Contes hybrides
53 pages
Français

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Description

"J’ai passé en revue chaque hypothèse vraisemblable au moins deux ou trois fois. Je suis certain de ce que j’ai vu, mais je ne sais pas quel sens y accorder.

Dans ma jeunesse, quand j’ai commencé à lire, dans ce flou bienheureux où se mélange la construction du monde de l’enfant et son acceptation primaire de toutes les histoires, je croyais sincèrement aux créatures fantastiques, aux enchantements. Adolescent, je n’avais évidemment rien rencontré de tel, mais je me suis mis à penser que j’étais un des rares à croire encore et que l’absence de preuves n’invalidait pas la magie."



Première novella de ce recueil, "Le sang du large" nous conte l'histoire d'un auteur isolé et de sa rencontre avec une créature qu'il pourrait croire tirée de l'un de ses romans. Mais est-ce lui qui a besoin de cet être fabuleux, ou bien l'inverse ? "Point de sauvegarde" explore ensuite le cruel labyrinthe de notre mémoire et interroge notre vision de la réalité. Et pour finir, "Bienvenue à Magicland" fait la part belle à la dérision et à la monstruosité, même si le monstre n'est pas toujours celui que l'on imagine...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9791097100551
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lionel Davoust
Contes hybrides
 
 
 
 
 
 
 
Les Éditions Mille Cent Quinze
Toute représentation ou reproduction
intégrale ou partielle
faite sans le consentement de l’auteur
ou des ayants droit
est illicite
(article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle).
 
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction
réservés pour tous pays.
 
© Lionel Davoust
© 2019, Les Éditions Mille Cent Quinze
 
ISBN : 979-10-97100-55-1
« Le Sang du large » : Première publication in Contes de villes et de fusées , anthologie dirigée par Lucie Chenu, éd. Ad Astra, 2010.
« Point de sauvegarde » : Première publication in La Guerre , anthologie d’une belligérance , anthologie dirigée par Yael Assia et Merlin Jacquet, éd. Hydromel, 2011.
« Bienvenue à Magicland » : Première publication in Trolls et Licornes , anthologie dirigée par Jean-Claude Dunyach, éd. Mnémos, 2015.
 
Photo de couverture   : 2019© Victor Yale
 
Retrouvez nos autres titr es sur http://editions1115.com

 
 
 
 
Lionel Davoust
 
 
CONTES HYBRIDES
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Les é ditions 1115

 
 
 
 
 
 
 
 
Le sang du large

 
« Isn’t my pain good enough for faith,
In you? »
Elegeion – Scars
 
 
Tous les rituels par lesquels on passe quand on n’a pas envie d’écrire, je les connais par cœur.
Il y a le café, les excitants doux, le chocolat, le pancake au sirop d’érable, la petite bière qui, se dit-on, va mettre à l’aise, va créer autour de soi une atmosphère assez détendue et confortable pour entrer en contact avec son moi profond, son inspiration – sa Muse. Vingt-cinq ans de ce régime m’ont donné un embonpoint disgracieux et assez de tension artérielle pour alimenter trois pacemakers.
Il y a les tâches inachevées qui rôdent toujours à l’arrière de l’esprit, ces obligations diverses qui narguent et obsèdent, qui empêchent de trouver le calme et le repos propices à la libération sereine des envies, des paroles, des images. Oh, ces tâches, elles sont innombrables ; remplir les formulaires administratifs ou le frigo, recarreler la salle de bains, retapisser la chambre, déplacer les meubles, ranger les livres. Soudain, toutes les corvées qu’on repousse depuis des semaines trouvent un intérêt urgent et irrésistible. Parfois, on laisse même le désordre s’accumuler pour se sentir obligé de le ranger quand vient le moment d’écrire.
Il y a la documentation amassée sans fin, les recherches interminables, de quoi rédiger trois thèses au moins, mais qui ne suffisent jamais à appréhender la réalité du domaine qu’on s’est juré d’aborder. Idéal inaccessible.
Il y a la contrainte de sujet, de longueur, les contrariétés quotidiennes, le courriel, le téléphone, et puis la peur invariable, celle du refus, celle de l’imitation, celle de l’incompréhension. Il y a l’effort, enfin, quand les mots heurtent la page, bancals, inadéquats.
L’agréable surprise à la relecture. À laquelle s’ajoute aussitôt la conviction de ne jamais réussir à s’égaler soi-même.
Tous ces faux-semblants, je les connais par cœur.
Sauf que j’atteins la quarantaine, que j’ai chassé de mon existence toutes les distractions potentielles et que je suis aussi sec que le bois que je coupe à longueur de journée au lieu d’aggraver mon syndrome du canal carpien en martelant les touches.
 

 
Paul Whittemore. Ses ouvrages tapissent deux étagères entières de ma bibliothèque. Eux aussi, je les connais par cœur et pour cause, c’est moi qui les ai tapés. Écrits ? Certes, j’ai ce souvenir, ce défilé de jours et de nuits où je n’avais rien à perdre et tout à conquérir, où les idées se succédaient en rangs serrés, baroques, biscornues, sans crainte de la critique ni du désaveu. Les couvertures colorées de Paul Whittemore s’alignent en rang serré comme des soldats me dévisageant au peloton d’exécution. Combien de temps passé à fuir en avant faut-il pour tomber ?
Je porte toujours le nom de Paul Whittemore mais je peine à trouver en moi l’étincelle vibrante, l’assurance invraisemblable que je ressentais en écrivant Le Quartet des Dragons-Cieux ou La Saga d’Eviloane . J’avais vingt, vingt-cinq ans, un métier à apprendre et un monde à séduire. Je tire le premier Eviloane de l’étagère. « Whittemore est une voix novatrice et vibrante dans le monde de la fantasy » – Locus Review , clame la page de titre. Aujourd’hui, Whittemore est un vieux garçon qui ne parvient plus à gober toutes ces histoires de magie, de dragons et de sorcières outrageusement sexy.
Je jette un coup d’œil à mon bureau de l’autre côté de la pièce. Les dossiers de mes mondes fantastiques, impeccablement rangés, trônent dans l’armoire derrière le fauteuil. L’ordinateur allumé attend que l’écrivain s’asseye sur le siège qui reste désespérément vide. Je ne suis qu’un spectre qui hante cette maison. À vrai dire, je suis déjà mort ; le fauteuil ne s’occuperait pas davantage.
Est-ce l’alignement de mes succès, à hauteur des yeux, qui provoque en moi cette angoisse, cette impression de me heurter à un mur, de maladresse, de nuit privée de toute fulgurance, quand ils devraient me motiver ? Devrais-je les déplacer ?
Je hausse les épaules. Je sais bien que le problème n’est pas là, même si je n’ose pas me l’avouer. Ce serait le dernier clou sur le couvercle de mon cercueil.
  ...

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