Hirondelle
60 pages
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Hirondelle , livre ebook

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Description

Une hirondelle, des bouts de papier destinés à un homme. Histoire de rien; histoire de tout où se bousculent les rêves perdus et oubliés; les rêves à venir et à goûter.

Informations

Publié par
Date de parution 27 octobre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312024479
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Hirondelle
Fanny Giraudeau
Hirondelle


















LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014 ISBN : 978-2-312-02447-9
1. Et la lumière
Glisse en avant
Là où le temps
Nous pousse en arrière.

La douceur froide s’étendait à perte de vue et estompait les minces reliefs en saupoudrant les toits d’une couche plus sucrée que le sel.

C’était un matin sans bruit ou sans pluie. Un matin rare à Paris. C’est un matin du pays connu. Un instant tout nu. Un matin qui n’existe pas, qui a suspendu l’imparfait en présent et brûle sur les toits un soleil que l’on ne voit pas. C’est un matin sans bruit ou sans pluie. Un instant sans pluie et sans bruit, un matin quelconque. Une habitude et pourtant. Un matin très rare à Paris.

Ce matin-là une hirondelle un bout de soleil a cogné à la fenêtre de l’homme avant de sauter en grenouille contre le carreau du ciel. Nul verre ne vit l’oiseau mais une poussière jaillit. Contre la vitre opaque une poussière de pluie sauta du carreau transparent. Nulle goutte ne la surprit.

C’est aujourd’hui c’est demain. Hier aussi. Un seul morceau de pierre qui s’est attaché à suivre l’hirondelle. En un bout de matinée la vie a écrit une histoire de hasard, sans bruit, et l’homme endormi n’a vu que la pluie. Absente. Pour une fois.
Aujourd’hui.
Quand les rideaux s’éteignent devant les rivages d’un monde ravagé, une orange glissée sous la peau des fruits pleure sur les sillages des bateaux disparus. Un homme sur le banc des solitaires écrase un caillou sous ses pieds. Les semelles de ses chaussures caoutchoutées s’accrochent au bout de pierre qui l’ancre sur le sol. Collé au bitume froid de cette journée printanière, l’homme ôte ses souliers qui l’entravent et part sans regrets, pieds nus, envoler son corps vers la forêt automnale, proche.

Quand les racines s’éloignent et remplacent les ciels du matin l’homme trébuche à chaque tronc. Les feuilles tombent une à une, nervures serrées dans les bras de la chlorophylle essoufflée. Les feuilles pleuvent et se décrochent des arbustes grandissant. Les lianes secouées s’épanchent et fondent vers l’homme surpris qui tente de fuir. Mais les feuilles descendent de leur perchoir à grande vitesse, vertes et cruelles, rouges et sang, elles étouffent l’homme qui peine à respirer.
Il court.
Il court.
Il trébuche.
Il tombe.
Ses pieds nus blessés par les copeaux gisent sur les fougères éparpillées. L’écorce s’effiloche, les lambeaux coulent. L’homme gémit sur ses chaussures collées là-bas sur le bitume.
L’homme s’écroule lourdement contre le sol qui s’écarte, terre humide qui flotte autour de lui. En apesanteur la forêt pleure, il rage.

Tombé dans le matelas, la nuit s’évapore. Le sommeil agité s’ouvre. Il est réveillé en un dernier sursaut et la pelouse jaune couvre d’un diadème rouge le drap. La couverture fuit les tapis d’herbes humides et sous un bras de ciel les nuances se déchirent pour ne s’éteindre qu’à la renaissance des marées fantômes.

En mettant le pied sur le tapis maigre, l’homme a grommelé sans parler. Sans grommeler il a parlé. Gémi avec un pli dans les sourcils. Il a posé l’autre pied sur la moquette maigre et un soupir tout exaspéré a expiré son souffle. Son souffle court qui sourit sans le voir et qui n’ose plus jeter un regard sur le lit vide. La couche sans amour sans femme sans homme ni froissée ni pliée. Il n’ose pas il sait. A chaque fois il frémit en jetant un faux oeil alors il oublie et se souvient, ferme les yeux et court à la salle de bains.

Ses amours se sont perdues en empruntant le passage du temps. Envolées. Volées. Plus exactement. Lui. N’a rien fait. N’a pas su. Agir.

J’ai perdu jusqu’au visage de ton souvenir
Et mes prières tombent
Et les pétales fleurissent
J’ai créé un nouveau chemin
Une autre mer un océan lointain
J’ai souvent rêvé à nos néants
Mais le vent a pris les feuilles
Et les a déposées où je ne vais pas.

Aujourd’hui, il est seul, dans son lit. Seul, dans sa vie.

L’homme qui n’a pas de nom est devenu une femme. Un homme, bêtement. Tout simplement. Un être humain. Un anti-héros. Les noms, les prénoms, il les a tous conjugués et figurés, susurrés et criés. Il n’ose plus le murmurer. Son prénom. Le sien. Qu’aucune main n’écrit. Alors il l’a éteint. Il est toi il est moi il glisse sans fin sur le bord du lavabo. En oubliant son nom mort. Qui lui rappelle trop. De souvenirs. Brûlés à la pointe d’un cœur acéré.

Exaspéré il s’accroche aux tourbillons pour ne pas tomber. Pourtant la terre sous ses pieds le fuit. Se dérobe. Il s’effondre. Il murmure.
Entre ses dents.
Entre sa moustache.

Un gouffre, une eau. La jolie goutte qu’il ne connaît pas et qui réveille soudain les ors du territoire de sa joue. Les cheveux plongent, les mains tombent et les pluies de la salle de bains éclaboussent le visage perdu dans ce trou sans pain - sans fin.

Redresser la nuque.

Regarder son visage dans un miroir fané. L’oser. Il accroche ses ongles, bouts de fer, et l’émail crisse. Il glisse. Les doigts plissés. La main coule sous l’eau courante, la rivière court sans s’écouler, le petit lac forme un tourbillon dans la vasque plate qui a oublié de former des vagues. Sa bague enfouie au fond de l’émail va et vient jusqu’à sa joue d’ours à faire tomber les poils d’une barbe invisible. Rêche en paillasson du matin. Un grattoir. A n’adoucir pour personne. Pour quelqu’un. Peut-être. Qui n’est plus. Là. Pour l’absence il se fait beau, avec la force du désespoir et l’instinct de survie, il se force et garde ces habitudes qui font des hommes des êtres civilisés.

Lisse et calme, la peau, débarrassée de cette couche noire s’entraîne au sourire de la boulangère, ce faux air du monsieur qui va bien. Oui, oui, il fait beau aujourd’hui. Ce faux air du monsieur malheureux. Cet air vrai du monsieur qui s’efforce à trouver de la rancœur dans un coin de ciel bleu. Ah mais j’ai peur que cela ne dure guère. Hum. Le pain dans la main la peau de l’homme s’est rembrunie. Ses pieds ont remonté les marches. De l’escalier. Des étages à traverser. Des montées à marcher, marches à monter. Des étages à gravir.
Mais ce matin. Ce matin sans bruit et sans pluie a déposé dans la boîte de l’homme un morceau griffonné. Un papier blanc cassé, décoré de lettres noires comme la barbe qu’il a rasée. Dans la main de l’homme un bout de lettre est enfermé.

Sans hâte il s’est précipité. Sans précipitation il s’est hâté. A cœur mort, jambes pressées.

Qui peut bien écrire à cet homme qui ne lit plus rien depuis des années ? Quel est ce mot en noir et blanc cassé ? Qui ? Quoi ? Pourquoi ?

Elle ? Peut-être...Pourquoi ?

Non, la dernière fois qu’il a reçu un courrier qui dissimulait autre chose qu’une facture, il s’agissait de la demande de divorce. Qui date. Il avait oublié que le facteur pouvait déposer dans la boîte une lettre. Une vraie. Du papier qui lui était destiné.

Non, ce ne peut pas être elle. Il ne sait même pas si.
Elle vit encore.

Sans hâte il s’est précipité. Sans précipitation il s’est hâté. A cœur mort, jambes pressées.
2. Là
L’homme n’est pas un de ces vieillards à la mode qui manient le téléphone aussi sûrement qu’un revolver. La technologie portable n’a pas plus de secrets pour eux que pour leurs cadets. Non. L’homme n’est pas un de ces vieux hommes qui mâchent du plastique, du chewing-gum. Le seul nom de cette « denrée » le rend perplexe. Presque fou. Comment prononcer un nom imprononçable ? Du chinois.

Non. L’homme est un vieil être sans fin ni commencement. L’homme est un vieux monsieur fatigué qui s’est mis à mâcher ses joues, faute de chewing-gum justement. Et la chique coûte trop cher.

Un vieux monsieur qui ne regarde plus par la fenêtre. Dans un demi sommeil tout le jour il rêve éveillé la nuit et lui offre ses souvenirs. Des

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