Géant
108 pages
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Géant , livre ebook

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Description

Infirmière, Millie vit pour son travail et ses trois enfants depuis un drame personnel. Grâce à Fabien, informaticien plus âgé, elle réapprend la légèreté, et le plaisir de vivre. Sa vie de famille reprend des couleurs, mais Fabien a un passé compliqué que Millie apprend à accepter peu à peu. Il rendra leur amour plus fort et plus simple à la fois, lui faisant découvrir un naturisme sain, en harmonie avec la nature landaise. Une histoire toute simple. Le bonheur, c'est géant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2017
Nombre de lectures 20
EAN13 9782958579227
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

GEANT
 
Découverte
J’ai fait un rêve

Millie est nue au milieu de la supérette. Elle pousse le petit caddie où s'entassent pain et biscottes. Elle a une furieuse envie de charcuterie et de saucisson.  Elle passe sans s'attarder dans le rayon frais.  Les autres personnes sont habillées, mais aucune ne fait attention à elle. Elle paie à la caisse, et se rend dans l'épicerie bio, juste à côté. La caissière ne porte pas de vêtements non plus.
Vêtue de son seul chapeau, elle achète un journal et des cartes postales. Puis elle déplie un petit carré de serviette couleur lavande pour s'asseoir et prend place, toujours aussi nue, à la terrasse du « Baba Cool ».
Quel drôle de rêve, se dit-elle en se réveillant.  
 
 Il s’appelait Roger

Roger s'est levé le premier, comme d'habitude. Pour réveiller sa femme en douceur, il compte sur l'arôme entêtant du café.  Préparé dans une cafetière à l'ancienne, il embaume toute la maison.
Bientôt Millie apparaît avec des yeux de hibou. Elle est en mode automatique.
 
 — J'entends l'appel du café, marmonne-t-elle.
 
Roger dispose devant elle une ficelle croustillante. Il la tranche avec application, y met juste ce qu'il faut de beurre.
 
— Tu veux quelle confiture aujourd'hui ?
 
Millie choisit la mirabelle. Offerte par des amis lorrains, c'est un peu d'exotisme pour elle. Le fruit mûr, gorgé de soleil et préparé avec amour, s'étale sur le pain doré. Millie lève les yeux, sourit.
— Je vais réveiller les enfants, dit Roger.
 
Les garçons ont moins de mal à se lever que Millie. Il leur manque souvent cinq minutes pour être à l'heure, surtout pour les jumeaux qui passent du temps à se disputer.
Adrien descend le premier.  C'est un ado aux boucles brunes et au sourire éblouissant. Sportif, bien dans sa peau, il traverse la vie avec une grâce tranquille. Populaire au lycée, il joue de la guitare. Ses études avancent bien, sans qu'il semble faire beaucoup d'efforts.
Éric et Nicolas descendent en se bousculant.
 
— Nico a perdu ma casquette, crie Éric.
—  N'importe quoi ! C'est toi qui perds tes affaires, réplique Nicolas.
— Vous cherchez quelle casquette ? dit Millie, fatiguée par avance.
— Ma casquette « New York » ! Il l'a perdue !
— Elle est au linge, ta casquette. Elle en avait besoin ! Dépêchez-vous de déjeuner, vous allez être en retard.
 
Les garçons se houspillent, engloutissent leurs bols de céréales. Roger a vérifié, la veille au soir, les carnets à signer et les sacs de sport. Il fait un petit salut et prend sa mobylette. 
Millie démarre un peu   plus tard. Avec la voiture familiale, elle dépose Adrien à l'arrêt de bus et accompagne les jumeaux jusqu'aux portes de leur école.
Millie commence plus tard son travail. Elle rentre plus tard aussi, pour trouver Adrien sur sa guitare et les jumeaux dans le jardin. Les devoirs sont faits, la table est mise et le parfum de viande rôtie la met en appétit. Elle n'a plus qu'à allumer trois petites bougies, pour mettre de l'ambiance avec leurs photophores roses.
Il est temps de bavarder paisiblement avec Roger. La vie d'une infirmière n'est pas toujours marrante. Il y a beaucoup à raconter. Roger sourit, raconte aussi son métier d'hommes, où les mâles se comportent les uns envers les autres comme des coqs dans un poulailler
.
— C'est à qui aura la plus belle crête sur la tête, s'amuse-t-il. Moi, ça me fait bien rigoler.
 
Roger a une autorité naturelle. Pas besoin d'élever la voix pour se faire respecter. Il travaille dur, arrive le premier au boulot et se bat au quotidien au nom de son équipe. Les gars sont contents de bosser avec lui. L'entreprise qui l'emploie a externalisé des tâches. Roger a été chargé d'encadrer les équipes. Il a négocié, pied à pied, son embauche au statut de cadre, en valorisant son expérience.
 
— Sinon je n'aurai pas de crédibilité, a-t-il expliqué, tout comme il a négocié des salaires décents.
— Sinon je vais passer mon temps à former des gens qui partent, a-t-il encore expliqué, obstinément. On ne va pas les garder si ça paie mieux ailleurs.
 
Millie est fière de Roger. Elle a toujours su qu'il était différent. Elle l'a su dès le collège. Ensuite elle est partie étudier à Bordeaux. Elle a papillonné un peu, collectionné les amoureux. Ils l'ont déçue. Elle est revenue à Blaye. Roger était toujours là.
 
— Je t'attendais, a-t-il dit simplement, et tout est devenu évident, lumineux. Les parents ont été surpris qu'ils se marient si jeunes, tout comme ils l'ont été de la naissance d'Adrien.
 
— Vous auriez pu profiter un peu, tout de même.
 
Adrien dormait mal. Ce n'était pas un bébé facile. Incroyable comme ses angoisses se sont amendées avec le temps. Sans doute a-t-il senti avec quelle attention ses parents se sont occupés de lui. Roger l'a promené sans relâche des nuits entières. Millie a acheté d’occasion un nid-d ‘ange spécial supposé évoquer le confort d'avant la naissance. Il a aussi été question d'une balancelle électronique, mais le mécanisme s'est emballé et ils n'ont plus osé l'utiliser.
Les jumeaux ont été cause d'une grossesse pénible, mais après leur arrivée l'appréhension s'est envolée. Ils étaient paisibles et rieurs. Ce n'est que depuis l'âge de la marche qu'ils se chamaillent sans arrêt. Quand ils se mettent d'accord, c'est pour se plaindre d'Adrien. Mais le grand frère les adore et ils le lui rendent bien.
Millie arrête là l'évocation des souvenirs. Elle voudrait taper sa tête contre les murs, parce que ça fait trop mal, par ce que ce n'est pas juste. Deux ans que sa famille a volé en éclats.
 Roger n’avait pas mis son casque et la camionnette ne l'a pas vu.
Adrien est enfermé dans sa chambre, comme d'habitude. Il écoute de la musique qui n'en est pas vraiment. Elle hurle dans ses écouteurs et endort son esprit.
Les jumeaux sont assis à la table du salon. Ils attaquent leurs devoirs avec une mauvaise volonté épuisante. Ils semblent avoir perdu la force de se disputer, et c'est ce qui inquiète Millie, maintenant. Son regard se perd dans la pièce. Il y a de la poussière sur les meubles et le désordre est partout.
 
— Vous pourriez ramasser vos papiers de bonbons, quand même.
 
Nico et Éric bondissent de leur siège. Ils jettent à leur mère un regard apeuré, et s'exécutent sans un mot. Millie réalise que sa voix monte dans les aigus. Elle s'en veut.
 
— Ce n'est rien, mes chéris. Je suis juste fatiguée. Qui a envie d'une limonade ?
 
Ils acceptent avec empressement. Leurs yeux reprennent vie. Millie réalise à quel point leur humeur dépend de la sienne. Roger n'est plus là pour équilibrer. 
 
— Les gars, on va se faire un foot et on laisse maman avec une petite bière, lançait-il avec un bon rire, quand elle avait besoin de décompresser. Millie n'avait même pas besoin de demander. Roger savait.
Millie n'a aucun plaisir à jouer au foot, réel ou virtuel. Elle s'était essayée sur la console, avant. Éric aimait beaucoup parce qu'il gagnait à chaque fois.
 
— Maman est nulle à   Fifa  , proclamait-il avec fierté.  
 
Il ne lui reste que la bière. Et un peu plus souvent qu'avant. Une bière le soir aide Millie à s'endormir. Elle est souvent réveillée par des douleurs chroniques. De plus, la ménopause est passée par là. Un peu tôt, comme pour sa mère, sauf que ça s'est arrêté d'un coup, plus de règles, plus de variations de l'humeur, plus rien. Des bouffées de chaleur et de l'urticaire à n'en plus finir. Le choc, sans doute. Puis, la déprime s'est installée, insidieuse. Le sommeil n'est jamais revenu.
Millie se prend une bière le soir. Mais elle a peur de la dépendance et s'abstient deux soirs par semaine. Ces jours-là, elle ne s'endort pas. Elle se perd alors dans des ruminations interminables. Parfois, elle plonge dans le sommeil quand il faudrait se réveiller. Dans la maison, rien n'a changé. Elle longtemps laissé les objets du quotidien à la place où Roger les avait posés. Un jour, sa sœur est venue et elles ont déplacé les affaires et les vêtements jusqu'au sous-sol. Elles ne sont pas entrées dans le bureau de Roger. Millie n'a pas voulu. Par contre, elle s'est mise à briquer la salle de bains. C'est une véritable obsession. Elle peut passer des heures à lustrer les miroirs, la cabine de douche, et même les toilettes. Si quelqu'un y laisse une trace de son passage, si elle trouve un cheveu dans la douche, elle pense devenir enragée.
 
— Ce n'est pas possible d'être incapable de tirer une chasse d'eau à votre âge ! Je ne suis pas votre esclave !
 — Dans la salle de bains, l'homme civilisé fait comme les Indiens :  il efface ses traces, leur répète-t-elle, quand elle s'est un peu calmée. 
 
La vie sociale est devenue un désert. Les coups de fil du début se sont espacés, il n'y a plus eu d'invitations, et Millie n'a voulu inviter personne. Au début, elle était trop triste. Ensuite, une sorte de routine a pris le dessus, elle s'est occupée de enfants en automatique et a laissé aller la maison, au point qu'elle n'ose plus y faire entrer quelqu'un. Les enfants aussi ont arrêté d'inviter. Ils n'y pensent pas, ou ils n'osent pas. Ou les deux à la fois.
Millie tient par son travail, et par les garçons. Ils sont tout ce qui lui reste.
Elle piste les jeux vidéo, interdit les jeux violents et le tir subjectif. Elle récupère les téléphones portables des jumeaux après le dîner, et celui d'Adrien à vingt-deux heures. Elle  est d'une crainte maladive concernant la sécurité. Jamais, jamais les garçons ne conduiront de voitures, ces engins meurtriers. Jamais. Ou le plus tard possible.  
 Millie, au jour le jour 
 
Millie travaille à l'hôpital local.  Elle est dans le service de médecine polyvalente. Le service s'occupe aussi de cancérologie.
Elle est de nuit cette semaine. Elle redoute et espère cet horaire, parce qu'en journée son corps sera présent à la maison, même si son sommeil est totalement anarchique. A l'hôpital, elle se sent chez elle et protégée. Elle se fond dans le décor comme l'infirmière parfaite. Les cheveux bien tirés, elle

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