DANS LA BRUME DU TEMPS   POESIE
118 pages
Français

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DANS LA BRUME DU TEMPS POESIE , livre ebook

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Description

Dans la brume du temps est ce long cri du coeur qui traduit l'amour, l'attachement viscéral du poète vis-à-vis de ses racines africaines. En véritable tribun des hères faméliques du tiers-monde, le poète y prend fait et cause pour les déshérités de l'humanité et nous promène tout à tour sur les grandes tragédies qui ont ensanglanté le siècle dernier.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 52
EAN13 9782296805880
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dans la brume du temps
 
 
 
Yves Junior NGANGUE
 
 
Dans la brume du temps
 
Poésie
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cette œuvre a bénéficié d’une subvention du ministère
de la Culture du Cameroun au titre du Compte d’affectation
pour le soutien de la politique culturelle
 
 
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-54620-2
EAN : 9782296546202
Pour Arthur
 
« Le poète est aussi avec nous, sur la chaussée des hommes de son temps »
Saint - John Perse ( Prix Nobel littérature 1970 )
 
Avant-propos
 
 
Cher Yves,
 
Je n’ai pas pu retrouver la préface que j’avais écrite pour ces poèmes. Il y a longtemps que je l’avais apprêtée et que je t’attendais. Tu te souviens qu’à plusieurs reprises, je t’avais invité à passer à la maison. A présent que tu en as besoin, je ne la retrouve pas. Je l’ai perdue. J’ai dû mettre sens dessus dessous tous mes boxes d’archives, bêcher tous mes souvenirs, remuer, passer et repasser ici et là sans pouvoir rien retrouver. J’en suis presque tombé malade. Et du texte, je n’ai gardé aucun souvenir. Il a été lapé par la langue du Temps. Avec ma mémoire usée par les vents de toutes sortes, de la brise anodine à l’ouragan impétueux, je suis désormais si peu armé pour être un lieu sûr. Rien ne dure plus en moi, à part la forme vaporeuse des objets abstraits et l’inerte dandinement des forces matérielles. C’est grâce à la page que ma mémoire a encore une existence. A l’encre aussi, bien évidemment.
 
Tu publieras donc tes poèmes sans préface, sans la mienne, en tout cas. Mais je souhaite que tu te souviennes d’un texte perdu et dans lequel je tentais de mettre les clés dans la serrure de tes poèmes. Pour les ouvrir. Parce que toute écriture est porte close, et qu’il faut trouver une faille pour pouvoir y entrer, il me souvient tout de même, malgré ma mémoire effacée, que je découvrais qu’une immense générosité parcourt tes poèmes. Une écriture chaude, résolue à démanteler les mécaniques glaciales, à dégivrer les lourdes coagulations de l’histoire, à faire sauter les murs de Berlin. A montrer le visage contemporain de la barbarie et de l’amour. Une écriture de la terre aussi, plongeant dans sa chair ferme et rouge ses rhizomes matriciels pour faire remonter vers les frondaisons ivres de vents la sève de l’espoir. Je revois ton effroi devant la grande blessure de l’Afrique ouvrant ses lèvres gloutonnes pour poser sur une terre démolie ses baisers sataniques. Si ma mémoire me revenais, je suis certain de pouvoir redire combien « dans la brume du temps », tu réussis dans tes poèmes à faire tam-tam de tout bois. Car tu parles de ton pays en termes lumineux, du continent frappé du syndrome génocidaire et des enfants soldats, de la nouvelle négraille diasporique à travers le monde répandue et méprisée ; de l’impossible mais pourtant vraie Amérique, tu parles de tout cela, tu le dis avec les mots du cœur et de la connaissance. Ici, l’écriture est fille de la connaissance autant que de la somme des émotions reçues et partagées. Souvent, la phrase perd le verbe et montre combien la parole devient métaphore de l’acier pour dire les « dark days at Freetown ».
 
Autant que je me souvienne, tes poèmes sont une longue chanson. Ils trouvent dans l’empâtement de l’emphase, dans le délire de la répétition magique, dans la jonction du sublime et de l’ordinaire, dans la décongestion de la parole, le lieu de leur accomplissement. Il y a ce fond de jazz et de rythmes sauvages qu’ils laissent en l’âme, de splendides morsures dont il vaut bien la peine d’être mordu. Moi, en tout cas, j’ai pris le parti de me laisser mordre. De prendre en mon sang le venin bienfaisant d’un reptile-la poésie-aux sifflements et aux ondulations surréels ; de susciter dans l’oreille du monde une vibration nouvelle. Il reste tout de même au fond de moi, l’espoir de retrouver un jour la préface perdue. Elle sera alors l’enfant prodige, le retour à et en soi. Telle me semble être la signification de Dans la brume du temps, un désir tenace de dire à l’homme : allez, tu as trop longtemps traîné dehors, tu as passé le temps à errer, il est temps de rentrer à la maison maintenant.
Jean-Claude Awono
Président de la Ronde des Poètes
Yaoundé, Parc national, septembre 2010
 
La Complainte de l’enfant-soldat

Pour Irina Bokova
 
 
J’étais enfant
J’étais libre comme le vent
Ils m’ont emmené au combat
Ils ont fait de moi un petit soldat
Je rêvais d’une école d’une cour de récréation
Ils m’ont emmené au front dans un bataillon
Dans la jungle sur un champ de tirs
Ils ont fait de moi un petit martyr
Je rêvais d’un stylo d’un cartable
Ils m’ont donné un havresac des grenades un sabre
Je rêvais d’une ardoise d’un cahier
Je rêvais des souliers d’écolier
Ils m’ont donné des munitions et des bottes de guerrier
Je rêvais d’un livre de lecture
Ils m’ont donné du haschich
Je rêvais d’un livre de grammaire
Ils m’ont donné une arme de guerre
J’avais dix ans
J’étais libre comme le vent
Ils m’ont fait combattant.
Je rêvais de devenir médecin
Ils m’ont fait fantassin
Je rêvais de guérir de braves gens
Ils m’ont appris à saigner des innocents.
J’avais dix ans
J’étais un garnement
Qui broyait la vie à belles dents
Ils m’ont embrigadé dans un régiment.
Je rêvais d’un sac d’écolier
Ils m’ont donné un fourniment de guerrier
Je rêvais d’un abécédaire
Je rêvais d’un syllabaire
Je rêvais d’un livre de grammaire
Ils m’ont donné des armes de guerre.
J’étais un petit garçon
Je scrutais les étoiles dans le ciel le soleil à l’horizon
Je rêvais de devenir banquier ils m’ont appris à chaparder
Je rêvais de devenir ministre ils m’ont appris à fumer
Je rêvais de devenir président
Ils m’ont appris à éventrer de braves gens
Je rêvais de devenir architecte
Ils m’ont fait rebelle
Je rêvais d’élever des buildings de bâtir des gratte-ciel
On m’a appris à y mettre du feu
Je rêvais de construire des villes
Je rêvais de bâtir mon pays
On m’a appris à le mettre à sac
On m’a appris à le détruire
Je rêvais de devenir pilote de l’air
Je rêvais de parcourir l’Amérique l’Australie l’Angleterre
On a fait de moi un cruel guérillero un incorrigible tortionnaire.
J’étais un gentil marmot
Doux comme un agneau
On a fait de moi un bourreau.
Je rêvais de devenir écrivain
On a fait de moi un assassin
Je rêvais d’aimer mon prochain
On m’a appris à le haïr
On m’a appris à le détruire.
Petit garçon
J’étais un joyeux luron
Je rêvais d’un livre de conjugaison
On m’a appris à manier des canons.
Je rêvais d’un abécédaire
Je rêvais d’un syllabaire
On m’a donné des armes de guerre.
J’avais dix ans
J’étais libre comme le vent
Ils m’ont fait martyr
Ils ont fusillé mon père
Ils ont massacré ma mère
Ils ont engrossé ma sœur
Ils ont brûlé notre case
Ils ont saccagé mon village
Ils ont pillé mon pays
Ils m’ont arraché cœur de colombe
Ils m’ont ôté âme candide
Ils m’ont dépouillé mes soleils d’innocence
Ils m’ont volé mes rêves d’enfant.<

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