LE MOULE
100 pages
Français

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Description

LA VIE EST UN GRAND FOUR ET NOUS SOMMES TOUS DES CUPCAKES.
Telle est la devise de Claudia Dumontier, coach en conformité sociale. Pour elle, le secret du bonheur réside dans cette recette toute simple : soyons comme tout le monde. Les gens viennent la consulter quand, pour une raison ou une autre, ils se sentent différents, et Claudia les aide à entrer dans le moule.
Bien que controversée, sa méthode connaît un certain succès… jusqu’à ce que Claudia rencontre Maximien, un jeune marginal qui déclenchera une série de bouleversements dans sa vie.
L’acupunctrice demeura sur place à les observer. Ça rassura Claudia sur un point : sa présence refroidirait peut-être l’envie de Jean-Patrick de reprendre son attaque. Claudia posa les doigts sur la portière de sa voiture, comme pour signifier « je rentre chez moi, la conversation est terminée ». Le jeune homme s’avança vers elle et lui dit à voix basse :
— Je ne suis pas un cupcake ! Je hais les cupcakes. J’aime les tartes aux pommes. Alors, si j’ai envie d’être une tarte aux pommes, personne ne pourra m’en empêcher ! Surtout pas vous !
Sur ce, il tourna les talons et grimpa dans son véhicule. Claudia demeura figée quelques secondes. Puis, dans un geste qui lui parut très théâtral, elle fendit son visage d’un large sourire, salua de la main l’acupunctrice et ouvrit sa portière. Une fois assise derrière le volant, elle se rendit compte qu’elle tremblait comme une feuille.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 mars 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764435960
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même auteure
Une fille trop curieuse , Éditions Triptyque, 2015.
L’effet domino , Éditions de Mortagne, 2009.


Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice

Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Marquis Interscript
Révision linguistique : Eve Patenaude et Chantale Landry
En couverture : Montage à partir d’une oeuvre de Irina Vaneeva / shutterstock.com
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Gauthier, Stéphanie, auteur
Le moule / Stéphanie Gauthier
(Tous continents)
ISBN 978-2-7644-3594-6 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3595-3 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3596-0 (ePub)
>I. Titre. II. Collection : Tous continents
PS8613.A973M68 2018 C843’.6 C2018-940020-X PS9613.A973M68 2018

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2018

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2018.
quebec-amerique.com





La normalité est une route pavée : on y marche aisément mais les fleurs n’y poussent pas.
Vincent Van Gogh

Le bureau de Claudia Dumontier est situé à Laval, au rez-de-chaussée d’un cottage converti en immeuble commercial. La petite maison blanch e, d’allure traditionnelle et champêtre, contraste avec l’architecture banale du boulevard Curé-Labelle. Claudia partage le loyer avec une acupunc trice, qui occupe l’étage. Dans la salle d’attente commune, deux chaises en plastique noires et une table, où sont déposés des magazines, accueillent les visiteurs. Sur le mur d’en face, une affiche géante capte le regard : des moules en silicone, d’où jaillissent de superbes cupcakes au glaçage fraise et chocolat. Au-dessus de l’illustration, une accroche : « LA VIE EST UN GRAND FOUR ET NOUS SOMMES TOUS DES CUPCAKES . » Sur la porte de Claudia, une plaque indique son titre : « COACH EN CONFOR MITÉ SOCIALE ».
Le bureau de Claudia Dumontier est décoré à son image. Raffiné, spacieux, moderne, convivial et… superficiel. Il ne ressemble pas aux cabinets des psychologues, où tout est dépersonnalisé. Au contraire, le bureau de Claudia constitue presque une extension de sa propre maison. Ici, aucune reproduction de Van Gogh ou de Monet n’habille les murs couleur sable. Que des portraits de famille, trois laminés accrochés comme des trophées de chasse au-dessus d’un faux foyer en fausses briques rouges. Sur le premier, ses trois adolescentes. Les joues pressées les unes contre les autres, les sœurs sourient à pleines dents devant l’objectif. À côté, une photo de Claudia et de son mari, prise au cours d’un voyage dans le Sud. Main dans la main, le couple déambule amoureusement sur la plage. La troisième réunit la famille au complet. Tous adoptent une pose désinvolte, même si l’on devine qu’il s’agit d’une mise en scène. Sous ces photos, les deux fauteuils en cuir chocolat se font face. Plus rapprochés que dans un véritable bureau de thérapeute, ils sont disposés de manière à inviter à la proximité et à la confidence. Sur une console dans un coin de la pièce, une cafetière à capsules est déjà allumée. Tout a été mis en place pour que les clients se sentent à l’aise. En bonnes mains. Et écoutés.


SEMAINE 1


- 1 -
Lundi, 10 h. Jeannine, soixante-neuf ans : séance 1
À 10 h pile, Claudia reçut sa première cliente de la journée. Jeannine, une femme menue de soixante-neuf ans qui la consultait pour la première fois. Claudia l’accueillit comme elle accueillait tous ses clients : avec un sourire chaleureux, une vibrante poignée de main et un café. En général, les gens refusaient, mais semblaient touchés par cette délicate attention. Jeannine, elle, accepta.
— Un café fort, sans lait ni sucre ! spécifia-t-elle.
— Je vous prépare ça tout de suite.
Claudia lui désigna un fauteuil. Elle appuya sur le bouton Brew de sa cafetière et prit place en face de la dame. Le regard fuyant, celle-ci se tordait nerveusement les doigts contre ses genoux. Son visage exprimait un mélange de perplexité et de doute. Claudia connaissait bien cette expression. Qu’ai-je pensé de venir ici ? Suis-je à la bonne place ?
— Qu’est-ce que je peux faire pour vous, Jeannine ?
Claudia posait toujours cette question comme entrée en matière. Elle appelait ses clients par leur prénom et les tutoyait ou les vouvoyait selon leur âge. Ou selon leur préférence. En général, le vouvoiement était réservé aux cinquante ans et plus.
Jeannine examina nerveusement la pièce. Ses yeux se fixèrent sur la photographie des adolescentes.
— Ce sont vos filles ?
— Oui, acquiesça Claudia avec fierté.
— Elles vous ressemblent.
En effet, mêmes yeux bleus, mêmes joues pleines et mêmes cheveux blonds. Ceux de Claudia et de ses deux plus vieilles, Justine et Julia, étaient teints. Ceux de June, la cadette, étaient d’un blond cendré naturel.
— C’est ce que tout le monde me dit.
— Vous êtes chanceuse !
Jeannine observa la photo de Claudia et de son mari. Un voile de tristesse enveloppa son visage déjà tendu. Parfois, la vue de ces trois portraits provoquait un malaise. Une pointe de jalousie, d’envie. Claudia ne l’ignorait pas. Ce n’était pas souhaitable, mais ça faisait partie, en quelque sorte, du traitement. Claudia réitéra sa question :
— Qu’est-ce que je peux faire pour vous, ma chère Jeannine ?
— Je… c’est une amie qui m’a parlé de vous. Elle connaît quelqu’un qui est venu vous voir et…
La majorité de sa clientèle aboutissait ici grâce au bouche-à-oreille.
— Il paraît que ça l’a beaucoup aidée… l’amie de mon amie.
— Tant mieux.
— Mais je doute que vous puissiez faire quelque chose pour moi.
— Si vous êtes ici, c’est parce que vous y croyez un peu. Non ?
— C’est parce que je suis vraiment désespérée !
Jeannine sortit un papier mouchoir de sa poche. La cafetière arrêta de couler. Claudia se leva et offrit la tasse bien chaude à sa cliente.
— Rien de mieux qu’un bon café pour vous remettre les idées en place.
La voix de Claudia était si apaisante, si rassurante qu’un faible sourire éclaira le visage de Jeannine. Claudia sourit à son tour, consciente de son pouvoir.
— Maintenant, qu’est-ce que je peux faire pour vous aider ?
Gros soupir.
— Je suis tellement différente de mes amies !
— En quoi ?
— Elles sont toutes grands-mères et pas moi !
— Oh !
— L’une d’elles marie sa fille la semaine prochaine et une autre vient d’apprendre la grossesse de sa bru. Vous devriez les entendre ! Elles sont toutes gagas, elles parlent juste de ça. Je les trouve vraiment insupportables ! Moi, je n’ai rien à leur raconter !
— Vous n’avez pas d’enfants ? demanda Claudia d’un ton empathique.
— Oui, j’ai un fils. Victor. Mais il ne se mariera jamais et ne me fera jamais de petits-enfants !
— Ah ! Pourquoi, il est malade ? Handicapé ?
— Je n’ose pas vous le dire, j’ai peur que vous me jugiez.
— Pourquoi je vous jugerais, Jeannine ?
— Parce que vous êtes coach en conformité sociale !
— Oui et alors ?
— Mon fils n’est pas conforme.
— Mais je peux vous aider à ce qu’il le devienne.
— Ça m’étonnerait !
— Pourquoi ?
— Parce qu’il… il… il est…
— Gai ?
— Oui !
Long silence.
— Ça vous choque, hein ? s’enquit Jeannine, sur la défensive.
— Non, mais je compatis avec vous.
— Pourquoi ? Vous trouvez ça si grave que ça ?
— Non. C’est vous qui semblez avoir du mal à l’accepter.
— Non, je l’accepte ! Enfin, j’ai fini par me faire à l’idée… Je ne devrais pas ?
— Quoi ?
— L’accepter ? À vous entendre, l’homosexualité représente quelque chose de terrible !
— Je n’ai pas dit ça.
— Non, mais peut-être que vous le pensez.
— Jeannine, Jeannine…, tempéra Claudia d’une voix douce et patiente, comme si elle s’adressait à une personne simple d’esprit. Où se trouve le problème ? En quoi je peux vous aider ?
— Victor est mon fils unique ! Je n’en ai pas d’autre, ni de fille, pour compenser ! Pour me donner des petits-enfants, je veux dire ! Tous les enfants de mes amies sont hétéros ! Pourquoi il fallait que ça tombe sur moi ?
— Il a quel âge, votre fils ?
— Trente-six ans.
— Il a un amoureux ?
— Oui, il s’appelle Jean-Patrick.
— C’est sérieux ?
— Euh… je pense. Ils sont ensemble depuis deux ans.
— Alors parfait ! s’exclama Claudia, tout sourire.
— Comment ça, parfait ?
— Il n’y a aucune raison que vous ne soyez pas grand-mère !
— Ah ! Ça fait longtemps que j’ai mis une croix là-dessus !
— Pourquoi ?
— C’est évident, non ? Deux hommes ensemble…
— Vous ne regardez pas les nouvelles, Jeannine, vous ne lisez pas les potins ? Aujourd’hui, les gais et les lesbiennes se marient et déménagent en banlieue. Et ils ont des enfants ! Soit ils adoptent, soit ils ont recours à l’insémination artificielle, soit ils engagent des mères porteuses. Pas plus compliqué que ça !
— Oui, c’est vrai ! approuva Jeannine dans un regain d’espoir. Comme l’animateur, là, qu’on voit partout à la télé et qu’on entend à la radio ! Celui qui a les dents trop blanches. Et qui rit pour rien !

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