On se passerait bien du temps
63 pages
Français

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On se passerait bien du temps , livre ebook

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Description

Un recueil de 37 nouvelles courtes pleines d'humour noir, de mélancolie et d'érotisme. Il y est question de ce qui nous détruit et de ce qui nous exalte, entre autres réjouissances.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 juillet 2015
Nombre de lectures 3
EAN13 9782363154583
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

On se passerait bien du temps


Franz Griers

2015
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY, un outil de production simple pour créer des ebooks aux formats epub et mobi Pour plus d'informations rendez-vous sur le site: www.iggybook.com
Table des matières

Le parapluie
L'odeur des fleurs
L'entretien d'embauche
Le mec mieux
Le paradis est pavé de mauvaises intentions
La joyeuse inféconde
Le crabe
Le syndrome de Monika
Crash
Le trajet
Le type gentil
Anticipation
Mouvement de foule
Parisien
La décrochée
Les vieux qui parlent
Une crise
Le vis-à-vis
Photo de profil
Deuil
La princesse
La surprenante imbécile
Le moufflet
Charlotte à Prague
L'arrivée du printemps
Coup de foudre
Sortie de route
Boarding gate 39
Déménagement
Casserole au cul
On ne m'avait pas dit
L'emprise
Marée noire
Amants
Il faut que je plaise à Nathalie
Un vrai
Le départ
Le parapluie
 

 
Je vais te raconter quelque chose au sujet d’une fille qui attendait le bus à côté de moi l’autre jour, tu sais, lorsqu’il pleuvait. C’était un arrêt de bus sans abris, juste un piquet planté sur le trottoir. Et quand il pleut, tu es de la baise pour t’abriter. Tenant accroché à mon poignet ce parapluie que je me refusais à déployer, je me suis adossé contre un immeuble, à l’abri d’un minuscule balcon au-dessus de ma tête.
Et elle, elle endurait la pluie à deux mètres de moi, sans protection. Elle était brune et semblait affectée par la journée qui venait de se dérouler. Je l’ai trouvée très jolie.
Au lieu de lui céder ma place sous cet abri de fortune, j’ai eu l’idée de lui prêter mon parapluie. Histoire de faire quelque chose de sympa, car j’étais secrètement bouleversé à l’idée de pouvoir cautériser par petites touches de bienveillance anonyme les plaies que je m’étais infligées en trahissant des personnes importantes, et aussi parce que j’aurais bien aimé connaître le goût de ses lèvres.
Quand je lui ai tendu mon parapluie, elle a d’abord été effrayée par ce geste. Puis elle a accepté avec un petit sourire en coin.
— Vous êtes sûr ?
— Oui.
— Merci, c’est adorable.    
En l’observant s’abriter sous mon parapluie, j’ai eu la sensation de la voir porter ma chemise trop grande pour elle, toute nue en dessous, en se levant au petit matin pour aller boire un verre d’eau.
Elle s’est retournée une fois vers moi, et voyant que je l’observais, elle a eu un sourire gêné. Elle ne s’est plus retournée jusqu’à l’arrivée de son bus, qui n’était pas celui que j’attendais. J’avais une chance sur deux. Avant même que je puisse décider si je montais avec elle ou non, elle a sorti de son sac à main un petit parapluie noir quasiment identique au mien et elle me l’a donné avec un air amusé et ambigu. Puis elle est montée dans le bus avec mon parapluie, me laissant seul sur le trottoir, blotti contre le sien, émerveillé.
Ne me demande plus pourquoi je bande quand il pleut.
 
L’odeur des fleurs
 

 
Je marchais dans la rue, en direction de mon appartement. J’avais dans la tête des nécessités, des échéances et des évidences insolubles, toutes aussi imbécilement inhérentes au simple fait d’exister.
À cet instant précis, j’étais en pleine suffocation, me disant qu’il y aurait toujours une source d’inquiétude qui coulerait le long de mes vertèbres, charriant les syllabes d’un prénom ou deux, ceux-là mêmes qui me faisaient chanter des voyelles en pleine rue et en pleine nuit.
En foulant le trottoir de cette rue, j’étais dans l’impossibilité de me réjouir, tant l’entrave intestinale de ma matérialité et la nécessité de ma mort me paraissaient incompatibles avec le moindre bonheur de passage. Je baguenaudais à la frontière entre l’anxiété et l’angoisse.
Et là, il s’est passé quelque chose. Je suis arrivé au niveau d’un fleuriste dont les parfums se sont instantanément insinués dans ma mémoire, me rappelant à quel point mon avenir serait radieux s’il était moins obscur.
Je me suis blotti contre ces fragrances imprévues, et bien m’en a pris.
Je me suis senti si bien en dégustant un petit fragment de réalité comme on boit un café sans se faire chier à mettre un sucre dedans.
Je me suis surpris à aimer follement cette légendaire émanation de mièvrerie commune, et j’irais même jusqu’à dire que certains nœuds que j’avais dans les tripes se sont desserrés.
J’ai repensé à des choses qui alimentent les lignes poisseuses des romans de gares mal desservies.
Je préfère éviter de rentrer dans les détails, sinon tu vas encore te foutre de ma gueule. C’est plus prudent, parce que si je te dis que j’ai repensé à moi âgé de deux ans, assis en couche sur du gazon fraîchement tondu par quelqu’un qui a depuis disparu, tu vas me dire que je fais dans le larmoyant.
Et pourtant, crois-moi, j’ai larmoyé en inhalant ces senteurs de roses, de lilas et de tant d’autres fleurs que je fais semblant d’avoir su identifier. D’ailleurs de quoi je parle, au juste ? Ah oui, de ça.
De ce moment de vulnérabilité totale où, exténué de bonheur dans le cou de celle dont les cheveux étendus sur les draps sentent si bon, tu te dis que ce ne sera plus jamais aussi bien, ou du moins tu le suspectes, et là tu te blottis et tu pleures en silence. Mais elle ne le sait pas, alors qu’elle est serrée contre toi. Et sur son épaule, crois-le ou non, ça sent le coquelicot.
Je t’avais prévenu.
C’est précisément dans cette épaule que j’étais en train de m’enf(o)uir, au cours des cinq longues secondes qu’il m’avait fallu pour longer la vitrine du fleuriste en fermant les yeux. J’ai perdu le fil en sentant mon pied gauche aplatir un de ces cadeaux que laissent sur les trottoirs tous ces chiens minables.
Je ne m’intéresserai plus jamais aux choses simples.
 
L’entretien d’embauche
 

 
Ce n’était même pas une annonce à laquelle j’avais postulé. On m’avait contacté. Quand je me suis pointé à l’entretien, j’en étais encore flatté. Mais cette impression positive s’est estompée lorsque je me suis retrouvé nez à nez avec le DRH.
J’ai vu passer dans ses yeux de la suspicion et du mépris.
Il a fait quelque chose que je ne supporte pas et que pourtant nous faisons tous. Alors que je lui parlais, il a fixé une partie de mon visage qui n’était pas mon regard. Sans doute l’anneau que j’ai dans l’oreille, ou un morceau de salade collé sur une de mes dents. J’ai senti que je suscitais chez lui un profond ennui.
Et pourtant, tout ce qu’il a trouvé à dire quand j’ai terminé ma tirade, c’est qu’il pensait que de tous les profils, j’étais le meilleur. Il a ponctué cette incroyable formule d’un « mais » qui m’a laissé entrevoir le pire.
Il a cliqué sur la souris de son ordinateur, ce qui a projeté au mur en face de moi une photographie Facebook me montrant à ma soirée du samedi précédent. Livide, luisant, la carte bleue dépassant de la braguette et la main dans les cheveux d’une fille de petite vertu assise à côté de moi sur une banquette en cuir.
J’ai entendu un deuxième clic de souris qui a fait apparaître en gros plan un détail de cette photo : la main de la jeune fille en question, sur laquelle brillait une alliance en or.
Il a tenté de me faire deviner qui était l’homme qui lui avait passé cette bague au doigt, un après-midi ensoleillé de juin à l’Île de Ré. J’ai donné ma langue au chat, il a compris que j’avais compris, et j’ai décidé de jouer franc jeu avec lui.
 
« Écoutez, cette coïncidence scabreuse est très gênante pour nous deux, et je ne vois pas d’autre solution que de vous exposer la vérité telle qu’elle est et non pas telle que je veux vous la montrer en tant que candidat. J’ai rencontré votre femme samedi dernier en boîte. Je suis instantanément tombé sous son charme. J’ai passé une heure à observer sa manière de sourire aux ge

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