Bibi et Orbi
216 pages
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Bibi et Orbi , livre ebook

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Description

Comment une simple apparition televisuelle va bouleverser la vie trop bien réglée et sans surprise d'un employé de mairie aux ambitions plus que modestes ....

Informations

Publié par
Date de parution 02 mai 2013
Nombre de lectures 4
EAN13 9782312010182
Langue Français

Extrait

Bibi et Orbi

James Senlys
Bibi et Orbi















LES ÉDITIONS DU NET 22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01018-2
Chapitre I – « Au travail »
Mon nom est Philippe Mavignier, j’aurai pu m’appeler Mamadou Mangin, mais ce n’est pas le cas. Je travaille dans cette mairie depuis dix ans comme employé. Un boulot pénard qui me permet de rêver et de m’imaginer dans un rôle de héros. À quarante-cinq balais j’ai toujours cette même ambition, ne jamais trop m’investir par peur d’une promotion. Ce fonctionnariat communal est en adéquation avec mon envergure existentielle.
Quinze années de mariage ne m’ont pas abattu ; un enfant pour assurer la relève, une femme coiffeuse que j’aime toujours et qui me trouve du génie ; un break Peugeot gris métallisé avec lecteur CD, un chien complètement abruti et une belle-mère qui l’adore.
Mon physique est tout aussi stupéfiant ; cheveux bruns coupés très court abondamment gominés, 1m80, bedaine de sportif en canapé, regard sombre et absent, déjà de l’autre côté… démarche fatiguée mais souple, moue dubitative même quand le ciel s’éclaircit.
Je vous captive non ?
Nous sommes vendredi ; Fred, mon collègue de bureau, me pose la traditionnelle question.

– Qu’est-ce que tu fais ce week-end ?
– Je rentre chez moi, ma femme fait la morue.

Comme vous pouvez le constater, je titille la blagounette qui conjure l’absurdité d’un monde sans pitié pour les conquérants de l’impossible. Fred, à mon image, consacre sa vie à attendre, attendre le lendemain, avec pour seule curiosité la vérification d’un lourd recommencement. La cinquantaine bien sonnée, célibataire sans enfant, il présente l’avantage de l’humeur égale et n’enfreint jamais les limites de la sphère privée. C’est un bon gros de petite taille, hypersensible et très intuitif. Pour vous donner un exemple de cette dernière qualité, j’évoquerai simplement le jour, où, sans même m’avoir questionné, il a su que j’avais égaré mon agrafeuse.
Nos bureaux se font face et nos regards se croisent souvent dans une communion fraternelle de damnés administratifs. Comme chaque fin de semaine nous nous attelons au ménage succin de notre espace de « travail » d’environ 20 m², avec les moyens du bord (restrictions budgétaires obligent), un balai de crin, une pelle et une bombe aérosol anti-poussière. Remarquez, tout autre ustensile nous paraitrait équivoque, à chacun son job. L’opération effectuée, il nous reste une demi-heure à trucider. Fred sort ses mots croisés et moi ma Winchester, non, je plaisante, mon jeu d’échec électronique. La porte perpétuellement ouverte dispense la mairesse d’y cogner ses petites phalanges pour s’annoncer.
Élégante quarantenaire au nez retroussé comme une trompette à l’envers, donc qui n’a pas grand chose à voir avec cet instrument, elle impose naturellement le respect par sa prestance et son regard perçant.
N’importe quel rond-de-cuir surpris en train de coincer la bulle par son chef de service deviendrait rouge de confusion et s’empresserait de faire disparaître sous le bureau ses jeux favoris dans la panique. Nous, non. Parce que Mireille FONTENOY nous a à la bonne d’une part, et que les vrais cancres ont pour flambeau leur inertie revendicative. Nous nous levons d’un même élan spontané et saluons courtoisement notre édile magnanime.

– Restez assis, restez assis, je vous en prie .

Elle empoigne une chaise époque maison de retraite années 60, s’assoit, croise ses magnifiques cuisses bien fermes montées sur des jambes à perte de vue, et sort de son sac en paille un dossier rouge. Cet accessoire ne m’intrigue pas plus que ça, pour tout vous dire je m’en tape les couilles, trop occupé à imaginer ma main se frayant un passage vers le jardin des délices ; sous sa jupe noire…
Fred, dont la libido se résume à de vagues rêveries avec la boulangère du quartier, demeure impassible. Mireille Fontenoy détache la sangle du redoutable dossier cartonné et nous expose d’une diction préfectorale sa stratégie pour laminer nos ennemis. Bien que les municipales s’annoncent assez sereines pour le « mouvement ARISTOCRATIE POPULAIRE », il est hors de question de crier victoire avant l’heure et de se relâcher.
Soucieuse d’une vraie concertation avec ses collaborateurs, l’élue recueille toutes leurs idées susceptibles de l’aider à triompher. Elle me regarde tendrement, sa feuille blanche bien à plat sur le support rigide, et d’une voix maternelle sollicite mon potentiel créatif.

– Philippe, vous avez pensé à mon slogan ?

Je n’ai pensé à rien du tout ; j’ai autre chose à faire que de jouer les Jacques Séguéla. Mon loto sportif est prioritaire. J’ai planché toute la semaine pour enfin trouver une combinaison crédible, bien que l’option victorieuse du PSG contre Quevilly me semble audacieuse.
D’un petit air sûr de moi je fais mine de fouiller dans les papiers d’un tiroir submergé de gadgets destinés au prochain vide-grenier de Villacoublay ; le temps qu’une idée me vienne à l’esprit.

– Oui, bien sûr, Madame, je voulais justement vous en parler.

Fred s’extirpe progressivement de sa somnolence. Sa bouille ronde semble s’éveiller à mon incroyable culot, une perplexité songeuse mêlée d’admiration, « non !, il va pas oser ! ».

– Bon, j’ai du oublier mon brouillon à la maison. J’ai pensé à cette image, madame. D’abord, l’affiche doit se différencier de celle de nos concurrents par sa sobriété. Mais une sobriété aguicheuse, celle qui justement attire l’œil par l’impression de calme renouveau qu’elle suggère.

Mireille Fontenoy élargit son sourire ; elle paraît subjuguée ; à moins que ma soupe de publicitaire du dimanche ne la plonge dans l’hébétude. Sa réflexion me rassure.

– C’est une très bonne idée, Philippe, et pour le slogan ?
– Oui, le slogan, inutile de faire dans l’agressif, j’ai pensé à cette métaphore…

Frédo a retiré ses lunettes et s’emploie à se frictionner les paupières pour s’isoler d’une pantalonnade attendue.

– « Comme les neiges éternelles, la vérité ne meurt pas ; Voter pour Mireille Fontenoy, c’est croire en votre destin ! »

J’ai balancé d’un trait, sans bafouiller, cette couillonnade qu’un internaute écolo pourrait revendiquer sur son blog de boyscout jeunesse hitlérienne. Fred a sombré dans la dépression, il se rue sur sa boîte de cachou qui lui échappe des mains lorsqu’il tente de l’ouvrir avec son cutter. Tel un apprenti jongleur il la fait transiter de main en main pour enfin la plaquer sur son « V. S. D. », évitant ainsi la détérioration éventuelle du film en Skaï protégeant son burlingue.
Le sourire de la mairesse s’est encore évasé, elle est conquise par mon talent, cela ne fait aucun doute, ses compliments le confirment.
– C’est excellent, Philippe, vraiment très bon. Je vais le noter immédiatement. Si vous en avez d’autres comme celle-là, mettez-les au chaud. Et vous Frédéric?, une idée peut-être ?

Mon coéquipier ; troisième échelon dans la hiérarchie du glandouillariat, décomplexé par mon aplomb, se lance.

– Oui, Madame Fontenoy, ça tombe bien. Pour l’affiche j’ai imaginé une prairie broutée par les vaches laitières avec un clocher en toile de fond. Et comme slogan : « Avec Madame Fontenoy, l’herbe sera toujours plus verte et les vaches encore plus heureuses. »

Peut-être s’attend-il aux mêmes éloges dont m’a honoré la mairesse. Il se rengorge, prêt à recevoir les compliments mérités.

– C’est pas terrible tout ça, dites-moi, Frédéric ; vous pouvez toujours contacter François Bayrou, je pense qu’il sera preneur…

Déstabilisé, persuadé que sa prose vaut autant que mes élucubrations (et il n’a pas tort), il manifeste sa surprise d’une bouche grande ouverte en me regardant comme pour me prendre à témoin de cette injustice. Mireille, qui trouve ce garçon attachant, n’a pas pour habitude de blesser les gens gratuitement ; elle s&

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