DESCENTE AUX ENFERS DE HÉRÉMAKONO
184 pages
Français

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DESCENTE AUX ENFERS DE HÉRÉMAKONO , livre ebook

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Description

Après une éprouvante aventure dans des contrées lointaines, Sadioba revient chez lui, à Hérémakono, riche, à la tête d'un troupeau. Diabarou, sa femme, met au monde Dougoukolo, Gayinako, Kalissi : des triplés. Mais peu après la mort de leur père, les trois frères s'entretuent pour l'héritage. Et c'est la descente aux enfers de Hérémakono, «En attendant le bonheur, Kalissi, le seul rescapé du fratricide, fuit. Après un long périple, il rencontre à Nantes Elisabeth, une française d'origine sud-américaine qui a connu l'Opération Condor des Tontons Macoutes en Argentine. Comme l'eau retourne toujours à la source, il décide de retourner avec sa compagne à Hérémakono, mais n'y entrera pas, car il sera assassiné. Seuls Korodiouga, qui a été compagnon de Sadioba, et Elisabeth reviendront à Hérémakono pour le sortir du précipice. Et héré !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2021
Nombre de lectures 44
EAN13 9789995292508
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DESCENTE AUX ENFERS
DE HÉRÉMAKONODépôt légal : Bibliothèque nationale du Mali
ISBN : 978-99952-925-0-8
© Éditions TAKABA, novembre 2021
Tous droits réservés.Éditions TAKABA
Sotuba ACI - Route de Koulikoro
BP : 9072, Bamako, Mali
E-mail : editiontakaba@gmail.com
Tél : (223) 76 84 84 45 / 63 17 30 87Sirafly DIANGO
DESCENTE AUX ENFERS
DE HÉRÉMAKONO
RomanPROLOGUE
Mon histoire est celle de Dougoukolo, Gayinako et
Kalissi.
Il était une fois, Dougoukolo, la terre, la terre
nourricière, la terre, mère des hommes, Dougoukolo, la terre,
berceau des créatures. Il était une fois, Gayinako, le
berger, Gayinako, le gardien du troupeau. Il était une fois
Kalissi, l’argent, Kalissi, l’or, la richesse.
Faut-il le dire ? Faut-il le raconter ? Comment le dire ?
Comment le raconter ?
Avec Dougoukolo, Gayinako et Kalissi, ce fut le
bigbang. Le monde à l’envers. Avec Dougoukolo, Gayinako
et Kalissi la conspiration remplace la coopération.
Mais on s’en souvient depuis le péché originel : « C’est
dans la peine que tu te nourriras tous les jours de ta vie, il
fera germer pour toi l’épine et le chardon et tu mangeras
l’herbe des champs. À la sueur de ton visage tu mangeras
du pain jusqu’à ce que tu retournes au sol… »
Il a été dit : « À l’origine du monde était la coopération.
Et non la compétition ».
Hélas Tant que les intérêts se croiseront le monde ne
sera que compétition et conspiration ! Mais c’est ainsi
que naissent les révolutions. Les uns veulent tout avoir
pour eux. Les autres regardent les uns manger, boire. Les
uns vivent et regardent les autres mourir. C’est ainsi que
9naissent les révolutions. Qui a dit : « Seuls les intérêts
unissent les hommes » ? Non, il n’a pas correcement dit
la formule, il devrait dire : « Seuls les intérêts divisent les
hommes ». Ce qui unit divise.
Ma mémoire est allée chercher au fond des abîmes
du temps. Descente aux enfers. Traversée du désert. Mon
histoire est l’histoire de trois frères. Trois frères ignorants
de leur histoire. Trois frères ordinaires au destin
extraordinaire. Mon histoire est l’histoire de trois frères,
Dougoukolo, Gayinako, Kalissi, trois frères.
Mon histoire est surtout l’histoire de Kalissi, un
homme banal au destin extraordinaire. Mon histoire est
celle d’un village. Village banal au destin extraordinaire.
Hérémakono, un trou perdu au destin profond.
Mon histoire est l’histoire de la dérive de Hérémakono.
Hérémakono signife « En attendant le bonheur ».
Hérémakono ne connaîtra le bonheur qu’après la
longue et éprouvante traversée du désert.PREMIÈRE PARTIE
« L’eau retourne toujours à la source. »
1. Les faits
Ce jour-là, c’était le moment crépusculaire. Le disque
jaune du soleil était dangereusement suspendu, prêt à
s’écraser dans le goufre de l’horizon, le point où le ciel
semble baiser la terre. Par hasard Famory passa par son
champ qu’il avait quitté depuis quelques jours. Il le
traversa de bout en bout. Les feuilles des pieds d’arachide,
couvertes de rosée, étaient incurvées. La nuit
commençait à envelopper la terre de son manteau. Famory
traversa le champ sans s’arrêter et prit la direcion du village.
Après un quart d’heure de marche, des voix indistinces
se frent entendre. Il tendit l’oreille. Il avançait en
direction des rumeurs, à pas de géant. Disons correcement la
formule : Il ne marchait pas, il se ruait, intrépide, vers les
rumeurs, la main sur la gâchette. Le soleil s’était
maintenant engoufré dans son lit de mer étale et laissa la place
à la lune qui pointa au point opposé. Maintenant le char
vaporeux de la reine des ombres montait et éclairait la
savane quand Famory aperçut au loin, sur une grosse pierre
en plateforme, deux ombres fantomatiques.
11Descente aux enfers de Hérémakono
À pas de félin, il s’en approcha, sans la moindre peur,
et découvrit de près qu’elles appartenaient à un homme et
à une femme. Nus comme au premier matin. Comme un
ver, le corps de la femme et de l’homme luisaient de sueur.
Là, sur cette pierre froide. À la belle étoile. La femme lui
faisait dos et sa lune luisait au clair de lune. L’homme
serrait la femme contre lui par les deux mains nouées
autour de la hanche de la femme. La statue et son ombre.
Mystère! Le chasseur reconnut le corps et l’odeur de sa
femme. La tête en ébullition, il marcha sur le couple. Son
instinc de fauve surgit. Il les mit en joue et hurla : « Vous
êtes cadavres ! »
Prise de panique, la femme se cacha derrière l’homme
qui reçut la décharge dans son estomac. Il s’écroula. La
femme se jeta sur la masse dont jaillissait un sang tout
chaud. Quand le chasseur Famory fut plus près du
spectacle pour lequel il donnerait tout pour ne pas y assister,
plus de doute : son meilleur ami, compagnon de case,
coupé au même couteau que lui gisait- là dans le sang
du crime, son crime à lui. Son instinc animal hurla une
seconde fois à l’endroit de sa femme: « Tu es cadavre ! »
Comme une chienne prise en faute par son maître, la
femme rampa à quatre pattes vers Famory, son homme.
Recroquevillée aux pieds de son mari comme une
dérangée, elle supplia l’homme dans un aveu d’impuissance : «
Ne me tue pas. Famory, si tu me tues, je le mérite, mais
pense à notre enfant. Si tu me tues que deviendra Fakoly,
notre unique enfant qui n’a que trois ans ? »
En un quart de siècle de mariage, c’était la première
fois qu’elle prononçait le prénom de son mari et ce fut
12« L’eau retourne toujours à la source. »
la dernière fois. Première et dernière fois d’appeler son
homme par le prénom. Selon les préceptes de l’éducation
traditionnelle des Malinkés, une femme peut appeler son
mari par tous les prénoms sauf le sien.
Famory déposa son arme. Il se mit à réféchir et parlait
un instant à lui-même : « Notre enfant ! Notre enfant !
Notre enfant ! Il fallait y penser avant, bien avant ! Fakoly,
il est déjà un homme. Un homme, c’est la providence qui
s’en occupe. Un homme c’est comme un papillon qui
butine de feur en feur le necar et le fel. Un homme est
l’enfant de la providence. Un homme ne se perd pas. Il y
a toujours une providence pour les déshérités. Toujours.
Maintenant, il est trop tard. Allons, passons à l’ace, la
réfexion fait de nous des lâches. Agissons ! »
Elle était maintenant sur les genoux, la tête au
niveau de la ceinture de son mari, les mains févreusement
nouées aux hanches de celui-ci. Comme si ce geste le
mettait hors de lui-même, comme si ce câlin mettait l’enfer
dans tout son corps et la folie dans sa tête, dans un geste
démentiel, le fusil dans une main, de l’autre il empoigna
la femme par les cheveux tressés. Il la souleva et la traîna
vers une termitière. Sur cette termitière il se trouvait un
arbre phagocyté par cette termitière et qui avait perdu
toutes ses feuilles et toutes ses branches. Dans cet arbre
tout blanc, il y avait des fourmis rouges. Il sortit de son
sac une corde et attacha la femme toute nue au tronc de
l’arbre et s’enfuit en pleine nuit dans la brousse. Avant le
petit matin les fourmis magnats ne laissèrent de la femme
que le squelette. Le lendemain, les villageois en partant
aux champs découvrirent le cadavre de la femme adultère.
13Descente aux enfers de Hérémakono
Et Famory se ft la paire de jambes. Famory était parti.
Pour toujours. Dans sa fuite, une voix lui sourdait des
profondeurs de la conscience : « Et pourtant je l’aimais.
Mon enfant ! Fakoly, je te confe à la providence. »
Il marcha des nuits, il marcha des jours. Il évitait les
villages rencontrés sur son passage par prudence. C’est
ainsi que ses pas le guidèrent à Bissandougou, au fef de
l’empereur Samory. Il se battit auprès de Samory contre
les Français. Il se battit contre la pénétration coloniale et
mourut au combat. Famory mourut au combat.
Fakoly, son fls, grandit. Il prit femme. Il était jeune et
la Seconde Guerre éclata entre la France et l’Allemagne.
Fakoly aussi partit en guerre. Une autre guerre. Mais
avant de partir, il avait dit : « Si je reviens, que l’on
m’enterre dans la case de mon père Famory. » Avant de partir
il se confa à son ami, le grand féticheur Kamafly :
« Je pars, mon ami Kamafly, au pays des « Oreilles
Rouges ». Je ne sais si je reviendrai. On sait quand on
va en guerre, mais on ne sait quand on en revient, si on
en revient. Je pars quand même. Mon père Famory n’est
jamais revenu. Si je ne reviens pas, quand ma femme
accouchera, si l’enfant est une flle, elle s’appellera
Nagnouma. Tu lui diras de ne pas trahir sa dignité et d’être
bonne épouse ; si l’enfant est un garçon, il s’appellera
Sadioba. Quand il saura faire la diférence entre sa droite
et sa gauche, dis-lui ces trois paroles de sagesse que m’a
transmises son grand-père. Qu’il ne brise pas la chaîne.
Qu’il les cultive ! Qu’il les frucife pour la postérité. La
pos-té-ri-té. Tu lui diras que « tout peut être utile, aussi
futile soit-il », que « le bonheur solitaire est haïssable » et
14« L’eau retourne toujours à la source. »
que « la plus grande force est la force de l’esprit ».
Ce furent les dernières paroles de Fakoly avant de
quitter son ami Kamafly et le village.
Ainsi, comme beaucoup d’autres bras valides, Fakoly
fut mobilisé pour la seconde Guerre Mondiale et on resta
sans nouvelle de lui. La guerre, c’est une sale afaire. On
sait quand on y va, on ne sait quand on en revient.
Serait-il mort à Treblinka. ? Qui sait ? En tout cas, il n’est
jamais revenu. Mort au combat comme son père ? Comme
tant d’autres ? La guerre, on sait quand ça commence, on
ne sait jamais quand ça fnit. Quand il partait, sa femme
était enceinte de six mois. Trois mois plus tard, elle
accoucha. L’enfant fut un mâle. Mais son premier cri
correspondait au dernier soupir de sa mère. Fakoly était en
train de se battre là-bas dans la guerre de la France contre
l’Allemagne. Il fut appelé Sadioba.
Maintenant, fermons la page d’histoire et
intéressons-nous au présent. Sadioba fut un enfant du destin.
Son grand-père avait dit : «. Un homme est l’

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