63
pages
Français
Ebooks
2022
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Ebook
2022
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Publié par
Date de parution
17 août 2022
Nombre de lectures
0
EAN13
9782383511311
Langue
Français
Sevilla, La Maestranza, fière bâtisse blanche aux parements ocre. La plaza de toros a des allures d’opéra avec sa porte rouge cloutée de noir. Une porte mythique qui n’ouvre en grand ses deux battants que les après-midi de gloire pour laisser sortir, emportés sur une marée humaine, les toreros triomphants juchés sur les épaules des aficionados. Une sortie pour rentrer dans l’histoire avec un grand H !
Rafaël passe là tous les soirs, et tous les soirs résonnent dans sa tête la rumeur, les clameurs de l’arène. Tous les soirs, il se rêve là, prépare le scénario, la mise en scène... Avec l’aide de Dieu, c’est pour lui que s’ouvrira un jour la porte du prince, la porte du bonheur ! Ça ne peut pas en être autrement, il est prêt.
Publié par
Date de parution
17 août 2022
Nombre de lectures
0
EAN13
9782383511311
Langue
Français
Lucía
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
André Blanes
Lucía
Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite
À mon père qui m’a donné l’Espagne.
À Jacques Bonnier le rejoneador, ce grand frère qui m’a donné les clés de la corrida.
« Si quieres torear bien olvida que tienes cuerpo, se torea con el alma como se sueña y se juega, como se baila y se canta. »
« Si tu veux bien toréer, oublies que tu as un corps, torées avec ton âme comme tu rêves et joues, comme tu danses et chantes. »
Juan Belmonte
PRÉFACE
De la Camargue à l’Andalousie, des années 80 à l’an 2000 j’ai fait le voyage. J’ai suivi pas à pas Lucía, la danseuse, la flamenca, cette enfant livrée à elle-même face à son destin de femme entière. J’ai accompagné Rafaël le torero, et nourri avec lui ses rêves de gloires. J’ai vécu avec ces artistes sur le chemin de leurs illusions, ces amoureux de la vie à la recherche du bonheur… aller jusqu’au bout quoiqu’il en coûte.
Des lumières rouges de la nuit où traînent les petits truands de bas étage, au soleil brûlant des arènes, André Blanes nous entraîne dans le sillage de ces personnages simples et authentiques, à la rencontre de tous ces romantiques qui peuplent le monde de la corrida.
Denis Loré. Matador de toros
1 – Automne 1979 La Jonquera
Il est cinq heures la Catalogne s’éveille… les entraîneuses se démaquillent, les bringueurs vont se coucher, les travailleurs vont travailler. Les camions infatigables rallument leurs moteurs et déjà prennent leur place dans le trafic. Sur la route nationale, à la lueur des phares on aperçoit sur le bas-côté une silhouette. C’est une jeune femme légère et court-vêtue qui marche d’un pas pressé. Les appels de phares, les coups de klaxon de quelques chauffeurs coquins ne semblent pas l’atteindre. Elle fixe l’horizon, elle n’a pas envie de croiser le regard de celui ou de celle qui pourrait la reconnaitre. L’aurore s’allume, la liberté est à quelques kilomètres. Une camionnette blanche s’arrête à sa hauteur. Elle ne connaît pas ce type ! Méfiante, elle se penche pour l’apercevoir. Une douce odeur de croissants et de pains chauds s’échappe par la vitre ouverte. L’homme boudiné dans un tee-shirt blanc a une bonne tête de père tranquille. Un mégot au coin des lèvres, il lui sourit.
- Holà ! Montes, n’ai pas peur ! Où vas-tu comme ça, toute seule à l’heure qu’il est ?!
- À Figueras, j’ai un train à prendre.
- J’ai fini ma nuit, je livre un dernier hôtel et je rentre, je te laisse en ville ! Tu sais ça ne me regarde pas, mais faut pas que tu t’amuses à traîner seule comme ça à cette heure. Tiens, prends un croissant dans le panier là derrière… Voilà, la gare c’est par là, à deux rues derrière, bon voyage !
- Je vous dois quelque chose ?
- Rien ! Allez, bon vent ! Que Dieu te garde !
- Merci, je ne vous oublierai jamais.
Tout en claquant la portière, d’un tour de main elle abandonne à son Saint Bernard un billet de mille Pesetas sur son siège.
Gare de Figueras, elle s’engouffre dans le hall. Elle n’a pour bagage qu’un petit sac à main qu’elle serre contre elle, il est plein de Pesetas et Francs mélangés. Billets chiffonnés, dérobés il y a quelques heures dans la caisse du boxon. Elle prendra le premier train pour le sud. Ce soir ou demain elle sera à Sevilla, et personne ne viendra la chercher là-bas !
Affalée, elle s’est déjà débarrassée de ses talons hauts, elle a allongé ses jambes sur la banquette, elle écoute la musique du train en souriant au soleil qui se lève sur la liberté. Le type assis en face, coincé dans son petit costard garde son attaché-case sur ses genoux. Il meurt d’envie de poser lui aussi ses mocassins à glands à la mode de l’ancien temps. Mine de rien, il jette furtivement quelques coups d’œil sur les jambes blanches de cette sirène. Elle, elle s’en fout, à l’heure qu’il est il n’y a plus que la liberté qui l’intéresse. Vas-y, mate mon gars… si ça te fait plaisir ! Elle est enfin bienheureuse ! Bienheureuse, même si elle maudit ce jour où il y a deux semaines en gare de Barcelone-Sants, entre deux trains sur le chemin de la France, elle est tombée sur un type tiré à quatre épingles qui l’a accosté au buffet du coin soi-disant parce qu’elle ressemblait à son ex. Un putain de type qui lui a fait le coup de l’amoureux romantique et délaissé. Il avait un sourire triste, elle l’a trouvé beau et gentil. Il lui a dit qu’il la trouvait très belle, qu’il bossait dans la mode, et que son métier l’emmenait toujours sur les routes. Il avait l’air brisé et sincère. Il a payé les sandwiches et les cafés, la totale quoi ! Elle la solitaire, persuadée qu’elle n’intéressait personne s’est sentie flattée. Elle s’est dit : Puisque la vie est faite de rencontres, en voilà une belle, et puis qui sait ? Elle a pensé que finalement il faudrait aussi qu’elle commence un peu à s’intéresser aux autres. Et puis à la finca* chez Don Edouardo il n’y a que des paysans aux gestes rugueux. On a beau aimer la campagne, quand on a vingt-cinq ans il y a des moments où la nature est un peu trop endormie où les amoureux sont un peu trop ordinaires. Celui-là avec ses bonnes manières, délicat et élégant, avait les mains fines et sentait « l’eau sauvage » de Christian Dior.
- Je m’appelle Tony, tu rentres en France ? Viens je t’emmène ne crains rien, je rentre chez moi à Marseille. Viens, on fera le voyage ensemble, on parlera… ça me gonfle de rouler seul. Je te déposerai à la gare de Montpellier si ça te va.
La Golf cabriolet d’un noir brillant sentait bon le cuir neuf. Ce qui la changeait un peu du confort sommaire de la RENFE*, de ces gros mecs qui ronflaient sur la banquette à côté d’elle, et de ces enfants qui braillaient et qui foutaient des miettes de gâteaux partout. Là c’était presque le luxe, assise près de son chevalier servant elle rêvait… il glissa une cassette de Francis Cabrel. C’était un peu la dolce vita… en fermant les yeux, la tête en vacances elle aperçut sa grand-mère qui lui souriait. J’arrive Mamée !
- C’est la frontière, et je crois que tu as bien dormi ! Tu n’as pas été très bavarde ! Ici c’est La Jonquera on s’arrête pour se nourrir un peu et ravitailler la voiture. Il est déjà presque neuf heures du soir.
- Désolée, je suis crevée en ce moment… désolée ! Promis, je ne dormirai plus. On va rattraper le temps perdu, on va parler. Viens, on va manger, c’est moi qui t’invite !
Et puis la nuit est tombée, ils sont allés à l’hôtel et se sont aimés. Elle l’a aimé, elle avait tellement besoin d’aimer, d’être aimée. Après tout la vie c’est comme ça, la nature humaine c’est comme ça, il faut bien que le corps exulte, que l’esprit jouisse. Il était libre, elle était libre et en vacances. Alors, ils sont restés là quelques jours, quelques jours hors du temps, sans doute quelques jours de trop. Et puis, un beau matin le beau gosse a disparu… envolé !
La voilà, déboussolée dans ce foutu village gris et glauque où il n’y rien d’autre à faire qu’à traîner, qu’à regarder passer les heures et les camions, qu’à errer dans ces pseudos supermarchés qui ne vendent qu’alcools et tabacs. Elle n’a plus d’argent, cet escroc lui a tapé son maigre butin et s’est barré sans régler la note. C’est le propre des escrocs, ceux-là n’ont pas besoin d’utiliser la menace pour spolier leurs victimes, ceux-là sont bien plus malins, ceux-là ne braquent pas, ils se servent tranquillement et le plus souvent leurs victimes sont consentantes. Tels les oiseaux de passage ils disparaissent comme ils sont venus.
Dans le hall humide de l’hôtel mal éclairé, elle est recroquevillée, mal assise sur le grand fauteuil en cuir. Il pleut.
- Tu me dois quatre nuits, et les petits déjeuners qui vont avec… lui a annoncé Monsieur Roberto avec son air de Thénardier, en la tutoyant comme s’il s’adressait à la dernière de ses servantes. Tu me dis que ton ami s’est barré ! Quel con celui-là, laisser sur le carreau une aussi jolie fille que toi ! Celui-là, il doit être vraiment con ! Mais t’as de la chance, tu aurais pu tomber plus mal ! T’es jeune et jolie et tu m’as l’air suffisamment dégourdie. Si tu veux je peux te donner du boulot, au moins le temps que tu paies ce que tu me dois, le temps que tu te refasses, juste le temps de gagner un peu de monnaie pour continuer ton voyage. De toute façon, je crois que tu n’as pas le choix, à moins que tu préfères expliquer tout ça à la Guardia Civil* ! Au night-club, j’ai une place de barmaid pour toi, nourrie et logée. Tu commences ce soir et c’est moi qui te dirais quand tu pourras partir. Ça dépendra de toi ! Il faudra que tu sois sage, très sage ! Tu verras tout ira bien !
Ambiance embrumée, cigarettes et whisky à gogo, parfum de femme, dentelles et dessous, slows langoureux, lumière tamisée. Musique sucrée, les Platters susurrent Only you, et Julio chante Manuela. Cuissardes, mini-jupe en cuir, chemisier entrouvert, décolleté plongeant, maquillage outrancier et rouge à lèvres écarlate, Lucía derrière le comptoir prend la pose et joue la Brigitte Bardot sur son Harley-Davidson. Elle n’a qu’une idée en tête, payer vite payer, vite s’échapper de ce piège à rats, en finir avec ce cauchemar. Il y a quinze jours qu’elle n’a pas vu le soleil, enfermée, enfumée dans cette boîte à servir des « cuba libre » jusqu’à l’aube à des cowboys qui parlent fort et qui balancent leur pognon sur le comptoir pendant que les filles elle