Cette morsure trop vive
193 pages
Français
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Description

Sur la petite île de Mayotte, deux frères grandissent à l'ombre de leur mère vaillante. Entre les exigences maternelles et les passions soulevées par l'intrigante Marina, ils se jaugent et se construisent. Le destin déflagre alors au-dessus de leurs têtes. Soul, l'aîné, fier héros de guerre, se retrouve pris au piège d'un crime des plus sordides pour lequel il est le coupable tout désigné. Broyé par la machine judiciaire, il se débat entre douleur et désespoir. Lorsque le juge d'instruction s'immisce dans cette affaire tentaculaire, il révèle un trafic crapuleux. Au son du jazz et du chigoma, les trajectoires de ces êtres frappés par des tragédies se tissent et se heurtent.

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Publié par
Date de parution 10 juin 2021
Nombre de lectures 16
EAN13 9782919300549
Langue Français

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Extrait

Cette morsure trop vive
Du même auteur Bibliographie sélective
Roman Comorian Vertigo Komedit, 2017
Nouvelles L’irrésistible nécessité de mordre dans une mangue Komedit, 2014
Poésie Naître ici Éditions Bruno Doucey, 2019
Hadith pour une république à naître Komedit, 2017
Théâtre Les dits du bout de l’île Komedit, 2019 Bob Coll. « Libres Courts au Tarmac », Éditions Passage(s), 2016 De l’île qui marche vers un archipel qui ploie Éditions Belin, 2016
©Atelier des Nomades, 2021 ISBN : 9782919300549
Cette morsure trop vive
Nassuf Djailani
À mes filles, que je couvre de gourmands baisers. Pour M., qui sait tout du métier à métisser.
Et dans cette ville inerte, cette foule criarde si étonnamment passée à côté de son cri comme cette ville à côté de son mouvement, de son sens, sans inquiétude, à côté de son vrai cri, le seul qu’on eût voulu l’entendre crier [...], cette foule si étrangement bavarde et muette.
Aimé Césaire,Cahier d’un retour au pays natal, 1939
Je parle pour ceux qui pleurent des larmes rouges, D’avoir pris les armes prouvant qu’on est pas du même camp.
Oxmo Puccino,Qui peut le nier, 1998
[...]And how many times can a man turn his head And pretend that he just doesn’t see? The answer, my friend, is blowin’ in the wind.
Bob Dylan, Blowin’ in the Wind, 1963
Prologue
La queue était tombée sans bruit sur le sol. Une petite tache rouge à une extrémité témoignait de la vie qui ne voulait pas s’en aller du quignon d’être. Sur le sol, la chose gesticulait comme pour narguer le félin. La bouche pleine, le regard franc jeté à droite et à gauche au cas où. Pendant ce temps, le bout de vie était toujours épileptique. Au dessus, conquérant presque, le félin faisait mine d’avancer de deux pas dans la cour vide. Il maintenait ferme le tronc de vie qui n’osait pas trop faire le malin. Le monde s’était arrêté. Quand le félin libéra de ses crocs le lézard apeuré, d’un coup de patte, il signifia au reptile de ne même pas tenter. La vie allaitelle s’arrêter ici, sous les griffes du soleil ? Et comme la coupe de la cruauté n’était pas assez pleine, le lézard recevait coup de patte sur coup de patte pour cesser ce jeu dangereux de la fuite. Un homme seul, de l’autre côté de la rue, n’avait pas raté une miette du jeu macabre. Il avait lui aussi ses habi tudes. Taiseux, il paraissait s’être réfugié dans ses rituels, ses manies. Rasé de près, un bob kaki sur la tête, le visage caché derrière des lunettes noires, il venait tôt le matin,
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toujours à la même place, avec un vieux journal à la main. La vendeuse avait fini par deviner ses attentes. Elle lui ser vait toujours la même chose, dans un bol fumant. Comme par tradition, respect et reconnaissance, il hochait la tête en signe de remerciement. Il y avait toujours ce billet de banque neuf posé là dont elle s’emparait. En même temps qu’il touillait son bouillon, son regard se promenait, se délectait de la scène de l’autre côté de la rue. Résigné, ou peutêtre épuisé, le lézard s’était résolu à faire le dos rond. À la manière d’un enfant craintif qui se serait caché dans le cou de sa mère, en attendant que les averses passent. C’était sans doute inutile, car il n’avait pas le cuir tanné. Le félin, l’air de s’être assez amusé, fit mine de se diriger vers une bassine d’eau un peu plus loin, en donnant une impression de nonchalance. Une petite fenêtre sans doute pour se faire la malle. Il en avait certainement assez de ce jeu sordide du gros qui mangeait le petit. Au royaume ani mal, le lion n’étaitil pas roi ? Toutes proportions gardées, Kérosène n’était pas un lion. Sa vie de chat, il la passait à traverser le village en tâchant de ne pas se faire fracasser la gueule. Pour lui aussi, l’existence était une épreuve. Il zonait dans les détritus qui jonchaient la localité, mais ça ne l’empêchait pas de signifier à la population des reptiles qu’il était encore le digne héritier des chasseurs et qu’il ne servait à rien de venir promener son museau sur ses platesbandes. À peine un tressaillement esquissé que les griffes du félin s’étaient abattues sur le malheureux sans
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