A jeudi mes amours
189 pages
Français

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A jeudi mes amours , livre ebook

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Description

Véra, jeune vétérinaire, mène une existence paisible jusqu’au jour où son mari et son fils de quatre ans disparaissent dans un tragique accident de la route. Terrassée par la douleur, elle devra pourtant affronter d’autres épreuves. De Saintes à La Rochelle, en passant par Marrakech, de mensonges en trahison, parviendra-t-elle à se reconstruire ?

Informations

Publié par
Date de parution 28 novembre 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312028576
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À jeudi mes amours

Véronique Massa
À jeudi mes amours




















LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-312-02857-6
1
Véra se sentait lourde, engourdie. Elle avait du mal à respirer. Une masse diffuse comprimait sa poitrine tandis qu’une autre, plus sournoise, envahissait les moindres recoins de son cerveau.
« Où suis-je ? »
Son regard glissa sur les murs muets de cette pièce impersonnelle. Le flot de questions qui l’assaillit fut interrompu par l’entrée d’une femme en blouse blanche.
« Une infirmière. Je suis dans un hôpital ! »
L’infirmière lui sourit chaleureusement, comme si elles se connaissaient. Elle s’approcha du lit, menue, le visage mutin, les cheveux bruns fins et soyeux coupés au carré et sagement plaqués derrière ses oreilles ornées de deux minuscules diamants. Tout semblait fragile et docile chez cette jeune femme. Elle prit la main de Véra. Sa compassion était palpable.
Comment vous sentez-vous Madame Darlan ?
Ces quelques mots prononcés d’une voix douce la glacèrent. Soudain, tout lui revint en mémoire. Tout. Dans l’horreur la plus absolue. Caroline, le visage défiguré par l’angoisse, le chien sur la table d’opération, le téléphone, la voix de l’homme, l’insupportable silence puis le cri qui la déchira, les bras qui la retinrent, le point de non retour, la fin.
C’était le matin même. Un matin ordinaire d’une belle vie qui allait s’arrêter net. Véra n’avait pas réellement conscience de son bonheur.
« Combien de matins ai-je ainsi perdus sans savoir qu’ils étaient savoureux ? »
Comme d’habitude, elle s’était rendue au cabinet. Comme d’habitude, elle avait embrassé Paul et ils avaient pris un café avec Caroline qui égrenait le programme de la journée, entre deux gorgées du chaud breuvage. Véra et Paul commençaient par une mastectomie sur Belle, une superbe femelle briard qu’ils suivaient depuis des années, puis ils enchaînaient sur leurs consultations respectives.
Paul enfilait ses gants lorsque Caroline entra brusquement, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Véra l’observa, debout près de la porte, le téléphone dans la main, le teint blême, la bouche entrouverte sur des mots qui ne sortaient pas. Caroline la regardait, effrayée. Véra comprit que c’était grave, très grave et que, l’instant d’après, plus rien ne serait comme avant. Elle lisait tout cela dans le regard terrifié de Caroline. Les quelques pas qui la séparaient de ce téléphone étaient ses derniers pas. En une fraction de seconde, elle l’a su, inéluctablement.
Puis Caroline s’était avancée vers elle en lui tendant le téléphone.
« Allo » avait dit une voix masculine. « Madame Darlan ?… accident… courageuse… »
Son sang quitta lentement ses veines, emportant avec lui cette chaleur si habituelle qu’elle avait finit par l’ignorer. Elle se souvint du cri, de ce cri douloureux venu de ses entrailles. Il l’avait pliée en deux, avait irradié son cœur, brûlé sa gorge, explosé dans sa tête pour s’échapper enfin de cet enfer qu’était devenu son corps. Il résonnait encore en elle, il l’habitait.
Paul l’avait soutenue et ils étaient partis à l’hôpital.
Véra pensait qu’ils étaient morts. L’homme au téléphone ne lui avait pas dit, donc ils étaient morts.
« Non, ils sont vivants, gravement blessés, dans le coma, infirmes, mais vivants. Oui, ils sont vivants, comment peut-il en être autrement ? »
Assise dans la voiture à côté de Paul, elle regardait les rues qui défilaient, la pluie qui pleurait sur les murs, les gens qui se hâtaient vers un lieu abrité. Elle remarqua tous ces détails qui n’avaient aucune importance et, pourtant, elle en eut une perception aigüe. Chaque image restera gravée à tout jamais dans sa mémoire.
Ils arrivèrent à l’hôpital. Paul parla à quelqu’un puis entraîna son amie dans un dédale de couloirs et d’ascenseurs. Soudain, au bout d’une allée, ils virent un médecin. Véra sut que c’était le médecin car il la regardait, comme Caroline tout à l’heure.
« S’il est là, c’est qu’il n’opère pas. S’il n’opère pas, c’est qu’il n’y a plus rien à faire. Ils sont morts. Non, justement, il est là pour me rassurer. »
Toujours soutenue par Paul, elle s’approcha fébrilement de lui en fixant ses yeux, y cherchant désespérément un signe de réconfort. Mais rien ne transparaissait sur le visage de ce médecin aguerri. Elle était tout près de lui mais il ne lui avait encore rien dit.
« Donc ils sont morts. S’ils étaient vivants, il se serait empressé de me parler. Il serait venu à ma rencontre pour abréger mon intolérable souffrance. »
Le médecin prit une longue respiration et posa délicatement ses mains sur les épaules de Véra. « Terrible accident… plus rien à faire… courageuse … »
Elle sombra.
Plusieurs heures plus tard, allongée sur ce lit d’hôpital, elle était de nouveau consciente de cette horreur insupportable qu’elle devait néanmoins supporter. Seule une piqûre mit fin à la panique qui s’empara d’elle.
Le réveil suivant fut le même. Plusieurs jours s’écoulèrent, rythmés par la folie et le sommeil artificiel. Au cinquième jour de ce supplice, la folie s’était tue, étouffée par les substances chimiques savamment dosées et injectées dans ses veines.
Véra n’avait plus de forces. Elle revivait son calvaire sans être en mesure de réagir. Elle savait seulement qu’elle ne pourrait pas supporter leur absence.
Une infirmière entra dans sa chambre. Grande et charpentée, les cheveux châtains coupés très courts autour d’un visage anguleux illuminé par un radieux sourire.
Bonjour Madame Darlan. Je m’appelle Annie. Je suis contente de vous voir plus calme. Ça va aller maintenant, dit-elle en notant quelque chose sur la plaque accrochée au pied du lit.
« Quel jour sommes-nous ? demanda Véra.
– Vendredi.
– Vendredi de quand ?
– Vendredi sept novembre. Vous êtes là depuis lundi. Le docteur Saurel va venir vous voir. Avez-vous besoin de quelque chose ?
– Où sont-ils ? Je veux les voir, je…
– Ne vous agitez pas, Madame Darlan. Le docteur va vous expliquer, il arrive. »
Elle s’éclipsa, laissant entrer un homme de taille moyenne flottant dans sa blouse blanche. Véra reconnut le médecin qu’elle avait vu lors de son arrivée à l’hôpital. Elle se souvint de lui, de son visage impassible, du mouvement de ses lèvres, de ses mots qui l’avait condamnée. Son teint mat contrastait avec une épaisse chevelure blanche. De multiples rides couraient sur son front tandis que d’autres, plus profondes, avaient creusé leurs sillons autour d’une bouche large aux lèvres pâles. Seuls deux grands yeux noirs semblaient épargnés par les ravages du temps.
Il se pencha vers elle et posa sa main chaude et douce sur la sienne. Véra était froide, glacée. Ils se regardèrent longuement puis le médecin baissa les yeux. Elle sut qu’il allait parler, que ses lèvres allaient dessiner la mort de nouveau.
« Je n’ai rien pu faire pour eux. C’était trop tard. Le choc de l’accident a été tel qu’ils sont morts sur le coup. Je pense qu’ils n’ont pas eu le temps de se rendre compte, pas eu le temps de souffrir. Cela doit vous aider, Madame Darlan. Vous devez survivre à cela. Vous devez trouver la force et nous vous y aiderons, dit-il en caressant sa main.
– Je veux les voir.
– Ce n’est pas possible, cela fait cinq jours maintenant…
– Si, je veux les voir.
– Ce n’était pas possible Madame Darlan, vous n’étiez pas en état. Vous nous avez fait très peur…
– Mais où sont-ils ?
– Vos beaux-parents se sont occupé de tout. Ils sont là, ils vont vous expliquer. Ils sont venus chaque jour, ils sont très courageux. »
L’horreur était à son comble : Tom et Philippe étaient morts et elle ne l’avait pas su. Ou plutôt si, elle l’avait su, mais elle n’avait rien fait. Elle n’avait pas été là, ne les avait pas revus. Elle ne leur avait même pas dit Adieu !
« À

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