Filles au rabais
74 pages
Français

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Description

Le détective Georges Garnier est embauché par un client pour comprendre l’inexplicable suicide de sa femme alors que le couple était heureux et amoureux.


Une rapide enquête révèle que la défunte devait avoir des revenus qu’elle cachait à son mari. Riche amant ? Prostitution ? Les pistes sont floues, mais le danger, réel...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9782373477009
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES DESSOUS DE L'AGENCE GARNIER
- 6 -
FILLES AU RABAIS
de
J.A. FLANIGHAM
I
Daniel Meuriot grimpa allègrement l'étage. Il était heureux de retrouver la douce et belle Monique, l'amoureuse et confiante Mo nique.
Il tapota contre la porte, poussa la poignée, fit« Ouh Ouh », dans l'entrée, dit encore« C'est moi, ma chérie ! » puis son sourire disparut lentement et ses yeux, avec une nuance de stupéfaction, contemplèren t Monique, allongée sur le canapé de la salle à manger, livide, les traits déformés par la souffrance.
En un bond il fut auprès d'elle, s'agenouilla, prit sa main :
— Tu souffres ? Qu'est-ce qui se passe ?
Les grands yeux de Monique eurent une extraordinair e expression de joie pour contempler Daniel, puis, d'un signe de tête, e lle désigna la table, et, auprès du verre ; deux enveloppes.
— Je... je ne t'attendais pas si tôt, murmura-t-elle dans un souffle.
Il regarda la table, les enveloppes, le verre. Il y avait un résidu blanchâtre qui stagnait au fond du verre et des fines parcelle s blanches restaient collées aux parois.
— Qu'est-ce que ça veut dire ?
Il ne comprenait pas, ou ne voulait pas comprendre. Pas encore.
Elle eut un pauvre, un atroce sourire :
— Je te demande pardon, chéri... C'était pour toi...
Les yeux exorbités, il la contempla plus avidement, puis la vérité déferla sur lui, grondeuse, infernale. Il la secoua de toutes s es forces, et hurla presque :
— Tu ne vas pas me dire que tu t'es suicidée... Tu ne vas pas me dire... ?
Il y eut un sanglot dans sa voix :
— Mais nous sommes heureux depuis trois ans, heureu x... ! Tu as quelque chose à me reprocher, dis, tu as...
Elle eut un faible geste de la main :
— Rien... Je n'ai rien à te reprocher... Il fallait que je meure...
Brusquement, la souffrance disparut de ses traits. C'était comme si une main magique avait effleuré son visage pour en effa cer la crispation, les rides douloureuses. Elle était redevenue Monique la très jolie.
C'est alors qu'il comprit qu'elle était morte, et i l poussa un long hurlement en se jetant sur elle.
***
Georges Garnier regarda son visiteur. Il était blin dé contre la souffrance, contre une infinité de choses. Il avait l'habitude. Cependant, il se sentait ému. Il hocha dubitativement la tête, crayonna un mot sur s on bloc, puis releva les yeux sur l'homme assis face à lui.
— Elle a été enterrée avant-hier, Monsieur. Je sais combien ma visite, je devrais dire ma démarche, peut vous paraître ridicu le, voire grotesque.
Jo, par pudeur, écrivit de nouveau quelque chose su r son calepin.
— Vous comprenez, je suis certain qu'il y avait que lque chose de grave dans la vie de Monique. Quelque chose qui l'a pouss ée à se suicider pour respecter notre bonheur.
Il eut un geste d'énervement :
— Je sais ce que vous devez penser : qu'elle avait une liaison, que cette liaison a tourné court et qu'elle s'est suicidée pa r désespoir ? Non. Je dis énergiquement : NON.
— Je vous crois, fit doucement Jo.
Il ne savait pas pourquoi il disait cela, il le cro yait, et voilà tout.
— Peu de couples se sont aimés comme nous. Trois an s de bonheur parfait. De petites chicanes, bien sûr, comme partout, mais...
Il haussa les épaules, et Jo crut l'entendre gronde r entre ses dents :« À quoi bon ? ».
— Depuis quand aviez-vous l'impression qu'il y avai t quelque chose de grave dans la vie de votre femme ?
L'homme sursauta :
— Mais... depuis six jours. Depuis cette horrible m inute où elle m'a dit que c'était pour moi qu'elle mourait. Qu'il fallait qu'elle meure.
Jo hocha la tête :
— Qu'en pensez-vous ?
Il sursauta. Il ne pensait rien. Rigoureusement rie n. Comme s'il était facile de penser quoi que ce soit sur le suicide d'une femme jeune et jolie, aimée, aimante, dénuée de soucis matériels, non sujette à des accès de nervosité, un suicide totalement dénué de sens.
Il murmura pour lui tout seul, sous l'œil légèremen t perplexe de son client,
« un suicide dénué de sens », et ses yeux se dessillèrent.
— Il n'y a pas trente-six solutions... commença-t-il.
Puis il s'arrêta.
— Vous avez une idée ?
— Peut-être, mais il serait prématuré de me confier maintenant. Il est compréhensible que vous avez voulu laisser la polic e officielle en dehors de tout ceci. Je vais m'occuper de votre affaire. Je vous d emanderai, aussi douloureux que cela puisse être pour vous, de me laisser compu lser les papiers de votre femme, de m'imprégner un peu de l'atmosphère dans l aquelle vous viviez. D'accord ?
— D'accord.
— Pouvez-vous me recevoir chez vous ce soir, vers.. . disons 21 heures, après le repas ? Nous bavarderons.
Daniel Meuriot eut un regard légèrement étonné.
— Comme il vous plaira.
— Je pense qu'il faut fouiller très loin dans l'âme de votre femme pour essayer de comprendre et trouver une piste, si pist e il y a. Ce sera peut-être une tâche difficile, délicate. Vous n'avez pas peur ?
— Peur ?
— De ce que l'enquête pourrait révéler.
Un éclat d'une infinie douceur passa dans les yeux de Meuriot.
— J'aimais Monique, et Monique m'aimait. Je veux co mprendre ce suicide, rien de ce que votre enquête décèlera ne saurait m'atteindre dans ma confiance ni dans mon amour.
Il s'inclina :
— À ce soir, 21 heures, vous avez mon adresse.
— Bon courage, dit Jo, qui l'accompagna jusqu'au se uil.
Il revint lentement à son bureau. L'idée de tout à l'heure revenait, insinuante s'imposer à lui, et, comme pour s'en mieux imprégne r, il la murmura à mi-voix :
« Un suicide dénué de sens peut être un crime camou flé... »si l'on avait Et obligé cette jeune femme à avaler le poison. On ? Qui On ?
Il haussa les épaules :
— Tu es payé pour ça, vieux !
La porte s'ouvrit avec fracas, et Bernoux fit dans le bureau directorial une
entrée de fin du monde. Il se laissa choir dans un fauteuil, et dans une grimace qui fit paraître plus long son nez, il questionna, extasié :
— T'as vu la dernière robe de Christiane ?
— Comme si je perdais mon temps à reluquer les robe s de ma secrétaire !
— Ça va, faux frère, dis plutôt que tu pensais à au tre chose ?
Jo haussa les épaules :
— Qu'est-ce qu'elle a de sensationnel, cette robe ?
— Un genre de truc qui colle tellement à la peau qu 'on a envie de la faire éclater de rire avec l'arrière-pensée que les coutu res vont péter d partout...
Bernoux eut un regard rêveur et, d'une voix songeus e :
— J'ai l'impression que le spectacle en vaudrait la peine ? T'as pas besoin de lui dicter une lettre, par hasard ? Je pourrais peut-être essayer de la faire se gondoler ? Tu me donneras un coup de main pour rama sser les débris de la robe en question ? Qu'est-ce qu'on risque ?
— Ça ne te fatigue jamais de dire des conneries ? s oupira Jo.
— Bon, dit Bernoux, vexé, ça va. Parlons d'autre ch ose. Mais t'as tort de ne pas suivre mes conseils, vieux, on loupe un fameux spectacle, fais-moi confiance.
Il prit un air inspiré :
— Intéressant, le gars que tu viens de recevoir ?
— Sa femme s'est suicidée. Il veut savoir ce qui se cache derrière ce suicide. Elle était heureuse, ils étaient heureux.
Bernoux siffla longuement :
— Il veut aller jusqu'au bout des choses ? Il n'a p as peur de voir s'écrouler son rêve en nous demandant de fouiller dans le pass é de sa bien-aimée ?
— Il dit que rien de ce que nous pourrions découvri r ne risque d'atteindre la merveilleuse confiance qu'il a toujours eue en elle . Rigole si tu veux, mais ce type m'a ému, et, dans une certaine manière, son hi stoire m'intéresse.
— Moi, je veux bien, concéda Bernoux, mais j'ai com me une idée que le gars déchantera... D'une manière ou d'une autre...
Avec quelle amère ironie Jo devait-il se rappeler c ette phrase, quelque temps après... peu de temps après !
II
— Peut-être bien que Monique avait quelques complex es, reprit Daniel Meuriot après un pauvre sourire.
Il eut l'air de s'excuser.
— C'est un peu à la mode d'avoir des complexes, mai s comprenez dans le sens où je veux l'entendre ? De toute façon, ceci n 'expliquerait pas son suicide.
Il accepta la cigarette que Jo lui tendait.
— Encore un peu de fine ?
— J'accepte. Elle est excellente.
Jo remplit les verres et se carra plus profondément dans le fauteuil, se reprochant comme une sorte de sacrilège le bien-êtr e qu'il éprouvait, confortablement installé pour une causerie à bâtons rompus dans ce cadre agréable.
Monique Meuriot avait eu un goût exquis, et son int érieur était admirablement tenu. Meubles clairs, moquette grise, quelques rares bibelots, mais de bon ton, oui, tout ici était agréable, infi niment reposant.
Jo pensa que Daniel devait avoir une belle situatio n. De toute façon, l'intérieur impliquait un certain rang.
— Quel genre de complexes ? fit-il.
— Quand j'ai commencé à fréquenter Monique, j'avais une liaison. Une femme légèrement plus âgée que moi, très belle. Bea ucoup plus belle que Monique... Je veux dire, dans un autre genre...
Jo leva les sourcils :
— Mais... ?
— Non, je vous arrête immédiatement. Mon ancienne a mie est morte il y a deux ans.
— Bon. Continuez.
— Monique, pour je ne sais quelles raisons obscures et bien féminines, s'est toujours jugée très inférieure à moi. Elle a souffe rt tout d'abord de ne pas se trouver assez jolie. Pas assez élégante. Mon ancien ne amie était très mondaine, très... artificielle. Monique raffolait de ce genre , persuadée qu'il représentait pour moi l'idéal même de mon type, alors que, ce que j'a i aimé en elle, c'était sa simplicité, sa fraîcheur d'âme...
— Je ne vous suis pas très bien, dit Jo lentement. D'après les photographies
que j'ai pu contempler, votre femme était ravissante.
Daniel eut un pauvre sourire, et Jo eut l'impressio n qu'il retenait ses larmes :
— Ceci, c'est après... Après ce qu'elle appelait«la métamorphose ». Un visagiste trouva un jour le type réel de Monique et elle fut étrangement métamorphosée, il faut bien le reconnaître. Elle pr enait terriblement soin de son apparence physique, elle était extraordinairement c oquette, et tout cela, pour moi...
Il baissa la tête et quand il leva les yeux sur Jo, ils brillaient d'une force accrue, et c'est d'une voix plus forte qu'il affirm a :
— Non, je vous le répète, je ne puis comprendre, c' est pourquoi il faut trouver. Il le faut !
— Continuez à vous livrer, reprit Jo.
Daniel se leva.
— J'ai une belle situation, mais elle n'est pas enc ore à la mesure de ce que j'attendais. Monique faisait des prodiges pour être à la hauteur. Comme peu de femmes, elle avait le sens de l'occasion. Elle sava it s'habiller remarquablement pour relativement peu. Elle procédait par échanges, par combinaisons avec des amies.
Il sortit de la pièce, revint quelques instants apr ès, portant dans ses bras un somptueux manteau de fourrure :
— Afin d'améliorer notre budget, elle posait pour d es photographies de mode destinées à des publications étrangères. Ce ma nteau lui avait été prêté pour quelques jours. Vous me direz qu'il n'a peut-ê tre pas une très grande valeur, mais enfin...
Il eut un sourire navré :
— L'ennuyeux, c'est que je ne sais même pas à quel organisme elle s'adressait pour son travail. Ce manteau ne nous ap partient pas, et...
Jo n'eut pas besoin de toucher les longs poils pour constater que la fourrure était une très belle marmotte. Et pas de l'opossum teint, de la belle marmotte pleines peaux.
Daniel posa le manteau sur le divan et vint se rass eoir :
— Je ne comprends pas très bien, fit observer Jo, q ue vous ne sachiez rien, que vous n'ayez jamais rien voulu savoir sur les ac tivités de votre femme.
— Elle disait que c'était son secret à elle, reprit tristement Daniel. Elle était si fière de pouvoir m'aider, de contribuer à notre asc ension.
De nouveau, il se leva, fouilla dans le tiroir d'un secrétaire et revint avec un
paquet de photographies.
— Ce sont les exemplaires qu'on lui remettait.
Jo, une à une, regarda les photos. Il se sentait à la fois triste et intrigué. Curieusement intrigué, presque alarmé. Il connaissa it bien ce sentiment qu'il n'éprouvait, à coup sûr, que lorsque ses frémissant es antennes l'avertissaient de prendre garde.
Il contempla Monique en maillot de bain, Monique en robe du soir, Monique en deux-pièces, puis il rendit le paquet de photographies et fit observer :
— Très beaux bijoux...
Daniel hocha lentement la tête.
— Tous faux... Elle a été enterrée avec. Elle aimai t les bijoux. Je n'ai gardé qu'une bague, celle qu'elle n'aimait pas. Un bijou qu'elle avait rapporté un soir d'un étalage quelconque, une bague ancienne, ornée d'une verroterie, et dont elle avait peur. Je me demandais toujours — et je l e lui demandais d'ailleurs — pourquoi elle la gardait obstinément puisqu'elle ne l'aimait pas. Elle n'a jamais voulu me répondre.
— J'aimerais voir cette bague, fit Jo dans un souri re qui s'excusait.
Daniel Meuriot se leva, puis revint, en tenant entr e le pouce et l'index, une bague énorme. Jo la prit, la mit au bout de son pou ce, la fit lentement tourner en s'approchant du lampadaire.
Il se demanda si la stupéfaction ne se lisait pas t rop sur son visage et souhaita que non.
— Une pierre de pacotille, reprit Daniel d'une voix hésitante. Une pierre verte... Elle n'aimait pas le vert.
— Une émeraude ! pensait Jo... De la plus belle esp èce. Il n'y manque même pas ce léger crapaud qu'on ne connaît qu'aux p lus belles. Une émeraude qui vaut au bas mot deux millions !
Il rendit la bague à Daniel. Il ne savait que dire. Il avait, de toute façon, une infinité de questions à poser encore. Il se sentait un peu las, et aussi très écœuré. Monique, l'épouse tendre, confiante et tout e simple, s'estompait lentement, pour devenir une étrange créature pleine de duplicité, un petit...
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