Merci Novembre
88 pages
Français

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Description

Merci Novembre relate l’histoire d’un chien et d’un ancien boxeur sans-abri dont les routes se sont croisées. Méprisés par ceux qui leur avaient collé l’étiquette de losers et les avaient abandonnés, ils ont uni leurs forces pour contrer les rigueurs du quotidien et épouser le rêve d’un vieil homme d’ouvrir un gymnase de quartier. D’autres, dont l’existence semblait également vouée à l’échec, se joindront à eux, formant une famille dont le chien, devenu mascotte, sera le pivot.
Merci Novembre est une réflexion sur la fatalité et le pouvoir de l’entraide, de la confiance et de l’amour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 octobre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782898311079
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À ceux qui croient tout perdu.
Un merci spécial à Gaïa et à Zelda.




Je m’appelle Paul, j’ai soixante-dix ans. Au décès de mon épouse, Monica, j’ai arrêté d’écrire et j’ai végété, désespéré et aigri, jusqu’à cette consultation d’une voyante conseillée par un ami. Elle m’a parlé d’un chien à la fourrure noir de jais et aux yeux étranges, un brun et un bleu, dont je me rapprocherais dans des circonstances tragiques. Ma femme, qui l’avait connu, désirait que je le retrouve.
J’ai passé le quartier au peigne fin sans succès durant plusieurs semaines. Puis j’ai aperçu une enseigne, devant un gymnase du quartier, qui exhibait un boxeur en maillot en compagnie d’un chien au poil hirsute et aux prunelles troublantes. Loser , il s’agissait bien de lui, Monica me l’avait souvent décrit. Elle en avait pris soin lorsque son maître l’avait laissé seul dans la rue, un matin chagrin d’octobre. Il était disparu ensuite et elle ne l’avait plus revu.
Je me suis engagé dans l’allée qui menait à l’établissement rempli d’espoir. Un homme, dont la ressemblance avec le boxeur sur l’affiche était frappante, verrouillait la porte et je me suis adressé à lui.
— Je cherche un chien nommé Loser , vous pouvez peut-être me renseigner…
— Le gym est fermé ; revenez un autre jour.
— C’est important, je dois le retrouver.
— Vous vous êtes trompé d’adresse.
— Il figure pourtant sur l’enseigne avec vous…
— Lui, c’est Novembre, la mascotte du gym.
Désignant la boîte en fer blanc qu’il avait sous le bras, il a continué :
— Il est mort ; j’vais disperser ses cendres dans la rivière.
Se yeux se sont voilés, puis il s’est ressaisi et m’a tendu la main.
— J’m’appelle Stéphane, j’suis le propriétaire de l’établissement.
Il s’est éloigné d’un pas lent et je l’ai suivi de loin pour respecter son deuil. Même si le chien dont il désirait honorer la mémoire s’appelait Novembre, je sentais confusément sa parenté avec celui que Monica avait voulu protéger. Après quelques minutes, il s’est immobilisé sous le pont, où quelques personnes étaient déjà rassemblées. Je me suis joint à eux, leurs adieux m’ont touché. Intrigué, j’ai voulu connaître l’histoire de ceux qui avaient gravité autour de ce petit animal aux yeux vairons et je me suis inscrit au gymnase pour percer leurs secrets. J’ai repris la plume ensuite, laissant libre cours à mon imagination, pour vous raconter comment un chien, devenu mascotte, avait changé leur existence. Magie ou simple concours de circonstances ? À vous de décider.


Chapitre premier
Tôt ou tard, une tuile nous tombe sur la tête. Qu’arrive-t-il toutefois lorsque la malchance s’étire au point de faire partie de notre quotidien et que notre existence semble vouée à l’échec ? Difficile à dire… Certains d’entre nous tenteront de déjouer la fatalité par des rituels liés à des superstitions, alors que d’autres endormiront leur détresse par de faux-fuyants, jusqu’au jour où ils seront contraints d’affronter la bête.
L’homme et le chien vivaient dans la rue lorsque leurs routes se sont croisées, méprisés par ceux qui leur avaient collé une étiquette de losers et les avaient abandonnés. Le chien avait reçu ce sobriquet de son maître, Jimmy, après plusieurs crises liées à son angoisse de la séparation. À l’animalerie, le vendeur avait vanté les qualités de gardien de sa race en insistant sur sa ressemblance avec Cerbère en raison de sa mâchoire proéminente.
Au début, leur cohabitation se déroula à merveille. Rien d’étonnant : à cette époque, Jimmy demeurait à la campagne et le chien le suivait pas à pas.
La situation prit une nouvelle tournure lorsqu’il accepta un emploi en ville quelques mois plus tard. Pas question d’amener un animal au travail, les règles étaient formelles, et Jimmy dut laisser Loser seul à l’appartement. Devant ses pleurs et ses hurlements répétés, il comprit que le vendeur lui avait menti : Loser était sans pedigree et il ne possédait pas les attributs du chien de garde. Exaspérés, plusieurs locataires se plaignirent et le propriétaire de l’immeuble menaça Jimmy d’éviction s’il ne corrigeait pas la situation. Après maintes tentatives infructueuses de calmer son chien, de la musique apaisante aux médicaments vétérinaires, et devant l’animosité grandissante de ses voisins de palier, Jimmy décida de déménager sans lui.
Un matin pluvieux d’octobre, des hommes frappèrent à la porte de l’appartement, puis ils sortirent les meubles et les boîtes que Jimmy avait préparées. Réfugié dans la salle de bains, Loser avait assisté aux allées et venues sans comprendre les raisons de ce manège. Les lieux vidés, son maître l’attira à l’extérieur avec un biscuit, qu’il lança dans la cour, avant de démarrer son automobile. D’habitude, Loser s’assoyait à l’arrière, mais cette fois-ci son compagnon était parti sans lui. Il avait sans doute une course urgente à effectuer et reviendrait bientôt ; Jimmy évitait de le laisser longtemps seul depuis le jour où il s’était mordu les pattes jusqu’au sang.
Le chien se rendit sur le trottoir et fixa la route des heures durant dans l’espoir de voir réapparaître son maître. Une locataire en eut pitié et lui apporta de l’eau et de la nourriture en lui parlant avec douceur. Il la reconnut aussitôt — Monica !
Il l’avait croisée dans l’immeuble à quelques reprises, elle semblait aimer les animaux. Lorsqu’elle retourna chez elle, Loser hurla comme un loup, désemparé. Qui sait ? En entendant ses plaintes, Jimmy viendrait peut-être à sa rescousse ? À la place du maître, le concierge surgit, en colère et malveillant, et il le chassa à coups de balai. L’échine basse et le regard inquiet, Loser emprunta le chemin des ruelles et il s’abrita dans un cabanon à la porte entrouverte. Il se fit tout petit, se pelotonnant dans un coin, apeuré et transi.
Les jours suivants, s’accrochant à une espérance aussi vaine qu’illusoire, Loser revint à l’appartement. Le manège recommença — la générosité de Monica, la brutalité du concierge — et il dut se rendre à l’évidence : Jimmy l’avait abandonné.
Au fil des semaines, sa détresse s’amplifia. Tant de roches lancées sur lui, sans compter les insultes et les railleries, et ses retraites dans des refuges misérables ! Il tremblait souvent la nuit, quand les éclairs zébraient le ciel et que retentissait le tonnerre, convaincu que sa dernière heure avait sonné. Terrorisé au point de remplir l’espace silencieux de ses cris, il s’était pourtant fait violence, retenant ses lamentations au creux de son poitrail. Désormais, sa survie dépendrait de sa capacité de se mouvoir comme une ombre, sans laisser de traces de son passage, tout en tirant sa subsistance des rebuts et des miettes laissées sur la route.
C’est d’ailleurs près des poubelles, l’endroit de prédilection des miséreux, qu’un jour Loser aperçut un homme au crâne rasé et de bonne stature qui triait un bac du supermarché. Ils recensaient leurs trouvailles chacun de leur côté quand un véhicule de la police et le camion de la fourrière surgirent. Ils prirent la fuite à la vitesse de l’éclair et se retrouvèrent tous deux sous le pont Viau, près de la rivière.
Reprenant son souffle, l’homme marmonna :
— Pas de chance ! J’aurais eu assez de bouffe pour tenir une semaine. Ils arrivent toujours au mauvais moment. Toi aussi, t’as faim, le chien ?
Ce dernier l’observa avec appréhension.
— T’as beau avoir la peau sur les os, tu cours comme une gazelle, reprit-il en faisant quelques pas dans sa direction.
Effrayé, Loser se mit à grogner.
— Tu me fais pas peur, j’tais champion de boxe dans le passé, réagit-il.
Sur la défensive, le chien avança lentement en décrivant un demi-cercle, puis il se posta légèrement en retrait. Sa méfiance tomba lorsque l’homme lui tendit un morceau de pain pour l’amadouer. Affamé, il fit le beau pour montrer sa bonne volonté.
Pendant qu’il mangeait, le gaillard se présenta :
— J’m’appelle Stéphane et toi ?

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