Des nouvelles de Cap Maillant
39 pages
Français

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Des nouvelles de Cap Maillant , livre ebook

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Description

Des nouvelles de Cap Maillant propose onze histoires fascinantes. Il s’en passe des choses dans un village ! Histoires d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieux, d’animaux, élégamment écrites et bien ficelées par Claudine Ducasse. L’auteure raconte la réalité en utilisant la fiction et le fantastique, qui ouvrent les portes toutes grandes sur un monde insoupçonné. Il ne faut surtout pas se fier à l’image de carte postale qu’un village semble donner.
Les courts textes de Claudine Ducasse permettent de croiser des espaces parfois menaçants, souvent pleins de sourires. Chose certaine, on y va de surprise en surprise.
Des nouvelles de Cap Maillant est un beau recueil où se déploie l’humanité avec ses travers et ses qualités. Certes une lecture captivante pour toute personne avide de beauté et de petits bonheurs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 avril 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782896996049
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1
 
Lotie la petite
 
 
 
 
 
 
 
Laetitia, nommée Lotie par son entourage, était une petite fille tranquille. Très tranquille… Lotie parlait peu, jouait peu, pleurait peu. Cependant, on aurait cru qu’elle était toujours un peu triste.
En fait, Lotie vivait la plupart du temps dans son petit monde habité par des fées et des monstres, ou juste par le vide. Bien sûr, Lotie avait une famille. Une jolie maman, un papa avec d’étranges yeux d’un vert d’eau pure, deux frères jumeaux très turbulents : Marc et Martin, premiers-nés des triplets. On les surnommait les deux M. Ils étaient toujours à l’affût de tours pendables pas nécessairement gentils. De plus, ces petits pouvaient compter sur mamie Pompon pour les approvisionner en galettes au chocolat et leur raconter une bonne histoire au coucher. Et – oh horreur ! – elle leur appliquait un cataplasme chaud en cas de gros rhume. Enfin, le dernier membre de cette heureuse tribu se nommait papi Lucien. Il ne souriait pas souvent. À cause de ses sourcils blancs en bataille et de sa grosse moustache, les jumeaux l’avaient surnommé : papi gros ours grognon ! Les sacripants ne se gênaient pas pour lui sauter sur le dos, le chatouiller dans le cou et, par accident bien sûr, renverser son précieux casse-tête de mille morceaux ! Puis, ils se sauvaient en gloussant ! Papi Lucien entrait alors dans une colère bleue ! Cependant, Lotie n’avait qu’à le regarder avec sa petite frimousse fripée pour le faire fondre. Il laissait toute activité séance tenante aussitôt qu’elle semblait avoir besoin d’un coup de main ou d’un câlin.
Il faut dire que la petite avait une histoire peu commune. Sa naissance avait été pénible. Ses deux diablotins de frères s’étaient précipités hors des entrailles maternelles, vidant leur mère de tout son lait et de toutes ses énergies. Même sans dents, les petits étaient pressés de mordre dans la vie et de tout dévorer. Mais pas Lotie…
Lotie se fit attendre. Que se passait-il donc ? Pourquoi mettait-elle tant de temps à se décider à venir voir le monde ? À l’intérieur, Lotie s’étirait bien grand. Après avoir été poussée dans un coin utérin pendant de longs mois, se nourrissant du peu que ses frères lui laissaient, elle jouissait maintenant des délices d’occuper tout l’espace. Lotie hésitait sur la bordure de l’univers. Ce monde en valait-il la peine ? Même si sa vie était à l’heure zéro, elle était déjà si vieille. Elle avait traversé tous les horizons, couru sur les aubes azurées et les crépuscules de feu. Ange aveugle, elle avait mouillé ses yeux des larmes des autres. De fines boucles ébouriffées par des vents coléreux auréolaient son visage. À la place de son cœur, se trouvait un grand trou par lequel transitaient les souvenirs de ses nombreuses vies antérieures. Ses ailes maintenant plaquées le long de son corps ne pouvaient plus se déployer comme avant. Trop d’enfants qu’elle avait pris sur ses épaules y avaient laissé couler des larmes au sel amer.
Lotie hésitait encore devant la décision : rester ou repartir… Soudain, dans son confort douillet, elle perçut une plainte. Elle entendit les sanglots de sa maman qui la suppliait d’arriver enfin. Ce fut comme un signal ! Sans plus attendre, Lotie ranima ses ailes fragiles, transparentes, aux couleurs de l’infini. Ayant récupéré leur force, elle les referma sur ses éternités. Sa décision étant prise, elle fit le grand saut.
Dans la salle blanche, suréclairée et aseptisée de l’hôpital, elle se sentit terriblement seule. Pourtant, il y avait beaucoup de monde estomaqué. Elle était si petite ! Incapable de bouger. On aurait cru l’arrivée d’une grenouille et non d’une petite fille !
Sa maman pleura, son papa sourit. On la piqua, l’ausculta et finalement Lotie fut incubée pendant de longs jours. Sa maman étant très prise par ses deux frères, son papa passait les nuits à son chevet. Il lui parlait doucement, lui chantait de vieilles comptines, l’encourageait à vivre. Puis, un soir où il semblait découragé, à bout de ressources, Lotie ne faisant pas de progrès, l’infirmière de nuit surprit son désarroi. Elle sortit le petit paquet relié à la tubulure de son incubateur et le tendit à son papa. Il ouvrit bien grande sa chemise à carreaux et reçut le corps malingre de sa fille sur sa poitrine velue. Sa chaleur et son amour se communiquèrent à Lotie. D’abord n’y croyant pas, papa sentit, avec un bonheur immense, de minuscules doigts aux ongles acérés qui s’agrippaient à la toison de sa poitrine !
Les deux adultes complices répétèrent l’expérience nuit après nuit. Lotie commença à boire et à réagir aux stimuli. Quelques semaines plus tard, elle entrait à la maison. Lotie se mit à grandir et à se faufiler entre les mailles du tissu familial.
Quand vint le temps de l’école, ce ne fut pas très différent. Marco, Marty et leurs nombreux copains étaient très malcommodes ! Souvent, Madame Laura, l’institutrice, devait leur imposer une retenue pour calmer leur turbulence.
Lotie, elle, jouait seule, ou rêvassait la plupart du temps. Elle avait une seule amie, sa voisine de pupitre, Béatrice. Béa, à la première journée de la maternelle, avait souri à Lotie et s’était introduite en douceur dans ses jeux. Calmes et timides toutes les deux, sans beaucoup se parler, elles étaient devenues les meilleures amies du monde.
Vers la fin de leur première année, Béa commença à s’absenter de l’école. Même si cela ne paraissait pas trop, Lotie s’ennuyait. Les longues vacances d’été passèrent. En septembre, Béa ne se présenta pas pour entreprendre avec Lotie sa deuxième année. Lotie, très malheureuse, regardait la chaise vide à côté de la sienne pendant ses longs moments d’absence. Et puis, un beau matin dans la cour de récréation, le bruit courut que Béa, très malade, ne reviendrait pas à l’école. Lotie, qui ne pleurait jamais, versa toutes les larmes emprisonnées dans son vieux cœur. Au souper, elle ne toucha pas à son mets préféré et resta insensible aux pitreries de papi Lucien, qui fit pourtant de son mieux. Quelques jours plus tard, sa maman la conduisit chez son amie Béa qui, dit-on, s’ennuyait beaucoup de sa copine Lotie. Cette dernière revint désemparée de cette visite. Sans le dire à haute voix, elle se demanda si le fait d’avoir coupé très court les magnifiques cheveux rouges de Béa, avait éteint le feu de son regard.
Avant l’Halloween, on informa les petits écoliers que Béa était partie pour un long voyage vers le paradis. La classe était étrangement silencieuse. Tous étaient tristes, sauf Lotie qui souriait. Quand Madame Laura lui demanda pourquoi elle semblait si heureuse, Lotie lui répondit : « C’est parce que Béa est contente maintenant. Elle est déjà rendue au jardin de lumière. Il est beau, le jardin de lumière. Elle y sera bien. »
Lotie avait un vague souvenir de cet ancien bien-être. Madame Laura demeura perplexe. Pendant ce temps, des conciliabules se tenaient un peu partout dans la cour de récréation. Demain serait la grande soirée des déguisements et des bonbons. Avant de s’amuser, il fallait dire au revoir à Béa. Les enfants, Marty et Marco en tête, sans le dire aux adultes, décidèrent d’organiser au lever du jour une procession dans la grande forêt à l’orée du village. Chacun se munirait d’un ballon sur lequel il serait écrit un petit mot d’amour pour Béa, afin de l’égayer pendant son long voyage. Les ballons montant dans le ciel avec elle seraient la meilleure façon de lui dire au revoir.
Le samedi matin, tous étaient là, portant silencieusement des ballons multicolores. Même la petite Lotie, un peu en retrait, continuait d’essayer de gonfler le sien. Pendant que ses amis s’enfonçaient de plus en plus dans la forêt, inventant des jeux plus intéressants les uns que les autres, Lotie traînait loin derrière dans une clairière. Elle avait finalement réussi à gonfler son ballon rouge, sur lequel elle avait simplement écrit « BÉA et Lotie ».
Les heures passèrent. Au village, l’inquiétude était vive. Tous les parents de Cap Maillant réunis sur la grande place devant l’église se perdaient en conjectures. Où étaient donc les petits ? Auraient-ils été victimes d’un quelconque enchanteur les entraînant au loin, au son d’une flûte magique comme autrefois ? Auraient-ils gagné le fleuve pour partir à la pêche comme les pêcheurs du village ? Pourtant on était samedi ! Aucune barque n’avait été détachée de son ponton et le ratissage de la plage et du village n’avait donné aucun résultat. Le mystère

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