D amour et d océan plus fort que les vagues
196 pages
Français

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D'amour et d'océan plus fort que les vagues , livre ebook

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Description

Et, longtemps après que le chanteur en cette nuit de carnaval eut cessé d'attendrir les coeurs de sa voix angélique et mielleusement entraînante, nos êtres, charmés l'un par l'autre, restèrent collés, inassouvis. J'aurais voulu que la musique s'éternise. Je l'aimais. Déjà !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 228
EAN13 9782296702530
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

d’amour et d’océan
 
Ousmanou Magadji
 
 
d’amour et d’océan
 
plus fort que les vagues
 
 
roman
 
 
 
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-12291-8
EAN : 9782296122918
 
à la vie, pour qu’elle me devienne tendre,
aux hommes, pour qu’ils m’aiment tous
 
« Celui qui méprise le chez-soi s’en éloigne pour voir.
Il a refusé de travailler pour son père,
mais travaillera pour le père d’autrui pour manger. »
 
1
 
 
Par la mélancolie du lointain et l'intimité de la nuit profonde, reposant sa ténébreuse matière sur l'océan assoupi, perçait la pâle lueur d'un néon : tristounette fresque de la civilisation naufragée entre nuit et mer. Souveraines. Glauque et surréaliste poésie évoquant un grain de lumière guerroyant contre l’immensité du Sahara par une nuit tombale, le son langoureux d’une kora s’échappant des doigts squelettiques, experts, d’un vieillard assis devant sa case un petit matin calme et moite. Une résonance mécanique, continue et nette, sabrait comme une épée l'obscur règne du déclin solaire. Un moteur. Pirogue dans la nuit dense.
Vacante, impalpable hégémonie des ténèbres.
Immensité marine.
Absolue vulnérabilité humaine.
Des formes humaines se découpaient dans la fragile phosphorescence du néon, embrumée par la multitude de fumeuses respirations, du froid marin. « Espoir », pouvait-on lire dans la pénombre sur les parois de la pirogue. Espoir des jours meilleurs, espoir d'aider sa famille, ses amis, espoir… espoir… L'embarcation de fortune avait levé l'ancre sur les côtes mauritaniennes et transportait à se rompre des dizaines de passagers clandestins, leurs espoirs et rêves, fatalement marqués en eux. De quoi mettre leur malheureuse vie en péril. Direction l'Occident, l'hostile terre promise. La peur de ne pas l'atteindre ou d’en être refoulé était plus forte que celle de mourir avant même d’y mettre pied, voracement poussé et applaudi par la Cause, la suprême, l’universelle, la légitime : la bestiale envie de réussir qui prédispose tout matériau humain à sacrifier sa vie pour avoir au moins le minimum vital.
A bord d' « Espoir », point de paroles. Toussotements, gémissements, claquements de dents. Parfois des marmonnements confus, plaintifs. Sur fond de mer déchirée et de ronflement assourdissant du moteur, qui n'en était plus un : à force d'être continuellement entendu, les tympans en avaient fait abstraction. L'hélice tournait dans l'eau et « Espoir » fendait l'Atlantique, avançait dans la nuit souveraine, presque physique, et éloignait sa cargaison illicite de la Terre Mère, qui saignait de ses fils à effusion.
Pelotonnés par le froid, duquel leur imperméable ne pouvait les protéger suffisamment, ankylosés par l'immobilité de leur corps qu’imposait l'étroitesse de la barque de pêche, les marins forcés, pèlerins de la haute mer malgré eux, étaient assiégés de lourdes inquiétudes et ils s'efforçaient de ne pas penser à la mort. Ennemie et alliée de la vie, courtoise par son imprévisibilité. La vie engendre la mort, la mort engendre la vie. Ambiguë complémentarité. La mort est le prolongement de la vie, la vie le début de la mort.
Le ciel s'obscurcit davantage. Devint menaçant. Le tonnerre se mit à gronder, les éclairs à zébrer les nuages noirs de pluie. La tempête se leva. Une averse torrentielle s'abattit. La mer devint enragée, se hérissa d'énormes vagues impétueuses, qui mettaient à mal « Espoir ». Panique à bord. « Ne vous affolez pas. Cherchez où vous cramponner », criait le conducteur de l’embarcation.
La tempête devenait de plus en plus violente et « Espoir » était pris dans des cascades qui gagnaient en dangerosité. Ses occupants perdaient leur sang-froid et criaient dans la nuit. Redoutant d'être pris en pâture par l'océan ? Non. Peur de ne pas arriver à destination : les îles Canaries, l’Espagne, l’Europe.
Cependant, étrangement, dans la frayeur et l’affolement généralisés, un passager gardait son flegme, l’air plutôt réjoui. Ses rastas dépassaient de dessous son bonnet noir frappé d’un étendard patriotique : vert-rouge-jaune.
Soudain, une gigantesque vague surgit comme un monstre du noir. Effroyable, apocalyptique, elle déferlait comme une bête marine. « Espoir » était injustement minuscule devant le liquide prédateur, une bosse mobile sur l’océan. Au moment où l’immense vague allait s'abattre sur ses occupants pour les engloutir, la pirogue s'agrippa à son flanc, atteignit sa crête et amorça une descente, vertigineuse, pratiquement à pic. Deux personnes dégringolèrent et disparurent dans la flotte dans un concert de cris mortels presque inaudibles, couverts par le bruit de l'océan tourmenté et le ciel enragé. A peine la première partie, une autre vague jaillit de la nuit et malmena l'insignifiante pirogue de pêche. David et Goliath. L'enfer sur le grand bleu, dans l'obscurité massive de la nuit, conspiratrice, dura plus d'une heure. « Espoir » résista vaillamment. Quelques hommes de plus dans la mer. La dîme. Offrandes aux dieux de l’océan. Péage. La pirogue gagna quelques centimètres au-dessus de sa ligne de flottaison. Le poids des passagers avait diminué. Pour les survivants, moins de risques de naufrage et autant de chances de plus d’arriver à destination. Un sentiment de soulagement et de compassion les ballottait. Les disparus n’étaient pas morts pour rien.
La tempête baissa d'intensité. Ses bourrasques s’affaiblirent. La pluie cessa et les vagues s’en retournèrent d'où elles étaient venues, dans leur antre : les abysses, emportant avec elles six âmes. Six espoirs, six familles endeuillées, désillusionnées, désespérées : la misère règnera encore. Douze mains ouvrières de moins pour l'Afrique, hantée par les témoins de l'immigration clandestine ou régulière, qui n’en n’est pas moins une entrave pour le Continent. Fuite de cerveau, de bras valides. Partir, fuir la Terre natale comme la peste. Misère, famine, maladie, guerre écrasent le Continent. Par un effet mécanique, ses fils s'échappent comme de l'air qui fuit d'une chambre à air trouée.
Dictateurs incorrigibles, détournements de fonds, corruption, cadres incompétents, véreux et paresseux, injustices sociales…enchaînent le Continent. La paix ? Elle est souvent là, mais ce n’est pas une denrée alimentaire, une panacée pour les multitudes maux du Peuple, l’Homme n’étant pas une bestiole pour se contenter de bouffer et de rester tranquille. Elle est souillée cette paix et injuste. Seuls les gros poissons des régimes malintentionnés en profitent. L’histoire est un dépotoir de ce genre de paix sous perfusion puant en permanence la révolte populaire, l’exaspération à l’égard de la hideuse dynastie des leaders barbares qui se succèdent depuis les indépendances chanteuses des lendemains meilleurs, corrompus et inefficaces, diffusant des discours mielleux et faisant radicalement le contraire. En psalmodiant son pompeux discours, le dirigeant africain dégage un haleine de tripes, de putréfaction morale, de brûlis de cœur et d’âme. C’est son ventre qui parle, inspiré par son immoralité, son cœur calciné de perversion, son âme vendue aux démons. Passant par tous ces canaux décomposés, son intellect ne peut produire que des effets négatifs pour la Mère Afrique.
L'espoir ? On en a tellement consommé, au point d'en être constipé. Toujours espérer et rien ne change. Espoir égale chèque sans provision. C'est comme une route transcontinentale américaine, longue et éprouvante, fluide et envoûtante. A chaque virage vous pensez être arrivé ou escomptez voir quelque chose qui annonce la proximité de votre destination. Vous prenez le virage, et vous êtes choqué, déçu. Le bitume s'étire de nouveau à l'horizon, écœurant et défiant, et un autre virage vous titille tout au bout. Vous pestez, vous vous armez de courage et foncez pour l'atteindre. Le goudron s'étale

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