Revanche de femme
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Revanche de femme , livre ebook

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Description

Extrait : "Ce que Lyon a de plus beau, ce n'est, en dépit de l'opinion courante, ni la double ligne de ses quais ombragés, ni ses rues monumentales qui lui donnent un faux air de capitale, ni ses deux fleuves qui font payer aux Lyonnais leur voisinage imposant en tributs d'angines et de rhumatismes éclos de leurs brouillards compactes, c'est sa banlieue. Cette assertion révoltera sans doute les Lyonnais épris de leur ville, patriotes de clocher jusqu'au fanatisme."

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Nombre de lectures 34
EAN13 9782335040463
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335040463

 
©Ligaran 2015

Ce que Lyon a de plus beau, ce n’est, en dépit de l’opinion courante, ni la double ligne de ses quais ombragés, ni ses rues monumentales qui lui donnent un faux air de capitale, ni ses deux fleuves qui font payer aux Lyonnais leur voisinage imposant en tributs d’angines et de rhumatismes éclos de leurs brouillards compactes, c’est sa banlieue. Cette assertion révoltera sans doute les Lyonnais épris de leur ville, patriotes de clocher jusqu’au fanatisme. Lyon, en effet, est plein d’honnêtes gens, de gens instruits, intelligents même parfois, qui poussent jusqu’au culte, jusqu’à la dévotion l’amour de leur vieille cité. D’autres villes sont plus illustres, plus pittoresques ou plus gaies que Lyon ; nulle n’est plus aimée. Ce n’est pas comme l’on aime généralement sa patrie que les indigènes des Terreaux, des Brotteaux et de Perrache chérissent leur ville ; ils ont pour elle la faiblesse d’un amant pour sa maîtresse ; ils admirent tout d’elle, surtout ses imperfections ; ils la possèdent à tous les temps du verbe, car Lyon est peuplé de savants, d’archéologues qui passent leur vie à compulser des parchemins, à déchiffrer des inscriptions, à collectionner des médailles pour s’enquérir du passé de Lyon, des hommes célèbres qui l’ont embelli ou seulement visité, et je craindrais de faire sourire aux dépens de gens que j’estime en révélant l’avenir qu’ils rêvent pour leur patrie.
Paris n’a qu’à se bien tenir s’il veut conserver le privilège qu’un aveugle hasard lui a donné sur les autres villes de France. Il montre bien sa pénurie en quêtant de ci, de là, un canal, une rivière, quelques gouttes d’eau enfin pour suppléer à sa petite Seine, ce méchant ruisseau presque sec, et en appelant à lui des ressources des quatre coins du globe, tant il lui est impossible de se suffire. Lyon est plus riche ; Lyon se suffit, matériellement et intellectuellement parlant.

Tandis que les Revues parisiennes traitent des sujets les plus divers, tandis que leurs directeurs se plaignent du peu de variété des matières que leur amassent cent collaborateurs tournés chacun vers un horizon différent, Lyon a sa Revue, fort bien écrite du reste, mais dont le programme suivi religieusement depuis trente ans, se circonscrit dans le territoire du Lyonnais. Et chose qui surprendra ! après ce long temps de publication, elle trouve toujours quelque chose à dire sur un sujet qu’on croirait épuisé. Dans trente ans, et au-delà, cette Revue, à laquelle je souhaite heureuse vie, et qui d’ailleurs est fort valide, célébrera encore les grandeurs passées, présentes et futures de Lyon, tant il est vrai qu’on n’a jamais tout dit sur n’importe quel sujet.
D’après cet aperçu des idées régnantes à Lyon, il est aisé de juger du peu de faveur qu’y obtiendrait la préférence accordée aux paysages qui l’environnent sur ses monuments et ses agréments personnels. Mais les étrangers, gens sans passion, et par conséquent remplis d’impartialité, préfèrent au désert sablonneux de Belle cour, à son parc sans ombre, à sa Bourse écrasée, la belle vallée d’Oullins, Ecully et ses villas charmantes, Collonges, l’île Barbe, et avant même tous ces sites gracieux, le coteau de Sainte-Foy que Jean-Jacques décrit dans ; un admirable passage de ses Confessions, et où il passa une nuit, couché au bord d’un sentier, et s’endormant au chant du rossignol.
Deux jeunes femmes qui se promenaient, par une belle journée de septembre 1867, dans ; le parc d’une villa située au-dessus de ce sentier de Sainte-Foy, immortalisé par le souvenir de Rousseau, causaient précisément du contraste, visible pour elles qui dominaient la ville, de sa laideur, de son aspect maussade, avec la beauté mouvementée du coteau qui déployait autour d’elles ses plis verdoyants.
« Suzanne, dit la plus jeune des deux femmes en s’accoudant à une terrasse de pierre sculptée qui surplombait hardiment un précipice de cent pieds, mais un précipice fleuri et riant, je me réconcilie avec votre Lyon enfumé. Il m’a déplu quand je l’ai visité hier ; les ruelles de la Croix Rousse m’ont serré le cœur ; et, sans reproche, les églises sont bien pauvres et peu soignées pour appartenir à la ville la plus catholique de France. Eh bien ! d’ici, mon impression est différente ; maintenant que cet amas de murs gris et noirs prend des reflets de cuivre et flambe sous le soleil couchant, je le trouve presque beau.
– Tu peux tirer de ces différentes appréciations une conclusion aussi juste que philosophique, ma chère Allemande, et je m’étonne que tu ne l’aies pas déjà trouvée.
– Quelle conclusion, amie ?
– C’est, petite Lina, que si l’on veut admirer n’importe quoi, il faut le regarder de loin.
– Ma tante est méchante aujourd’hui ; elle a de l’esprit à la française, répondit la jeune fille en faisant une moue qui allongea ses jolies lèvres roses et contracta ses sourcils châtains, doucement arqués au repos.
– Ne décompose pas ta figure à chaque instant, Lina, dit la tante avec gravité. Pendant que nous vivions eu famille, je t’ai laissée te livrer à ta vivacité, et j’aimais à voir se traduire tous tes sentiments sur ta gentille physionomie ; mais songe que tu vas être présentée tout à l’heure à trente personnes, et souviens-toi qu’en France, le beau idéal du maintien pour une jeune fille consiste dans un certain calme modeste dont elle ne doit jamais se départir. »
Par une malice que ses dix-huit ans rendaient excusable, Lina fit subir à ses traits trois ou quatre brusques transformations pendant qu’elle écoutait la petite leçon de sa tante ; elle fut tour à tour attentive, étonnée, perplexe, puis bouleversée par le conseil sous forme d’aphorisme qui la termina.
« Un certain calme modeste ! dit-elle enfin en riant de ce franc rire de l’adolescence qui est comme un chant de jeunesse et de bonheur, et de quels éléments se compose-t-il, ce certain calme  ? Un tiers de stupidité, un tiers de dissimulation et un tiers de respect pour la grimace convenue et consacrée, voilà son analyse exacte. Mon amie Suzanne se moque de ma simplicité allemande. Oui, oui, dit-elle, à un geste de dénégation de sa tante, je lis dans vos livres à toute page : « La naïveté allemande, la rêverie allemande. » Et vous abusez des avantages que vous donne sur nous votre talent de bien dire. Si vous ne railliez pas, prendriez-vous ce ton de pédagogue qui sied si mal à votre charmante figure ?
– Tu crois t’en tirer par des compliments, petite rusée, dit la jeune femme en arrangeant les plis de sa robe blanche que Lina avait chiffonnés en l’embrassant, mais je ne te tiens pas quitte à si bon compte. Ceci est sérieux, mon enfant. Je te le répète, nous ne sommes plus en Allemagne, dans ce pays de la bonne foi où chacun peut être soi-même et gagne à rester une personnalité ; nous sommes en France, et en France, une femme, et à plus forte raison une jeune ; fille, ne peut se permettre de montrer trop vivement son caractère et ses impressions. On t’étudiera ce soir ; je n’ose dire : on t’espionnera, et pourtant ce mot ne serait peut-être pas trop fort ; mon retour éveille la curiosité ; on cherchera à deviner pourquoi et comment je t’ai amenée ici. Le monde juge du premier coup, et si tu veux lui plaire, il faut suivre le programme que je t’ai tracé.
– Suzanne, vos avis vont me, rendre timide et plus embarrassée qu’un enfant de dix ans. Je ne vais savoir ni parler, ni marcher, ni même respirer devant vos Lyonnais. Ah ! ce n’est plus là ma bonne Allemagne !
– Regrettes-tu de l’avoir quittée ? lui demanda la jeune femme avec émotion.
– Non, puisque je suis avec vous ; mais si tout ce monde est malveillant, mérite-t-il qu’on lui fasse le sacrifice de sa franchise ? S’il faut achetés ses faveurs si cher, comment pouvez-vous l’aimer, Suzanne, et que sommes-nous venues faire ici ?
– Oui répéta la jeune femme avec mélancolie, que sommes-nous venues faire ici ?… et elle se rejeta sur un banc rustique et tomba dans une rêverie si triste que Lina n’osa pas l’en distraire. Un groupe d’invités, qui parut au bout de la grande allée de platanes, fit sortir Lina de sa réserve :
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