Des poètes derrière les barreaux
162 pages
Français

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Des poètes derrière les barreaux , livre ebook

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162 pages
Français

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Description

Partant de l'expérience douloureuse qu'en rapportent plusieurs poètes (Villon, Chénier, Rimbaud, Apollinaire, Genet, Sarrazin), l'auteur nous invite à pénétrer au coeur des prisons parisiennes. Du Châtelet à la Santé, en passant par la Conciergerie, Saint-Lazare, Mazas et la Petite Roquette, il s'agit d'un voyage intérieur, d'une exploration à la fois géographique, historique et littéraire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2012
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296481015
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Des poètes derrière les barreaux

F. Villon , J. Genet, A. Sarrazin…
Amarante


Cette collection est consacrée aux textes de
création littéraire contemporaine francophone.

Elle accueille les oeuvres de fiction
(romans et recueils de nouvelles)
ainsi que des essais littéraires
et quelques récits intimistes.


La liste des parutions, avec une courte présentation
du contenu des ouvrages, peut être consultée
sur le site www.harmattan.fr
Franck Balandier


Des poètes derrière les barreaux

F. Villon , J. Genet, A. Sarrazin…


Etude littéraire


Éditions L’Harmattan
DU MÊME AUTEUR

Ankylose, roman, Éditions Le Serpent à Plumes, Paris 2005.
Les Prisons d’Apollinaire , document, Éditions L’Harmattan, Paris 2001.
L’Homme à la Voiture Rouge , roman, Éditions Fayard, Paris 2000.
Les Nuits Périphériques, roman, Éditions Michel de Maule, Paris 1988.


Photo de couverture : Franck Balandier.


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55822-9
EAN : 9782296558229

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Pour Milou.
Pour Catlet.
Nous sommes tous dans le caniveau,
Mais certains d’entre nous regardent les étoiles.

Oscar Wilde.
La première porte
Les poètes écriraient. Cela va de soi.
Les poètes iraient en prison. Parfois. Pour des raisons diverses liées à la couleur du temps, à la politique ou bien à autre chose, pour des peccadilles ou bien des crimes abominables.
Les poètes seraient coupables. Ils devraient payer pour cela. Pour tous les mots écrits, pour tous les mots criés et pour tous les actes commis.
Aller en prison. La belle affaire. Il n’y a que le premier pas qui coûte. Passé le choc de l’incarcération, identifiés les bruits, retenu le temps de la pénitence, il ne reste plus qu’à écrire sur cette expérience unique pour alimenter encore l’œuvre commencée au dehors. Tant mieux si l’on s’en sort : être poète et taulard confère une respectabilité douteuse auprès de quelques lecteurs fascinés, occasionne un sursaut d’intérêt, mieux : cela crée le mythe.
Dire la prison. Comment la dire ? C’est une question de distance. De géographie. D’espace à occuper. Comment occuper la prison ? Comment s’en occuper ? Lui régler son compte ?
La décrire, certes, mais de quelle manière ? La prison, dans son essence même, refuse l’objectivité. Que l’on y soit enfermé ou que l’on y travaille, ou bien que l’on observe l’immuabilité apparente de ses murailles de l’extérieur, elle oblige à prendre position. Objet de tous les fantasmes, elle permet toutes les dérives et bien des approximations. La pénétrer, y pénétrer, ne constitue pas le sésame indispensable pour prétendre en parler.
Alors, ne pas en parler. La penser. À partir de ce qu’elle nous accorde de ses histoires, de ses architectures et de ses règlements. Abandonner aux poètes le soin de la juger et de la décrire avec toute la mauvaise foi dont ils sont capables quand ils se mettent en peine (c’est bien le cas de le dire) de la vivre avant de l’incarcérer, la réduire en quelques phrases définitives.
Ceux-là se nomment François Villon, André Chénier, Arthur Rimbaud, Guillaume Apollinaire, Jean Genet, Albertine Sarrazin. Ils vivent ou passent par Paris.
Écrire Paris. Une fois encore. Et si possible autrement. Le décrire non pas à travers ses rues, ses monuments ou ses cimetières. Cela s’est déjà fait. Non. Oser un Paris différent. Proposer une promenade littéraire qui éviterait soigneusement les plaques commémoratives aux porches des maisons – ici vécut et mourut notre cher poète –, fuir les visites aux musées, ignorer les statues et les décorations, ne s’intéresser finalement qu’à la part d’ombre des êtres et des lieux.
De toute façon, les maisons ne sont que des lieux de passage, des voisinages. De toute façon, les maisons ne sont construites que pour être détruites. Nous n’en sommes que les occupants provisoires. Les prisons n’échappent pas à cette règle. Territoires interdits de regards, hormis pour ceux qui s’y trouvent enfermés. Territoires investis de force. Territoires contraints. Et visages contrits. Poètes à la peine.
Au XIVe siècle, un siècle avant Villon, la capitale comptait une vingtaine de prisons en activité. Elle n’en compte plus qu’une seule aujourd’hui : la Maison d’arrêt de la Santé.
L’heure est à l’éloignement. À la distance. Auparavant, la ville revendiquait ses murs et ses enfermements. À présent, elle en a honte. La ville cache ses plaies et ses gourmes. Comme ses pauvres dont elle tente de se débarrasser maladroitement, la ville pousse aux périphéries sa délinquance et ses prisons.
Voici la chronique d’un Paris méconnu qui, du moyen-âge au vingtième siècle, nous accorde le privilège d’une exploration inédite au cœur de ses lieux interdits.
Le Châtelet, Saint-Lazare, La Conciergerie, Mazas, La Santé, La petite Roquette : autant de lieux investis par nos poètes. Ils ne l’avaient pas fait exprès. Et même s’ils avaient pu l’éviter. N’empêche. Ils ont écrit. Ils ont témoigné. Cela autorisait toutes les vérifications. Les prisons sont mortes ou recyclées. Les prisons parisiennes sont presque des souvenirs, quelques estampes laissées, quelques clichés ou quelques lignes inspirées.
Si la prison m’était contée.
C’est l’histoire de poètes délinquants. C’est l’histoire de poètes incarcérés à Paris pour des raisons différentes à des moments différents. C’est l’objet du livre et sa prétention ultime : parler de la prison sans en avoir l’air, parce que les poètes n’est-ce pas, ça n’est pas très sérieux, avec les mots qui ne servent à rien, et leurs vies à l’emporte-pièce, et puis la détresse au bout du verbe, peut-être la mort pour quelques-uns.
La prison. Comme un palimpseste. Comme ses murs écorchés. De cela, il faudrait déposer. Avec le maximum d’authenticité et de sérénité. Avec la rigueur du scientifique et la ténacité du policier. C’est cela : conjuguer l’obstination et la précision. En cultivant sa mauvaise foi et ses préjugés. Parce que, dans cette enquête à peine commencée, il semble déjà nécessaire d’abandonner quelques noms au bord du registre : Verlaine, absent. Desnos, absent. Marot, absent. D’autres encore.
Il serait sans doute obscène de dresser ici l’inventaire de celles et ceux volontairement écartés. Comme des lieux passés sous silence.
Il n’y a rien à justifier. Sinon que pour trouver sa place en ce livre, il importait d’être poète, d’être passé par Paris et d’y avoir été incarcéré.
VILLON, FRÈRE HUMAIN, DANS L’ENFER DU CHÂTELET
En attendant la mort

Paris, janvier 1463. À l’ombre de la prison du Grand Châtelet, un homme s’apprête à mourir. Il s’appelle François Villon. Il porte la trentaine fatiguée de ceux qui ont déjà tout vécu. Quelques jours plus tôt, après l’avoir soumis au supplice de l’eau, la Prévôté de Paris l’a condamné « à être pendu et étranglé » au gibet de Montfaucon, pour sa participation à une bagarre de rue. Dans son cachot, il attend. Il espère encore. Il a fait appel devant la Cour du Parlement. Cet appel suspend provisoirement l’exécution de la sentence. Il reste peu d’espoir de clémence, car les jugements de la prévôté sont rarement infirmés. Sait-on jamais ? Il a déjà plusieurs fois échappé à la mort. La prison, il connaît bien aussi. François Villon est un voyou confirmé. Accessoirement poète.
C’est peut-être, à ce moment qu’il compose, d’ailleurs, la ballade des pendus , appelée autrement épitaphe , poème aux accents pathétiques {1} .

Frères humains qui après nous vivez
N’ayez les cœurs contre nous endurcis.

Le 5 janvier 1463, la Cour, contre toute attente, casse le jugement rendu en première instance, mais, eu regard à l

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