Fou d Ahlam
111 pages
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Fou d'Ahlam , livre ebook

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Description

Pendant dix-sept mois, Elian, jeune professeur de philosophie engagé dans les tumultes de son temps en Algérie, attend avec impatience son premier rendez-vous avec Ahlam (le nom signifiant « rêves » en arabe). Cette ravissante étudiante en médecine n’a de cesse d’allumer les lampes inextinguibles de son insomnie. Mais la pandémie survient, et les autorités algériennes annoncent le début du confinement le jour même de cette première sortie avec Ahlam.
Les obstacles et les interdits qui se dressent devant les deux amoureux sont plus grands que jamais. La jeunesse et l’audace suffiront-elles pour surmonter les peurs, quand la répression politique, de surcroît, bat son plein ?
Louenas Hassani décrit avec sensibilité le rêve et la marche de la jeunesse algérienne pour se sortir de la dictature. Il aborde du même souffle la condition des femmes dans une société utraconservatrice, la place de l’altérité au milieu de l’urgence sanitaire et, surtout, il fait voir comment l’amour et les simples et tendres choses de la vie deviennent des outils de dépassement, des petites clairières qui cultivent des espoirs nouveaux.
Louenas Hassani est né à Bejaia, en Kabylie maritime. Il a quitté l’Algérie en 2001 pour poursuivre ses études en France, à Paris. En 2006, il immigre au Québec. Il enseigne présentement dans une école francophone à Ottawa. Il a déjà publié deux romans aux Éditions L’Interligne, La coureuse des vents (2016) et La république de l’abîme (2017).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 août 2022
Nombre de lectures 196
EAN13 9782895979104
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection Voix narratives dirigée par André Lamontagne
Louenas Hassani
Fou d’Ahlam
Roman
Du même auteur
La république de l’abîme Ottawa, Éditions L’Interligne, 2017.
La coureuse des vents Ottawa, Éditions L’Interligne, 2016.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Fou d’Ahlam / Louenas Hassani.
Noms : Hassani, Louenas, 1974- auteur.
Collections : Voix narratives.
Description : Mention de collection : Voix narratives
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20220240353 | Canadiana (livre numérique) 2022024040X |
ISBN 9782895978435 (couverture souple) | ISBN 9782895979098 (PDF) | ISBN 9782895979104 (EPUB)
Classification : LCC PS8615.A7817 F68 2022 | CDD C843/.6—dc23
Nous remercions le Gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa pour leur appui à nos activités d’édition.

Les Éditions David 269, rue Montfort, Ottawa (Ontario) K1L 5P1 Téléphone : 613-695-3339 | Télécopieur : 613-695-3334 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com
Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 3 e trimestre 2022
À la mémoire de toutes les victimes du coronavirus et à tous ceux et celles qui ont perdu un être cher.
À tous les détenus d’opinion, emprisonnés parce qu’ils ont osé le rêve d’une humanité meilleure.
Ici, sur les pentes des collines, Face au couchant Et à la béance du temps, Près des vergers à l´ombre coupée, Tels les prisonniers, Tels les chômeurs, Nous cultivons l´espoir.
Mahmoud Darwich
Je n’ai pas de veine : le confinement a commencé le jour de mon premier rendez-vous avec Ahlam. Tant de nuits à compter les étoiles, d’insomnies comme des lampes aveuglantes de lumière, de films que je me faisais, dont j’étais à la fois l’acteur principal et le réalisateur maniaque, pour que tout s’éteigne dans une allocution télévisée, au bout de quelques minutes d’un discours soporifique annonçant quasiment la fin du monde, ânonné par un président souffreteux, tout ce qu’il y a de fadasse. La voix sableuse déclamait la géographie inédite d’un monde au relief cahoteux. La terre ne nous réchauffait plus ; son dehors était désormais hostile. Dans une certaine mesure, nous devions tous nous cacher d’elle ! L’heure était venue où chacun fourbissait ses meilleures armes de solitude, de distanciation physique et sociale, l’ennemi étant aussi invisible qu’imprévisible : « Et cette guerre, nous allons l’emporter avec la volonté du Seigneur. Puisse Dieu nous sortir tous de cette calamité, et que le salut soit sur vous ! » conclut alors le chef de l’État, Doukaline Sania, que le Hirak 1 dénonce bien avant la tragicomédie d’élection.
Au portail de l’enchantement, la porte est scellée, fermée peut-être définitivement, à clé et à double tour. Hier, hier seulement, « le cœur de la terre était plus grand que sa carte géographique 2 ». Et les yeux noir de jais, immenses, quand le regard est une déclaration de possible, déclamaient le texte de l’invite amoureuse. Apportaient sur un plateau d’argent la nuit de l’odyssée. Hier seulement, les rires sardoniques d’antan se muaient en retenue.
Jusque-là, nonobstant les rares cas déclarés et le cataclysme s’abattant sur les pays, les lanceurs d’alerte poussant des cris d’orfraie aux quatre coins du globe relevaient pour nous de la théorie.
Le jeune médecin chinois de Wuhan, Li Wenliang, parmi les premiers à parler publiquement du risque pandémique, atteint depuis plusieurs semaines de la maladie du coronavirus, rendait l’âme le vendredi 7 février 2020. Quelques semaines auparavant, la police l’avait arrêté et avait accusé « le perturbateur » qui avait sonné l’alerte au péril de sa vie.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ne présageait rien de bon et exhortait les pays à prendre les mesures nécessaires et à coordonner la lutte mondiale avant qu’il ne soit trop tard. « L’ampleur du désastre à venir, nous avisait-on, est de taille à chambouler la civilisation. »
Quant à l’Afrique, des scientifiques, économistes, politiciens et tutti quanti jouaient et rejouent encore les Cassandre sur tous les plateaux : ils avançaient des chiffres dignes de la grande tueuse de 1918, la tristement célèbre grippe espagnole qui avait emporté de cinquante à cent millions de vies humaines.
* * *
Le temps était suspendu depuis notre dernière rencontre. Une année et demie que nous cultivions le possible. Dix-sept mois pour avoir enfin mon rendez-vous avec elle. Une idylle élevée sur des regards. Des sourires. Et un fagot de chimères.
Nous aurions pu écrire un livre pour les amants des yeux ; pour les sourires qui éclosent le jour pour allumer les lampadaires de l’insomnie la nuit.
La première fois que je l’ai vue, j’étais à ma deuxième année en master 2. Elle était alors en quatrième année de médecine. Elle surgit au milieu d’une foule d’étudiants. Je manquai de tomber en syncope. Un songe vaporeux de lumière qui révolutionnait le paysage. Des yeux de houri, des cheveux beaux, onduleux, le balancement aérien. Belle, longiligne, elle ne marchait pas : elle tanguait sur la surface impalpable de mes fantasmes. Le brun doré de sa peau sied aux déesses d’Orient et il y avait sur la bouche charnue qui éclaire son visage l’empreinte de l’indélébile sagaie. Elle avait le regard baissé, presque effacé, la pudeur qui grave la géologie de la mémoire.
— Oublie ! entendis-je alors, comme dans un reste d’écho, la voix de mon ami Jugurtha dont j’avais oublié la présence. Oublie, je te dis !
— Oublier quoi ?
— Oublie-la ! Ça ne couche pas sur terre, les houris. Tout le monde a essayé. Pas l’once d’une lueur. Une citadelle imprenable, je te dis. Ou alors…
— Ou alors quoi ? rétorquai-je, saisi de la même fixité pour qu’elle ne sorte pas du champ du regard.
— Il faut voir les bolides qui stationnent quand elle est là, des riches comme Crésus. Elle ne cille aucunement, je te dis. C’est une lesbienne, il n’y a pas d’autre explication. Les hommes ne l’intéressent pas.
— Ou son flegme est taillé dans le métal de l’insensibilité. Et quoi encore ?
— Mais tu vas où ?
— À tout à l’heure.
— C’est peine perdue, je te dis. Reviens !
Je me tournai.
— Elle est dans quel institut ?
— Dans quel institut veux-tu qu’elle soit ! Où se trouvent les perdrix ?
Je m’élançai de peur qu’elle ne s’évapore dans le désert de l’oubli. Courus la rattraper avant les oliviers qui séparent de l’institut de médecine. Parce que les perdrix, c’est là qu’elles nichent en effet ; à l’institut du Professeur Mahfoud Boucebci, ce psychiatre assassiné en 1993 par les terroristes islamistes, parce qu’il avait des rêves d’audace et de grandeur pour son pays.
Mon cœur cognait. Rien que sa présence réécrivait l’espace-temps. Elle était là, devant moi, dans un tailleur qui magnifiait son corps, livrait la jambe ferme, la cadence aérienne…
Au détour d’un bâtiment, elle se tourna et me regarda. Je décochai mon plus beau sourire. Jugurtha remonta un instant dans le souvenir. Et si les hommes ne lui faisaient aucun effet ? La douceur des yeux contrastait avec l’inexpressivité de son visage qui décuplait pourtant sa féminité. Je l’aimais déjà.
Je courus, décidé de l’intercepter. Contre la peur, dit-on, un seul remède : le courage, moi qui ne suis pas courageux, voire qui suis un peu lâche, si lâche qu’un regard peut éteindre le moteur de ma voiture.
— S’il te plaît, demoiselle !
Elle s’arrêta.
— Oui.
Mais les mots que j’avais précipitamment fagotés pour les lancer d’une traite, avant que quelque émotion inopportune ne remonte des profondeurs de l’âme un caillou dans la gorge, se noyèrent dans une flaque de soudaine amnésie.
— Je crois que je t’aime, lui dis-je.
Je ne me rappelle ni comment ni pourquoi.
— Excuse-moi ! réplique-t-elle, le visage inexpressif.
Elle me contourna élégamment. Cloué, figé, sous les regards indiquant qu’il « n’a pas froid aux yeux, le roturier qui s’en prend aux princesses », je pensai à peine aux étudiants qui se fendirent la poire d’un rire sardonique.
Je la suivis jusqu’à l’amphithéâtre où avait lieu son cours. La devançai à la porte d’entrée. Elle gardait les yeux baissés. Alors que les étudiants entraient, je l’attendais pour l’ultime baroud d’honneur. Elle leva un œil timoré, mais rien ne luisit dans ses prunelles. La salle était pleine à craquer. Ahlam dégringola par l’escalier à gauche de l’hémicycle, derrière les chaises bleues dotées d’écritoires rabattables. Elle atteignit la première rangée, déposa son sac et son cartable, prit place à quelques mètres du bureau surélevé derrière lequel se tenait un grand écran. À ce moment précis, entra de la porte à droite du bureau le professeur. On eût cru que le rideau se refermait définitivement avant que la pièce de théâtre n’ait commencé. Je regardais sa chevelure éclatante. J’avais l’impression d’assister à un majestueux crépuscule avant son inexorable retraite.
Tout à coup, avant que prostré je n’aie rebroussé chemin, elle se retourna, me regarda, presque un long instant, si long pour m’en apercevoir nettement, et me sourit. Je regardai derrière moi. En étais-je vraiment le destinataire ? Non, j’étais seul et des étudiants me fixaient, se demandant sans doute ce que je faisais encore là. Ses yeux fabuleux allumaient un à un les réverbères de mon être.
* * *
Les vieux racontent que, depuis 1962, l’année de l’indépendance du pays, jamais le muezzin de la grande mosquée d’Azyam n’a oublié d’appeler une seule fois à la prière. Il faut remonter très loin, des siècles peut-être, pour tomber sur un vendredi où la prière hebdomadaire obligatoire et collective n’a pas eu lieu. Selon la tradition prophétique, bien que les avis juridiques des fuqahâ’ divergent en la matière, pour que ladite prière prenne effet, d’aucuns arguent qu’il faut qu’elle réunisse douze croyants, d’autres qu’il en faut treize, à la tête desquels un imam ou l’un des fidèles présents pour la diriger. Autrement dit, ce n’était pas difficile de satisfaire à cette condition,

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