigts, Aurel intuitionnait ses contes.
Elle disait :
- Tu as coupé du bois ?
Il répondait :
- Oui.
- Tu l’as vendu ?
- Oui.
- Nous mangerons, alors.
- Oui.
- Et tu raconteras.
Et les saisons coulaient au creux de leurs mains sans qu’on les nomme ni les colore. Aurel et Blanche avaient fait un nid de leur fascination l’un pour l’autre. Le temps s’était oublié dans les épisodes d’un jeune homme, dans la blancheur des robes d’une fille.


Souvenir







Elle semblait avoir voyagé par monts et par vaux, la petite maison d’Aurel, avoir parcouru saisons et floraisons à seule fin de dénicher le coin du monde par excellence où se reposer et retirer ses bottes de sept lieues. Un peu défraîchie et marquée par la fatigue, elle avait mis fin à son errance à la lisière de la forêt. Un jeune homme, fatigué lui aussi, l’avait bientôt découverte. Et ils s’étaient reconnus, Aurel et sa maison bleue. Ils s’étaient ligués. Un beau jour, Blanche était venue mettre sourires et dentelles aux fenêtres de leurs cœurs.
Lors de chaque départ, Aurel priait sa maison de veiller sur elle. Ce toit aux ardoises moussues prenait alors au sérieux son très agréable rôle de zélé défenseur. Pour protéger Blanche, ses murs semblaient s’ériger en citadelle, en remparts aussi doux qu’imprenables.
Aurel était parti au village à la recherche d’un cahier. Dans sa boutique, le brocanteur lui avait signalé un carton flétri. Aurel avait fouillé. De vieux livres, des papiers humides, des photos délavées. Une odeur de moisi. De cave-poussière. Non. Rien d’épuisé pour Blanche. Que du beau, que du neuf.

Une lumière indiscrète s’immisce dans la boutique. Se faufile autour des cartons. Photo sépia. Larmes fêlure, immédiates. Sel. Le cœur cogne. Aurel ne respire plus. Ressemblance remarquable. Même sourire, mêmes cheveux noirs bouclés, enrubannés. La tristesse du regard. Il lève les yeux.
Il la voit. Elle est là. C’est avant. Dans le depuis-longtemps. Il est enfant. Il l’entend. Elle dit :
- Mon Aurel-Ange.
- Maman, maman.

Le souvenir l’enflamma, le glaça. Il transpirait. Il avait chaud ; il avait froid. La photo d’une étrangère tomba sur le parquet. Un nouveau client était venu la fouler de ses gros souliers souillés

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