Dans la tourmente afghane
112 pages
Français

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Description

Survivant de l’enfer afghan, le journaliste Jonathan Dupuis rentre chez lui dévasté. Au terme d’une enquête intensive et d’un travail sur lui-même, il parvient à reconstituer les pans manquants de son histoire.
On dit que le véritable dépassement de soi passe par les défaites. Que sans l’adversité, l’humain ne serait rien. Jonathan Dupuis l’apprend à ses dépens. De retour d’une mission journalistique à Kandahar qui a mal tourné, l’homme qui revient chez lui n’est plus que l’ombre de lui-même. Il hésite sur ce qu’il va dévoiler à la presse et à ses proches. Qu’a-t-il vraiment vécu là-bas?
Sa mémoire vacillante, criblée de trous noirs, ramène inlassablement à son esprit un souvenir salvateur : les yeux de la douce Rachida sous sa burka. En proie à un trouble profond, attisé par les manigances d’un père dominateur, il va tenter par tous les moyens de reconstituer les pans manquants de son histoire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 février 2012
Nombre de lectures 19
EAN13 9782895972266
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DANS LA TOURMENTE AFGHANE
DE LA MÊME AUTEURE
Sous le même soleil , Lévis, Éditions de la Francophonie, 2006. Prix France-Acadie 2007.
L’éclaboussure (Ariane), Lévis, Éditions de la Francophonie, 2007.
Jocelyne Mallet-Parent
Dans la tourmente afghane
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Mallet-Parent, Jocelyne, 1951-.
Dans la tourmente afghane / Jocelyne Mallet-Parent.
(Voix narratives)
ISBN 978-2-89597-109-2
I. Titre. II. Collection : Voix narratives
PS8626.A4525D36 2009 C843’.6 C2009-902653-8

ISBN format ePub : 978-2-89597-226-6

Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa.

En outre, nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement del’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

L ’auteure remercie le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick et le Conseil des Arts du Canada pour leur soutien financier à l’écriture de ce récit.

Les Éditions David
335-B, rue Cumberland
Ottawa (Ontario) K1N 7J3
www.editionsdavid.com
Téléphone : 613-830-3336
Télécopieur : 613-830-2819
info@editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada.
Dépôt légal (Québec et Ottawa), 2 e trimestre 2009
À mon grand-père, l’homme qui savait parler au vent…
Les défaites sont nécessaires aux peuples comme les souffrances et les malheurs à l’individu : ils vous obligent à approfondir votre vie intérieure, à vous élever spirituellement.
Alexandre Soljenitsyne

Sans les circonstances douloureuses, sans un mal qu’il réussit à tourner en bien, l’homme n’est rien.
ROMAN
Le temps était au beau fixe. Pas le moindre souffle de vent.
Que du bleu. Mur à mur.
Les aurait-on autorisés à voler aujourd’hui qu’aucun cerf-volant n’aurait réussi à s’épingler sur la toile azurée du ciel afghan. C’est qu’ils se déchaînaient ailleurs, les disciples d’Éole. Embusqués par-delà les pics échevelés des montagnes ceinturant Kandahar, ils soufflaient sans répit sur la vie de Jonathan Dupuis… qui ne tenait plus qu’à un fil.
*
« Vas-y! Fais-le!
« Fais tout ce qu’ils te demandent… sinon ils vont te tuer. »
Les pieds liés, un sac de jute enfoncé sur la tête, le journaliste feint de ne pas comprendre que c’est à lui qu’on s’adresse.
« Crois-moi, l’étranger, le commandant n’hésitera pas une seconde à te réduire la cervelle en bouillie », poursuit l’interprète, accompagnant chacune de ses paroles d’un coup de botte dans les reins de sa victime.
La tête enturbannée qui vocifère ces ordres s’exprime en pachto. Il ponctue chacune de ses phrases d’un brusque mouvement du bras au bout duquel un kalachnikov semble soudé, tant il le manie avec aisance.
Le journaliste grimace de douleur. Tête prostrée contre le sol, narines dilatées au maximum, il cherche la moindre particule d’oxygène susceptible d’aérer la grotte humide et infecte dans laquelle il suffoque. Dans un singulier mouvement de tête, il essaie en vain de distinguer ce qui se trame de l’autre côté de la fichue cagoule qui lui obstrue la vue.
« Fais-le, chien d’Américain! », gueule l’Afghan.
Le prisonnier comprend qu’il ne s’en sortira pas vivant à moins d’obtempérer aux ordres. Quelques secondes à peine, et la situation bascule… Les événements dégringolent en cascade. La tête de l’homme est délestée de son éteignoir, la clarté soudaine aveugle ses yeux éblouis, ses mains se trouvent armées d’un couteau à la lame aussi tranchante que le fil d’un rasoir.
Un long cri déchirant.
Le soldat gisant à ses pieds se tord de douleur.
L’indicible s’est produit à la vitesse de l’éclair.
Le journaliste laisse tomber le couteau. Un son métallique percute les parois de la grotte avant de retentir en écho dans ses oreilles. Le seuil de tolérance du supplicié atteint son apogée lorsqu’un amas de chair sanguinolent lui glisse sur le torse, roule sur son ventre et aboutit entre ses mains. Un liquide visqueux comme celui des entrailles d’un poisson qu’on évide se répand aussitôt sur ses poignets. Le sang lui coule entre les doigts, gicle sur sa chemise, dégoutte le long de ses cuisses, termine son parcours en éclaboussant la paroi rocheuse de taches écarlates.
« NON! », hurle-t-il.
Un violent coup de crosse s’abat sur son dos; son crâne est traversé par une puissante décharge électrique.
Le silence entre en scène.
Le soleil s’éteint.
La vie de Jonathan Dupuis se met à valser avec la mort.
Aquilon

Vent mauvais,
annonciateur de tempête
Dire ou taire.
Parler ou se soustraire.
Dévoiler ou envelopper la vérité, telle une musulmane drapée sous sa burkha.
L’indécision rongeait Jonathan Dupuis, comme du sel un morceau de glace.
Révéler tout d’un bloc, dès sa sortie d’avion, les parcelles de ce dont il se souvenait encore ou… l’autre solution : celle de feindre la réussite totale de cette mission. Taire à tout jamais ce qui était pour lui du domaine de l’indicible.
« Pourquoi diable est-ce que j’hésite autant? rumine-t-il. De toute façon, dans un cas comme dans l’autre, ma vie en est transformée à jamais. Plus rien ne sera pareil. Je sais fort bien que ma jeunesse, mon insouciance et ma joie de vivre n’ont pas pris, avec moi, le vol du retour au pays. En cette nuit d’enfer, je les ai larguées par-dessus bord, au milieu de nulle part, dans les hauteurs de ce lieu sinistre où je n’aurais jamais dû mettre les pieds. »
En proie à son insoluble dilemme, Jonathan se faisait un sang d’encre. Il en avait perdu appétit et sommeil.
Tant pour l’homme que pour l’appareil métallique, vivre sur terre s’avérait plus complexe que voler. D’Islamabad jusqu’à Montréal, l’avion avait navigué sans turbulence, survolant les nuages avec fluidité. Quant à l’esprit de Jonathan, il avait flotté dans l’univers vaporeux de l’indécision depuis les montagnes accidentées en périphérie de Kandahar, jusque dans sa ville natale.
Le coup violent porté à sa tête avait, jusqu’à un certain point, déjà réglé la question qui le tourmentait. De sa saga afghane, il ne pourrait révéler que les fragments dont il se souvenait vraiment. À chaque jour qui passait, à chaque heure qui fuyait, les détails des scènes lui torturant l’esprit se faisaient de plus en plus flous, s’évadant de sa mémoire comme d’une passoire outrageusement trouée.
Une grappe de journalistes l’attendait à la barrière des arrivées.
Les questions fusèrent de toutes parts.
« Parlez-nous de cette mission à Kandahar? Pourquoi n’êtes-vous pas revenu au pays en même temps que les autres? Que s’est-il passé, exactement, dans les montagnes afghanes? Qu’est-il advenu du soldat? De votre collègue de la BBC? »
Ses patrons avaient bien essayé de le faire rentrer en douce, mais les détails de la date de son retour, et même l’heure exacte de l’arrivée de son vol, avaient fait l’objet d’une fuite. Pour un journaliste déterminé, il y a toujours moyen d’obtenir l’information voulue. Le flash d’une caméra crépita dans ses pupilles. Son dilemme s’en trouva du coup résolu. Il ne leur dirait rien!
Le temps d’une seconde, l’hésitation refit son apparition dans l’esprit de Jonathan. « Pourquoi ne suis-je pas resté au Pakistan, du moins pour quelques semaines encore, histoire de me recomposer un peu? Le temps de soigner mon corps et mon âme. Et qui sait, le temps d’oublier complètement… »
Il était revenu pour elle.
Pour Maryse.
Rien que pour elle.
Maintenant, il s’agissait de l’aimer comme avant. Faire comme si de rien n’était.
Jonathan scruta la foule, à la recherche du visage aimé. Il avait un besoin urgent de revoir cette femme. De s’abreuver de son être, de renouer avec son corps. C’est pourtant celui de son père qui s’imposa au premier plan. La figure rubiconde du riche industriel Thomas Dupuis faisait tache parmi la foule, tel un coquelicot pavoisant au milieu d’un bouquet de pissenlits. À lui seul, l’homme semblait occuper toute la place.
Avec son assurance démesurée.
Avec son air condescendant et autoritaire.
Avec ses épaules imposantes qui cachaient à son fils la vue des autres. Depuis qu’il était enfant. Depuis toujours.
De Maryse, aucune trace. Ni de sa mère ou de ses sœurs.
Jonathan fonça en direction des journalistes, bien résolu à ne pas ouvrir le panier de crabes qu’il rapportait d’Orient. C’était maintenant tout décidé. Il allait leur relater la même rengaine qu’ils avaient déjà entendue :
— Le convoi militaire dans lequel je me trouvais a été attaqué par des talibans. Après avoir roulé sur un engin explosif, les deux premiers véhicules ont sauté, tuant trois soldats et en blessant cinq autres. J’étais dans la troisième voiture avec mon collègue caméraman de la BBC.
Pour une raison qui m’est inconnue, les insurgés nous ont fait descendre des véhicules et ont braqué leurs fusils sur nos tempes. Après nous avoir forcés à nous accroupir, face contre terre, ils nous ont lié mains et pieds. Ils ont discuté un moment entre eux, puis les balles ont commencé à siffler. Ils ont abattu tous les survivants, sauf quatre : un soldat, l’interprète afghan, mon collègue et moi. Jetés à l’arrière d’un camion, nous nous sommes retrouvés dans les montagnes, véritables labyrinthes truffés de tribus formées de clans rivaux.
Le soldat a été tué; moi, j’ai été gravement blessé.
Vous savez le reste. Le caméraman a survécu et est rentré dans son pays. Quant à moi, j’ai été laissé pour mort. Selon toute vraisemblance, j’ai été rescapé et soigné par des paysans dans les montagnes afghanes. Ces derniers m’ont ensuite aidé à traverser clandestinement la frontière du côté du Pakistan, d’où j’ai pu m’organiser pour revenir chez moi.
Voilà!
C’est tout.
Il n’y a rien de plus à raconter.
— Pourquoi avez-vous mis près de deux mois avant de donner signe de vie?
— Je viens tout juste de vous en expliquer les raisons. J’étais dans un endroit isolé, au milieu de nulle part, et de surcroît, gravement blessé. Ma convalescence a été longue.
— Parle

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