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Collection
«Poésie»
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ISBN : 9782820622433
Sommaire
I Le Seuil du gouffre
L’Esprit humain
I. Une voix
II. Une autre voix
IV. Une autre voix
V. Une autre voix
VI. Une autre voix
VII. Une autre voix
X. Une autre voix
XI. Une autre voix
XII AUTRES VOIX
XIII. Une autre voix
II L’Océan d’en haut
I
II
III
IV
VI
VII
VIII
IX
Fragments
III. Le Jour
I Le Seuil du gouffre
L’Esprit humain
Et je voyais au loin sur ma tête un point noir.
Comme on voit une mouche au plafond se mouvoir,
Ce point allait, venait ; et l’ombre était sublime.
Et l’homme, quand il pense, étant ailé, l’abîme
M’attirant dans sa nuit toujours de plus en plus,
Comme une algue qu’entraîne un ténébreux reflux,
Vers ce point noir, planant dans la profondeur blême,
Je me sentais déjà m’envoler de moi-même
Quand je fus arrêté par quelqu’un qui me dit
« Demeure. »
En même temps une main s’étendit.
J’étais déjà très haut dans la nuée obscure.
Et je vis apparaître une étrange figure ;
Un être tout semé de bouches, d’ailes, d’yeux ;
Vivant, presque lugubre et presque radieux.
Vaste, il volait ; plusieurs des ailes étaient chauves.
En s’agitant, les cils de ses prunelles fauves
Jetaient plus de rumeur qu’une troupe d’oiseaux
Et ses plumes faisaient un bruit de grandes eaux.
Cauchemar de la chair ou vision d’apôtre,
Selon qu’il se montrait d’une face ou de l’autre,
Il semblait une bête ou semblait un esprit.
Il paraissait, dans l’air où mon vol le surprit,
Faire de la lumière et faire des ténèbres.
Calme, il me regardait dans les brouillards funèbres.
Et je sentais en lui quelque chose d’humain.
Qu’es-tu donc, toi qui viens me barrer le chemin,
Être obscur, frissonnant au souffle de ces brumes ?
Lui dis-je. Il répondit : Je suis une des plumes
De la nuit, sombre oiseau de nue et de rayons,
Noir paon épanoui des constellations.
Je suis ce qui court, vole, erre, s’enfle, s’apaise ;
Je suis en même temps ce qui retombe, pèse,
Saisit l’aile qui va, retient l’essor qui fuit,
Et descend ; car le fond de mon être est la nuit.
Ton nom ? dis-je.
Il reprit :
Pour toi qui, loin des causes,
Vas flottant, et ne peux voir qu’un côté des choses,
Je suis l’Esprit Humain.
Mon nom est Légion,
Je suis, l’essaim des bruits et la contagion
Des mots vivants allant et venant d’âme en âme.
Je suis Souffle. Je suis cendre, fumée et flamme.
Tantôt l’instinct brutal, tantôt l’élan divin.
Je suis ce grand passant, vaste, invincible et vain,
Qu’on nomme vent ; et j’ai l’étoile et l’étincelle
Dans ma parole, étant l’haleine universelle ;
L’haleine et non la bouche ; un zéphir me grandit
Et m’abat ; et quand j’ai respiré, j’ai tout dit.
Je suis géant et nain, faux, vrai, sourd et sonore,
Populace dans l’ombre et peuple dans l’aurore ;
Je dis moi, je dis nous ; j’affirme, nous nions.
Je suis le flux des voix et des opinions,
Le fantôme de l’an, du mois, de la semaine,
Fait du groupe fuyant de la nuée humaine.
Homme, toujours en moi la contradiction
Tourne sa roue obscure et j’en suis l’Ixion.
Démos, c’est moi. C’est moi ce qui marche, attend, roule,
Pleure et rit, nie et croit ; je suis le démon Foule.
Je suis comme la trombe, ouragan et pilier.
En même temps je vis dans l’âtre familier.
Oui, j’arrache au tison la soudaine étincelle
Qui heurte un germe obscur que le crâne recèle,
Et qui, des fronts courbés perçant les épaisseurs,
Fait faire explosion à l’esprit des penseurs.
Je vis près d’eux, veilleur intime ; je combine
Le vieux houblon de Flandre et la vigne sabine,
La franche joie attique et le rire gaulois ;
L’antique insouciance avec ses douces lois,
Paix, liberté, gaîté, bon sens, est mon breuvage ;
J’en grise Erasme et Sterne, et même mon sauvage,
Diderot ; et j’en fais couler quelques filets
De la coupe d’Horace au broc de Rabelais.
Il poursuivit :
Je crie à quiconque commence,
Assez. Finis. Je suis le Médiocre immense.
Toutes les fois qu’on parle et qu’on dit : Mitoyen,
Mode, médiateur, méridien, moyen,
Par chacun de ces mots on m’évoque, on m’adjure,
Et tantôt c’est louange, et tantôt c’est injure.
Je suis l’esprit Milieu ; l’être neutre qui va
Bas sans trouver Iblis, haut sans voir Jéhovah ;
Dans le nombre, je suis Multitude ; dans l’être,
Borne. Je m’oppose, homme, à l’excès de connaître,
De chercher, de trouver, d’errer, d’aller au bout ;
Je suis Tous, l’ennemi mystérieux de Tout.
Je suis la loi d’arrêt, d’enceinte, de ceinture
Et d’horizon, qui sort de toute la nature ;
L’éther irrespirable et bleu sur la hauteur,
Dans le gouffre implacable et sourd, la pesanteur.
C’est moi qui dis : Voici ta sphère. Attends. Arrête.
Tout être a sa frontière, homme ou pierre, ange ou bête,
Et doit, sans dilater sa forme d’aujourd’hui,
Subir le nœud des lois qui se croisent en lui.
Je me nomme Limite et je me nomme Centre.
Je garde tous les seuils de tous les mondes. Rentre.
Tout est par moi, saisi, pris, circonscrit, dompté.
Je me défie, ayant peur de l’extrémité,
De la folie un peu, beaucoup de la sagesse.
Je tiens l’enthousiasme et l’appétit en laisse ;
Pour qu’il aille au réel sans s’écarter du bien,
J’attelle au genre humain ce lion et ce chien ;
Et, comme je suis souffle et poids, nul ne m’évite,
Car tout, comme esprit, flotte, et, comme corps, gravite.
Et l’explication, je te l’ai dit, vivant,
C’est que je suis l’esprit matériel, le vent ;
Et je suis la matière impalpable, la force.
Je contrains toute sève à rester sous l’écorce ;
Et tout piège miroir par mon souffle est terni.
Contre l’enivrement du sinistre infini
Je garde les penseurs, ces pauvres mouches frêles.
Je tiens les pieds de ceux dont l’azur prend les ailes.
Je suis parfum, poison, bien, mal, silence, bruit.
Je suis en haut midi, je suis en bas minuit ;
Je vais, je viens ; je suis l’alternative sombre ;
Je suis l’heure qui fait sortir en frappant l’ombre,
Douze apôtres le jour, la nuit douze césars.
Du beau donnant sa forme au grand, je fais les arts.
Dans les milieux humains, dans les brumes charnelles,
J’erre en voyant ; je suis le troupeau des prunelles.
Je suis l’universel, je suis le partiel.
Je nais de la vapeur ainsi que l’eau du ciel,
Et j’éclos du rocher comme le saxifrage.
Je sors du sentier vert, du foyer, du naufrage,
Du pavé du chemin, de la borne du champ,
Des haillons du noyé sur la grève séchant,
Du flambeau qui s’éteint, de la fleur qui se fane
Je me suis appelé Pyrrhon, Aristophane,
Démocrite, Aristote, Esope, Lucien,
Diogène, Timon, Plaute, Pline l’ancien,
Cervantes, Bacon, Swift, Locke, Rousseau, Voltaire.
Je suis la résultante énorme de la terre.
La raison : J’étais là, pensif, troublé, muet ;
Pendant que j’écoutais, l’être continuait :
Homme, à nous le mystère est ouvert. Nous en sommes.
Pour l’abîme, je suis un spectre ; pour vous, hommes,
Je suis la Voix qui dit : allez, mais sachez où.
J’erre près du néant le long du garde-fou.
J’avertis.
Il reprit :
Écoute, esprit qui trembles ;
Et qui ne peux pas même entrevoir les ensembles :
Hommes, vous m’ignorez, mais je vous connais tous ;
Et je suis encor vous, même en dehors de vous.
Entre les brutes, foule, et les anges, élite,
Il