Sœurs
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Description

Neary est une jeune cambodgienne éprise de justice qui approche de son plus grand rêve : devenir avocate. En dehors de ses études de droit, il n’y a que sa famille et en particulier sa petite sœur chérie, Liny, qui l’intéressent. Hélas, nous sommes en 1975. Les khmers rouges vont bouleverser sa vie et ses projets. Contrainte de fuir en France, avec pour seul repère Seyha, l’unique autre fille de sa promotion, Neary pense, dans un premier temps, que cet exode n’est l’affaire que de quelques jours. Les jours, les mois et même les années vont pourtant défiler. Sans jamais perdre espoir de retrouver sa famille, ni de pouvoir un jour terminer son cursus universitaire, Neary va apprendre à vivre à la française et se bâtir une toute nouvelle vie. Malgré la noirceur de ce que traverse son peuple, elle va découvrir l’amour et trouver un sens à son existence. Neary et Seyha, plus unies que jamais vont affronter ensemble les déceptions, les peines et l’horreur de la guerre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 mars 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9781716304354
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sœurs
 
 
ALEXIA DAMYL

Copyright © 2021
Tous droits réservés.
 
 
 
 
« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. »
Albert Einstein
TABLE DES MATIÈRES
 
 
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS
– 1 –
– 2 –
– 3 –
– 4 –
– 5 –
– 6 –
– 7 –
– 8 –
– 9 –
– 10 –
– 11 –
BIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
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REMERCIEMENTS
 
 
Merci à Fred et à Liny de m’avoir livré un petit bout de leur histoire, malgré la douleur que réveillent ces souvenirs.
 
Merci à mes filles d’être chacune une sœur formidable pour l’autre.
 
 
 
 
 
 
 
 
– 1 –
 
 
En ce temps-là, nous étions une famille ordinaire parmi tant d’autres. Je crois qu’avec le recul je peux dire que nous étions heureux. Comme bien souvent lorsque l’on est ancré dans le présent, nous ne nous rendions pas véritablement compte que ce quotidien tout en simplicité était bonheur. Bien sûr, comme dans toute fratrie, des tensions se faisaient sentir, mais n’était-ce pas la manifestation d’un amour entre deux sœurs nées un peu trop proches dans le temps ? La preuve en est que je ne me souviens même pas de la naissance de Liny. Je n’ai qu’une vieille photo en noir et blanc, un peu déchirée par le passage des ans, pour me rappeler ses petits yeux bridés et sa touffe de cheveux noirs et hirsutes. À côté du nouveau-né, je me tiens droite, la bouche en cœur, les yeux écarquillés. Je ressemblais à un petit panda, ne sachant pas si je devais me réjouir de l’arrivée de ce bébé qui hurlait pour réclamer son dû, à toute heure du jour ou de la nuit. Je ne savais pas encore la chance que la vie m’offrait d’avoir une petite sœur. Bien entendu, dans sa plus tendre enfance, je ne cessai jamais de faire le pitre et je garde une certaine fierté que ce fut à moi qu’elle adressât ses premiers sourires. Ses éclats de rire innocents résonnent, aujourd’hui encore dans mes oreilles et égayent de leur souvenir mes journées les plus mornes.
*
Tout à coup, l’alarme retentit. Moi qui pensais être venue assister à l’un de mes derniers cours avant les partiels blancs… Les journées d’université ne sont décidément pas de longs fleuves tranquilles. Les bancs de la faculté se sont clairsemés depuis quelques semaines. Les étudiants sont nombreux à fuir devant la soi-disant menace des Khmers Rouges. Que va-t-on nous annoncer cette fois ? Le mois d’avril vient juste de débuter et du haut de mes vingt-et-un ans, je ne compte pas me laisser impressionner par une bande de communistes. La fougue de la jeunesse peut-être ? Je me sens inatteignable. D’ailleurs, quand j’y réfléchis bien, je suis plutôt d’accord avec leur idéologie. Il est grand temps que ce pays connaisse la paix et que chacun puisse y vivre décemment. J’en ai assez de voir mes parents se tuer à la tâche pour pouvoir à peine subvenir à nos besoins, et encore, nous sommes loin d’être les plus à plaindre. Quand j’obtiendrai mon diplôme, je deviendrai une grande avocate et ma famille sera à l’abri, que ce soit financièrement ou juridiquement parlant.
— Neary, tu dois nous suivre ! s’exclame mon professeur de droit.
— Qu’y a-t-il ? Des bombardements ? demandé-je affolée par son expression horrifiée.
— C’est bien pire que cela Neary. Mon fils a rejoint les rangs de l’Angkar 1 et il sait ce qui se trame. Tous ceux qui ont appris à lire et parler le français sont en danger de mort. Nous devons partir.
— Je ne comprends pas un mot de ce que vous me dites professeur.
— Si tu tiens à la vie, viens avec moi, je sais comment nous sortir de cette horreur.
Docilement, nous sommes des dizaines à suivre l’enseignant et à vider une fois de plus, les rangs déjà délaissés de l’amphithéâtre de l’université royale de droit. Sa mine effroyable nous a convaincus. Si cet homme que j’estime tant me dit de le suivre, c’est que je dois le faire. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais une petite voix dans ma tête m’intime d’écouter le professeur. J’ai bien trop de respect pour lui pour oser lui désobéir de toute façon.
Dans les rues, rien ne semble avoir changé alors pourquoi cette précipitation soudaine ? Ma loyauté ne m’empêche pas de m’interroger et je dois dire que la machine infernale qu’est mon cerveau tourne à plein régime en ce moment même.
Quand nous arrivons à l’aéroport, je reste perplexe quelques secondes. Peut-être connaît-il un abri non loin de la piste. Il reste silencieux, nous le suivons comme des moutons de Panurge, comme s’il s’agissait d’aller lui ramasser une craie. Nous sommes soucieux, mais il est si difficile de réagir dans le feu de l’action. Des dizaines d’hypothèses contradictoires traversent mes pensées et pourtant, je me sens vide.
— Je n’ai aucune affaire avec moi ! s’écrie l’un de mes camarades, le premier à oser troubler le silence de notre fuite.
— Je vous assure que nous n’avons pas le loisir de traîner au Cambodge. Nous ferons des emplettes une fois arrivés.
— Arrivés ? Mais où ? questionné-je innocemment.
La scène est tellement irréelle que je n’arrive pas à comprendre ce que nous sommes en train de faire.
— En France, répond-il en nous poussant dans le ventre de cet énorme oiseau mécanique.
— Et nos familles ? s’insurge Seyha, l’unique autre fille de ma promotion.
C’est une élève brillante, un peu pimbêche sur les bords, mais pétillante à souhait. Ce n’est pas de sa faute si elle est issue d’un milieu bourgeois. Malgré ses manières, j’aime sa compagnie et j’attends de voir de quel côté elle se range avant de me décider à mon tour. Elle commence à rebrousser chemin tout en faisant une moue de petite fille capricieuse.
— Je ne peux pas abandonner ma petite sœur, dis-je en étranglant un sanglot au fond de ma gorge. Et qui va prévenir mes parents et mon grand-frère ? Ils n’accepteront jamais de laisser cette terre où ils vivent depuis si longtemps.
— Phnom Penh est sur le point d’être assiégée, si vous voulez voir d’autres printemps vous devez monter à bord de cet avion. Ce ne sera plus qu’une ville fantôme d’ici quelques jours. Attachés ou pas à leur terre, les gens devront abandonner leur foyer. J’ai laissé des messages à mes contacts, vos familles seront prévenues et mises à l’abri. Quant à ta sœur Neary, elle est bien à la Royal University of Fine Arts ?
— Oui, dis-je étonnée qu’il se rappelle de ce détail.
— Ils sont en ce moment même, en train d’évacuer, de la même manière que nous.
— Alors pourquoi n’est-elle pas ici ? m’emporté-je, le regard noyé dans l’immense foule bruyante s’engouffrant dans l’avion.
— Elle prendra peut-être le prochain vol… ou est déjà partie. Je n’ai pas de réponse, mais ce serait dommage de la rater en restant ici. Crois-tu qu’elle ait envie que tu te fasses assassiner alors qu’elle aura fui ?
Ses mots ont le mérite de me faire réfléchir. Si Liny est en train de quitter le pays elle aussi, nous nous retrouverons. Mes yeux continuent de la chercher dans la cohue, en vain. Cependant, je suis bien plus inquiète pour mes parents. Je connais trop bien mon père qui, plus jeune, a déjà fui la Chine pour échapper à la famine et n’abandonnera sa maison que par la force. Ma mère ne le laissera jamais. Heureusement, si ce que dit Monsieur Ang est vrai, mes parents ne comprennent pas le français. Ils sont donc en sécurité avec le coup d’État qui se prépare. Des images de chaos défilent devant mes yeux, j’ai l’impression d’être spectatrice d’une pièce de théâtre désolante.
Les arguments du professeur font mouche. Seyha jette un dernier regard à ce pays que nous chérissons tant et, résignée, monte dans ce morceau de ferraille gigantesque. Tant pis, c’est de loin la plus folle décision que je n’aie jamais prise, mais j’embarque avec elle, déterminée à vivre. J’aurai bien le temps de finir mon cursus universitaire lorsque je reviendrai et que je retrouverai les miens. Aujourd’hui, c’est mon instinct de survie qui prime.
 
 
 
 
 
 
– 2 –
 
 
Mon tout premier souvenir remonte à la fête d’anniversaire qui fut organisée pour célébrer mes trois ans. Pour la première fois depuis la naissance de Liny, tous les regards étaient tournés vers moi et je me sentais véritablement importante. Je vivais, depuis ma naissance, dans une ambiance de guérilla mais je n’étais qu’une enfant, bercée d’insouciance. Je savourais mon repas de fête et tout particulièrement le dessert, des vermicelles de haricots mungo à l’essence de bay toey mélangés à du lait de coco. Un régal vert pomme, gravé à tout jamais dans mon esprit, que j’ai plaisir à retrouver au restaurant cambodgien de mon petit village d’aujourd’hui. C’est un peu ce que l’on appelle une madeleine de Proust.
...

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