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Junil , livre ebook

137

pages

Français

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2024

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À l’aube du premier siècle, dans l’Empire romain d’Auguste, la jeune Junil travaille dans la librairie d'un père vénal et tyrannique. Elle fabrique des papyrus aux côtés d’esclaves qui lui apprennent à lire. Les textes d’Ovide, poète interdit et exilé par l’Empereur, lui font l’effet d’une révélation. Contrainte de fuir, la jeune femme quitte l’Empire avec trois esclaves. Leur quête de liberté les mène au cœur des terres barbares, dans des zones de conflits qui leur sont étrangers, à la rencontre de peuples qui ne connaissent pas l’écriture. La passion de Junil pour l'auteur des Métamorphoses dont elle a sauvé un rouleau de la censure la conduit jusqu'au véritable but de son périple, Ovide lui-même. Junil est une épopée étonnante et un hommage vibrant au pouvoir émancipateur des histoires.Né en 1963 en France, à Perpignan, Joan-Lluís Lluís est de culture et d’expression catalane. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages et publiant habituellement à Barcelone, il est considéré comme l’une des voix les plus originales de la littérature catalane contemporaine.
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Publié par

Date de parution

23 août 2024

EAN13

9782494289475

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Ce livre a été publié avec le soutien
de l’Institut Ramon Llull.

Titre original : junil a les terres dels barbars
Première édition par Club Editor, 2021.
© Joan-Lluís Lluís, 2021.
Droits négociés avec Asterisc Agents.
© Les Argonautes Éditeur, 2024, pour la traduction française.

Identité graphique : Lauriane Tiberghien
Photo de couverture : ©istock/Perseomed
Portrait de l’auteur : © Victor P. de Óbanos
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Dans la lumière nous lisons les inventions des autres ; dans l’obscurité, nous inventons nos histoires.
Alberto Manguel , La bibliothèque, la nuit


Qu’en dites-vous, mes hommes, vous allez
me prêter vos mains, non ?
Herman Melville , Moby Dick

PREMIÈRE PARTIE
La province de l’étang

I
La rage meurt aussi
Il y avait un homme qui méprisait sa fille. Ce mépris, manifeste et constant, fut d’une certaine façon la cause de la mort de cet homme, qui n’interviendra donc que brièvement dans ce roman. Peu de temps après avoir surgi de la page blanche, il y retournera à jamais. Et même si sa présence restera vive et implacable dans l’esprit de sa fille, il ne fera ici que des apparitions allusives, sans doute superflues, comme une brise matinale qui renonce vite à souffler. S’effacer ; tel sera son châtiment.
Ce mépris sera aussi la raison d’agir de sa fille, l’aiguillon qui la fera avancer jusqu’à ce qu’enfin s’évente la pestilence qui l’aura accompagnée des années durant. Quand elle se sera décidée à affronter le mépris de son père, elle prendra soin de ne jamais s’approprier ce sentiment. Et puisque c’est elle, le personnage principal des aventures ici contées, le mépris cédera peu à peu le pas à d’autres sensations et principes. Le père étant mort, la rage meurt aussi. D’autres rages, peut-être, apparaîtront.
Il faut préciser que ce premier chapitre, qui peut sembler une sorte de prologue, de préface ou d’avertissement liminaire, fait partie intégrante de ce récit, ce roman, ou tout autre nom que l’on voudra donner à ces pages. L’histoire a commencé dès la 14 première phrase, quand père et fille, à peine ébauchés, se sont mis à exister, à respirer, à se mouvoir dans l’esprit de celui qui écrit, et peut-être aussi dans l’esprit de ceux qui estiment que cette lecture mérite pour le moment d’être poursuivie. La fille – appelée Junil – et le père – laissé sans nom – prétendent déjà être la chair et le sang d’une fiction qui opère depuis le premier mot. Et qui, sans plus tarder, continue.

II
Les gamines de huit ans
D’abord, le feu. Allumer le feu avec le bois amoncelé près du foyer. Juste pour faire bouillir l’eau des herbes du matin et cuire un morceau épais ou maigrelet d’agneau, de poulet, de chien ou de poisson. Pas vraiment de quoi se réchauffer. Mais ce qui importe, et Junil le sait, c’est que son père, au réveil, flaire les herbes puis flaire la viande et qu’après être sorti pisser, il s’approche des flammes pour s’assurer qu’elles lèchent bien son corps et, tout en se frottant les mains, décide si le feu a été allumé suffisamment tôt.
Et Junil attend le verdict du père, en feignant de s’affairer loin du foyer pour qu’il ne sente pas sa peur. Qu’il sent, bien sûr. Et quand le feu n’est pas à son goût, il la réprimande, étreint son bras jusqu’à le meurtrir, lui assène une gifle plus ou moins paresseuse ou lui tire les cheveux ; ou bien il lui prend la moitié de sa part de viande. S’il est bien luné, il exige qu’elle remette du bois, en lui rappelant que sans lui, elle ne serait qu’une mendiante, une traînée, une morveuse à l’article de la mort. Il jure, crache par terre, se gratte l’entrejambe puis regarde le feu pour y trouver une raison de commencer une nouvelle journée.
Junil obéit en silence et tente d’anticiper les désirs de son 16 père. Le premier de la journée, le feu, est le plus prévisible. C’est étrange, pense-t-elle parfois, qu’entre eux la paix matinale dépende du feu, alors que ce sont justement les flammes qui les ont conduits à vivre dans ce nid de rancœur, dans cette colère jamais vraiment apaisée du père et cette terreur permanente de la fille.
Car c’est lors d’une nuit de feu du temps d’avant qu’ils moururent tous les deux, pour renaître tels qu’ils sont à présent.
Voilà comment cela s’est passé.
Ils étaient cinq et vivaient près de la frontière, dans un village dont le marché, très fréquenté, permettait de maintenir un semblant de paix entre l’Empire du Sud et les barbares du Nord. Cette bourgade aurait même pu être prospère sans les bandes de pillards qui rôdaient dans les environs pour dépouiller habitants et voyageurs. Les maigres troupes qu’y envoyait l’Empire les repoussaient sans conviction, leur laissant le champ libre pour dévaler les montagnes les nuits sans lune et mettre un village à sac en quelques heures.
La nouvelle de l’assaut arrivait des jours plus tard, émoussée et déformée, à la capitale de la province. Si par hasard un fonctionnaire avait l’idée d’organiser une battue contre ces voleurs de grand chemin, il finissait souvent par y renoncer, faute de pouvoir convaincre le gouverneur ou ses mandataires. Au nord, chez les barbares, le pouvoir politique était un concept flou et les pillards pouvaient agir à leur aise, tant qu’ils évitaient les troupes du chef local. Après tout, les frontières semblaient plutôt stables et personne ne voulait vraiment se donner la peine de les contrôler. Alors tant que les bandits n’en faisaient pas trop, on les considérait comme une gêne acceptable.
Les villages devaient donc organiser leur propre défense. Et comme tous les hommes, le père de Junil patrouillait de temps en temps dans les montagnes, à la recherche de traces ou d’une 17 présence hostile dans la neige et près des sources. Même s’il estimait qu’un écrivain public comme lui aurait dû être dispensé de cette obligation, il se gardait bien de se plaindre. La bourgade était trop petite pour permettre à un érudit et à sa famille de mener une vie décente. Le potager et deux vaches à lait les nourrissaient davantage que la rédaction de lettres et de contrats. Devant cette dépendance forcée aux légumes et au bétail, le père feignait volontiers l’humilité.
Et c’est ainsi, au début d’un printemps encore cousu de gel, que Junil arriva au premier désastre de sa vie. Le père était sorti patrouiller. La fille, elle, était à la maison. Et ils ne surent jamais pourquoi ni comment le feu avait surgi d’un seul coup et tout ravagé.
Junil avait huit ans. Elle dormait dans son lit, tout comme sa mère, ses deux petits frères et le seul esclave de la famille. Quand plus tard elle essaiera de raconter ce qu’elle savait de cette nuit-là, elle n’aura rien d’autre à évoquer que la fumée, la lumière fendant l’obscurité, les cris de sa mère qui l’avaient réveillée en sursaut. « Je me suis levée en toussant… je ne voyais rien, mes yeux brûlaient… et ma mère hurlait en me tirant derrière elle… elle a ouvert les volets… m’a poussée dehors… je me suis fait mal au coude… et elle m’a dit “reste là, tu vas aider les autres à sortir…” Puis elle a disparu et c’est la dernière fois que je l’ai vue vivante… tout comme mes frères… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. »
Les flammes ravagèrent neuf maisons et tuèrent six personnes libres, trois esclaves, cinq vaches, seize porcs et toute une volée de poules et de lapins. Le feu résista jusqu’à midi, sans qu’on puisse en déterminer l’origine. Et le père, à son retour, n’avait plus que sa fille.
Il ne la méprisa pas tout de suite. Mais tout de suite il comprit qu’il avait été dupé dans son malheur. Quitte à avoir presque 18 tout perdu, il aurait préféré garder sa femme plutôt qu’une gamine de huit ans, ou l’un de ses deux fils, peu importe lequel, plutôt qu’une gamine de huit ans, ou peut-être même l’esclave, ou deux vaches à lait, plutôt qu’une gamine de huit ans. Les gamines de huit ans sont un boulet au pied d’un homme qui n’a plus rien.
Les jours suivants, ils logèrent avec les autres survivants dans les maisons les plus charitables. C’est alors que le père envisagea d’abandonner Junil. Les avantages d’être seul étaient nombreux, et les inconvénients de traîner une morveuse, considérables. Mais s’il l’abandonnait, il lui faudrait déguerpir pour échapper à l’opprobre qui se répandrait du côté sud de la frontière. La loi l’autorisait à se débarrasser de n’importe quel membre de sa famille, mais il y avait une règle plus sourde et profonde : celle des murmures et des regards de travers, qu’il savait implacable. Dans les terres environnantes soumises à l’Empire, il y aurait toujours quelqu’un prêt à raconter ce qu’il avait fait. Au nord, chez les barbares, il ne voulait pas s’y aventurer. Il lui fallait choisir : partir loin et seul, là où personne n’aurait entendu parler de l’écrivain public qui avait perdu toute sa famille, ou s’inventer une nouvelle vie avec sa fille comme fardeau. C’est ainsi que naquit le mépris.

III
Tu pourras prendre tes aises
Junil a grandi. Elle est désormais la personne la plus importante de la vie du père, la fille-servante qui se charge de toutes les corvées.
Ils vivent à Nyala, la capitale de la province de l’étang, à cinq jours en charrette de leur village vers le sud. D’après ceux qui ont le temps de s’essayer à des calculs, la ville compte plus de six mille habitants, esclaves compris. Et le père se démène pour s’y enrichir.
Ils sont arrivés ici un soir de printemps où l’hiver tentait un regain. Ils avaient voyagé à pied, sauf quand un paysan leur permettait de faire une partie du chemin au fond de son char à bœufs. Le givre fleurissait à nouveau et la neige, la dernière avant l’automne selon les plus avisés, avait fait de ce pér

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