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Quand le diable a revêtu l'habit , livre ebook

238

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Français

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2024

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"Autrefois, il était impossible de parler, aujourd’hui, il n’est plus possible de se taire. Ces récits de victimes de violences sexuelles, infligées par des religieux de l’Église catholique, le disent avec force et douleur, chacun à sa manière. Me too, moi aussi… Il faut les lire, se préparer à l’effet de choc comme à l’effet de miroir qu’ils suscitent, le singulier, on le voit, rencontrant l’universel. Il faut être hospitalier à ces itinéraires de souffrances protéiformes qui ont pris le visage de la violence, de la manipulation, de l’emprise, de la sidération traumatique avec, chaque fois, la collision-collusion du sexuel et du sacré : comme la toge, la blouse ou la robe symbolisent d’autres pouvoirs, ces clercs pédocriminels portent l’habit de l’autorité morale et spirituelle, censé rappeler l’importance de leur charge et de leur responsabilité. Pour les victimes, il n’évoque plus que souillure et dégoût. Le diable a revêtu l’habit… Les témoins de ce recueil disent leur volonté de sortir du long silence, du déni mortifère. L’écriture aura-t-elle eu une fonction libératrice, restauratrice, réparatrice ? Forme profane de l’exorcisme ? À vous de lire, d’y réfléchir et d’agir…"
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Publié par

Date de parution

23 mai 2024

EAN13

9782384091584

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Michèle Faÿ et Claire Horeau (dir.)
Quand le diable a revêtu l’habit
Récits de victimes de violences sexuelles dans l’Église catholique
KARTHALA
Quand le diable a revêtu l’habit
Récits de victimes de violences sexuelles
dans l’Église catholique
Autrefois, il était impossible de parler, aujourd’hui, il n’est plus possible de se taire.
Ces récits de victimes de violences sexuelles, infligées par des religieux de l’Église catholique, le disent avec force et douleur, chacun à sa manière.Me too, moi aussi…
Il faut les lire, se préparer à l’effet de choc comme à l’effet de miroir qu’ils suscitent, le singulier, on le voit, rencontrant l’universel.
Il faut être hospitalier à ces itinéraires de souffrances protéiformes qui ont pris le visage de la violence, de la manipulation, de l’emprise, de la sidération traumatique avec, chaque fois, la collisioncollusion du sexuel et du sacré : comme la toge, la blouse ou la robe symbolisent d’autres pouvoirs, ces clercs pédocriminels portent l’habit de l’autorité morale et spirituelle, censé rappeler l’importance de leur charge et de leur responsabilité. Pour les victimes, il n’évoque plus que souillure et dégoût. Le diable a revêtu l’habit… Les témoins de ce recueil disent leur volonté de sortir du long silence, du déni mortifère.
L’écriture auratelle eu une fonction libératrice, restaura trice, réparatrice ? Forme profane de l’exorcisme ? À vous de lire, d’y réfléchir et d’agir…
Michèle Faÿ, critique littéraire, et Claire Horeau, magistrat honoraire.
Michèle Faÿ et Claire Horeau (dir.)
Quand le diable a revêtu l’habit
Récits de victimes de violences sexuelles dans l’Église catholique
Ouvrage publié avec le concours de la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR)
© Éditions Karthala, 2024 22-24, boulevard Arago – 75013 Paris www.karthala.com
ISBN : 978-2-38409-158-4 (première édition papier, 2024)
Couverture : © Dessin original de Léa Alméras Conception graphique : Bärbel Müllbacher
Préface
Lorsque la Commission indépendante sur les abus sexuels 1 dans l’Église (CIASEété mise en place en 2019, elle a) a entrepris, par un appel à témoignages, de recueillir la parole des victimes. Des milliers lui sont parvenus. De ce matériau considérable et riche, laCIASEa choisi de publier, en annexe de son rapport, quelques-uns de ces textes « pour partager avec les femmes et les hommes, qui dans l’Église catholique et en dehors, veulent prendre la mesure du désastre qui s’est produit, de ses causes, de ses effets, afin que tout soit mis en œuvre pour que de pareils événements ne puissent plus 2 se reproduire ». S’appuyant sur les retours des personnes ayant vu leur témoignage publié et partant d’une intuition que l’écriture pouvait participer de la revalorisation de soi, la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) a soumis aux victimes qui le souhaitaient la possibilité de les aider à faire, à nouveau 3 ou de nouveau, le récit de ce qui leur était arrivé . Onze d’entre
1. Le 5 octobre 2021, après deux ans et demi de travaux, le Rapport de Jean-Marc Sauvé, qui présidait laCIASE, était remis aux instances qui le lui avaient com-mandé, la Conférence des évêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses en France (CORREF). À la suite de quoi, dès le mois suivant, deux commissions de réparation ont été mises en place et plus de 2 000 victimes se sont manifestées : la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) créée par laCORREFaccompagne les victimes de violences sexuelles dans les congrégations catholiques, l’INIRR(Instance nationale indépendante de reconnaissance et répa-ration) recevant les victimes de prêtres ou laïcs dans les diocèses, établissements ou mouvements de jeunesse catholiques. 2.De victimes à témoins, ouvrage accompagnant le rapport d’octobre 2021 de la CIASE. Préface de Jean-Marc Sauvé. 3. LaCRRpropose aux victimes et aux institutions religieuses une réparation Inan-cière, mais aussi d’autres formes de réparation comme le geste symbolique de reconnaissance par la congrégation religieuse concernée.
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Quand le diable a revêtu l’habit
elles ont répondu positivement. Sollicitées par laCRR, lesdeux signataires de cette préface ont accepté d’échanger avec elles par mail ou zoom, ou de les rencontrer, de relire leurs textes, de les alléger ici et là, d’en corriger telle ou telle expres-sion sans jamais rien ajouter ni censurer, puis de les colliger dans une perspective éditoriale. La localisation des faits et l’identité des prédateurs etprédatrice sont la plupart du temps anonymisées car le but n’est pas de dénoncer des personnes mais de mettre en lumière le caractère répétitif et systémique des agressions. Les textes sont signés uniquement du prénom du témoin ou d’un pseudo-nyme librement choisi. Nous avons eu à cœur d’intervenir le moins possible pour que soient mis en lumière le stigmate, le tempo de chaque texte, son authenticité et sa singularité. Il y a cependant une constante qui les affecte tous car tous disent la dynamique existentielle entravée, voire brisée à vie, les séquelles profondes et le courage dont ils ont dû faire preuve pour écrire. Ces histoires couvrent un large spectre, de l’enfance à l’âge adulte. Quant aux agresseurs, majoritaire-ment masculins, ils appartiennent aux grands ordres religieux qui composent le catholicisme, dominicain(e)s, franciscains, jésuites, bénédictins, maristes, salésiens, rédemptoristes, frères des écoles chrétiennes, ou relèvent d’instituts comme les Missions étrangères de Paris… Il en résulte des textes de style varié, réaliste, poétique, analytique, et de longueur inégale. Chaque récit a été pour son auteur, son autrice, une marche, un pas pour redevenir acteur, actrice de sa vie, pour tenter de se libérer, tant soit peu, de ses démons intérieurs et de témoigner pour les autres.
Transformer un événement subi : redevenir acteur de sa vie
Les victimes insistent toutes sur le fait qu’elles ontsubiles abus, qu’elles ont été, à un moment donné, la proie idéale, vulnérable à cause d’un éventuel dysfonctionnement familial,
Préface
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vouée à pâtir de cette collusion-collision funeste du sacré et du sexuel. Aussi, le renversement de l’état passif à l’acte créatif opéré par le récit des agressions et de la manière dont elles essayent d’en surmonter le traumatisme est-il important pour sortir de cette passivité. Raconter l’histoire de sa vie, c’est une manière de l’hu-maniser. C’est d’abord sortir de l’enfouissement, de l’oubli qui ont fonctionné si longtemps, car l’amnésie traumatique dissociative qui en a affecté plusieurs a pris parfois une vie entière avant d’être reconnue comme telle. C’est surmonterla difficulté d’interpréter ce qui s’est passé, d’avoir vécu un choc dont on n’arrive pas à faire un événement élucidé, d’identifier la cause des crises d’angoisse, des phobies, des comportements compulsifs qui gâchent encore leur quotidien. Car être seulement victime ne permet pas d’accéder à ceil était une foisdu récit, comme s’il y avait seulement un commencement suspendu qui contamine tout le temps, qui l’obstrue, un commencement qui ne prospère plus, qui refuse de s’éloigner pour laisser place à autre chose, à un après. Le récit, le décryptage de ce qui est survenu, l’intrigue, permettent le dé-nouement qui n’existe pas dans le vécu du trauma et la reprise d’une activité, justement bloquée par le trauma. Dans sa fonction d’instance d’interlocution, d’inter-pellation, l’écriture a été un cadre qui soutient, qui favorise cette rencontre de soi à soi, comme un antidote à l’emprise. 4 Elle a permis de mettre des mots sur des maux ou, comme l’appelait de ses vœux Hannah Arendt,d’inaugurer,quand on est face au péril ou au désespoir, quelque chose de neuf, de prendre l’initiative… Les récits de ce recueil montrent en effet que, malgré les épreuves, toutes ces personnes ont été capables, à leur manière, par leurs initiatives, de faire surgir et d’accompagner de nouveaux possibles.
4.Le titreMots pour mauxest celui d’un recueil collectif de dix-huit nouvelles, paru en 2008.
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Quand le diable a revêtu l’habit
Sortir du silence mortifère
Certaines victimes ont exprimé le fait que le récit écrit de ce qui leur était arrivé et des profondes séquelles laissées constituait un travail âpre, onéreux, de longue haleine. Elles craignaient de ne pas en être capables. L’expérience leur a prouvé le contraire. Le secret, jadis imposé par leurs prédateurs, les avait installées dans un silence mortifère qui maintenait comme active la sidération passée. Mais aujourd’hui, rester dans le silence est devenu trop éprouvant. Pour ces personnes, la souffrance liée aux abus tient pour une grande part à ce fait d’avoir dû se taire pendant des années. S’être tu(e) par honte de l’outrage subi et qu’on n’a pas su, pas pu empêcher ; s’être tu(e) par peur de ne pas être cru(e) ; s’être tu(e) sous l’effet de ce syndrome bien identi-fié de l’amnésie traumatique ; s’être tu(e) par incapacité de formuler sa détresse, son mal-être à qui que ce soit. À leur propre empêchement d’être, s’est ajoutée l’incompréhension de l’entourage, parents et amis, devant des comportements qui auraient dû les alerter (conduites à risques, tentatives suicidaires,dégoûtdesoi,anorexie,etc.).Le récit écrit de leur drame est une manière de revalo-riser leur destin à leurs propres yeux, de se réconcilier avec elles-mêmes, surtout lorsque la honte de soi les a envahies si longtemps. Il faut donc apprécier l’audace déployée car le récit fait remonter des souvenirs terribles dont elles réalisent alors, non sans effroi, qu’ils n’ont cessé de les poursuivre. Les sentiments peuvent parfois être aussi vifs qu’au tempsde l’agression, des décennies plus tard. Avoir sous les yeux le récit de l’abus subi donne à la personne la conscience de l’existence, de la réalité de celui-ci, alors qu’elle a parfois l’impression de l’avoir ruminé en son for intérieur comme une hallucination. Un des participants a même pu exprimer sa crainte que les mots écrits n’aillentsouillerde leur igno-minie ceux qui les liraient. Mais le récit par l’écriture fait
Préface
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aussi lever l’espoir d’affronter ce qui continue de voushanter… et de vaincre !
Témoigner pour faire front
Grâce à l’échange de leurs expériences,plusieurs victimes expriment le souhait qu’à la lecture de leur témoignage, d’autres victimes de ce type de violence et d’emprise compren-nent mieux ce qui leur est arrivé et puissent aussi surmonter leur traumatisme. Sortir de l’isolement dans lequel elles se sont senties enfermées pendant toutes ces années et créer un lien d’humanité entre elles leur apparaît un réconfort de taille. Leur épreuve dominée doit être utile aux autres, cela donne un sens rétrospectif à la douleur. Et l’effet-miroirde ces récits permettra à certains de retrouver la trace deleur propre drame ou celui de connaissances. Avec ces expériences terribles, la confiance des victimes dans l’institution est totalement perdue, le sentiment de tra-hison immense. Rares sont celles qui souhaitent « retrouver le chemin de l’Église ». Pour la plupart, le fait d’avoir dû s’en éloigner, soit volontairement, soit parce qu’elles se sontsenties stigmatisées, exclues de leur paroisse ou de leur communauté,avaitbiensouventaccruleursouffrance.Maisleur vie spirituelle s’est maintenue, leur foi, elle, a rarement été atteinte. La réparation de leur drame passe par la reconnaissance de cette Église qui s’est toujours plus préoccupée de son image qu’elle n’a protégé ses victimes, et par les moyens qu’elle va se donner pour accueillir et prendre soin de toutes celleset de tous ceux dont la vie a été broyée en raison des compor-tements criminels de certains de ses membres. Ces récits pourront apparaître violents ou scandaleux, leur narration des faits trop détaillée ou insuffisamment qualifiée.Lelecteurdevracomprendrequilssontàlahau-teur des violences subies par les victimes et qu’ils n’ont pas toujours dehappy endcar les blessures subsistent, les corps,
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Quand le diable a revêtu l’habit
les esprits, les vies sociales restent marqués. Espérons qu’ils ont été pour les auteurs un cheminement créateur, où la sérénité, jamais définitivement acquise, a rendu néanmoins « possible de goûter à la beauté de l’existence sans être entravé par les chaînes du passé »ainsi que l’exprime un des témoins de ce recueil.
Michèle Faÿ et Claire Horeau
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