L’esprit du jeu
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Description

Ils ont trois jours pour trouver un trésor. Mais aucun d’eux ne se doute qu’ils ont signé pour gagner ou mourir.
Le Centre d’Études « Psychopathogie et Psychanalyse » organise un test grandeur nature pour évaluer « les réactions émotionnelles innées et acquises selon le milieu social, l’âge et le genre ». Un mécène anonyme et richissime finance la mise en place de ce jeu très spécial.
Sept personnes sont réunies dans le château de Montrevault, entouré d’un domaine de plus de dix hectares et ceinturé d’un mur infranchissable. Chacune a signé un contrat de confidentialité en contrepartie d’une rémunération confortable et espère remporter la prime réservée au gagnant. L’objectif : découvrir un trésor caché dans la propriété.
Un couple de gardiens accueille le groupe et veille au respect des règles, dont l’interdiction de tout contact avec l’extérieur durant les trois jours de la compétition. Des indices, bonus et malus sont attribués aux participants, qui ont le droit de s’allier ou de faire cavalier seul, voire de se mettre des bâtons dans les roues.
Très vite, les joueurs se rendent compte que la plupart d’entre eux possèdent des capacités « hors normes ». Et que leur isolement n’est pas une simple figure de style…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 juin 2020
Nombre de lectures 301
EAN13 9782370116864
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’ESPRIT DU JEU
Marie-Pierre BARDOU
© Éditions Hélène Jacob, 2020. CollectionMystère/Enquête. Tous droits réservés. ISBN : 978-2-37011-686-4
Partie I
– 1 –
Journal de Stanislas, extrait 1 C’est la sensation de froid qui ne me quitte plus. Depuis près de trente-cinq ans maintenant, j’ai l’impression d’être pris dans un étau de glace. Chercher l’air. Ne pas le trouver. Avaler un liquide gelé qui brûle mes poumons, m’étouffer en recrachant. Suffoquer. Mon corps qui s’engourdit, d evient écrasant, pesant, incroyablement lourd pour la morphologie d’un petit de 5 ans. Il me semble que ce matin-là constitue mon premier souvenir concret. Selon les études en la matière, un enfant n’a, en général, de réelles réminiscences qu’à partir de 5-6 ans. Avant cela, il s’agit plutôt d’images, de sensations confuses, de flashes plus ou moins crédibles. Avant cela, pour moi, il n’y a presque rien. Je ne me souviens d’aucun événement, d’aucun visage. Seulement de quelques im pressions. Étrange. Comme si j’étais né le jour où je suis mort. Je jouais avec Thémis dans le parc. Non, pas Thémis , elle n’était même pas encore conçue à ce moment-là. Il s’agissait sans do ute de son père, Ouranos. Lui était de pure race, un immense dogue allemand d ont la robe argentée étincelait sous le soleil d’hiver. Sa descendance é tait bien moins parfaite. Thémis puis Atlas sont nés de croisements hasardeux avec d es bâtards, rencontrés au gré de leurs échappées au village et dans le coin. Ils y ont gagné une vigueur et, surtout, une longévité bien supérieures : les dogue s allemands meurent jeunes, comme tous les canidés de haute taille et de lignée sans mélange. S’abaisser pour devenir fort. C’est une des leçons que j’ai apprises. Mais, ce matin-là, dans le parc, je n’étais qu’un petit garçon qui jouait avec son chien. Il avait neigé pendant des jours et des nuit s sans discontinuer, et les grandes pelouses étaient d’une blancheur immaculée, les branches nues des platanes, habillées de glace et ployant, prêtes à s e briser, sous le poids de la couche floconneuse. Il n’y avait personne pour me surveiller. Ouranos é tait un gardien très sûr et je suppose que mes parents n’estimaient pas que je pus se courir le moindre risque à m’ébattre devant les fenêtres du château. Je ne me souviens que de l’immense silhouette argentée que je poursuivais en riant, mes bottes s’enfonçant dans la neige. Aveuglé par la lumière du soleil qui se réverbérait sur la surface étincelante, je ne voyais pas où je posais mes pieds, tout était recouvert uniformément d’un blanc cotonn eux et humide. Je ne me suis
pas rendu compte que j’étais en train de courir sur la glace avant d’entendre un craquement. C’était une sorte de gémissement, sinis tre, incongru au milieu de mes cris et des joyeux aboiements d’Ouranos. Je me suis arrêté, surpris, intrigué. Le sol s’est ouvert sous mes pieds et m’a englouti presque en silence. J’ai mis de longues minutes à mourir. * * * Candice Jour 1 – 6 heures Le loquet de la fenêtre grinça sous ses doigts lors qu’elle la déverrouilla. Aussitôt, un courant d’air glacé s’engouffra entre les interstices des volets encore fermés, l’enveloppant de son baiser mortel. Candice se pencha et dégagea les panneaux aussi vite que possible. Gestes sûrs, rapi des, maintes fois répétés. Trois niveaux. Les chambres et les commodités du de uxième étage, réservées au personnel du château : quinze pièces, et même si quatre d’entre elles seulement étaient utilisées, il fallait toutes les ouvrir. Au premier, les dix suites avaient chacune leur salle de bains privée, et Cand ice devait également déclore tous les volets. Le rez-de-chaussée comprenait huit grandes pièces, comportant chacune deux ou trois portes-fenêtres, sans compter la cuisine et les dépendances – le domaine exclusif de Geneviève. Le salon d’apparat, le petit séjour, la bibliothèque, la salle à manger, le bureau du comte, un autre cabinet, la salle de bal – qui ne servait plus depuis des siècl es – et, enfin, la salle de musique. Chaque matin, Candice ouvrait quarante-huit volets. Quarante-huit courants d’air qui lui glaçaient les os et figeaient son vis age en un masque de cire, bloquant sa respiration et menaçant de l’étouffer. Elle referma la fenêtre de la dernière chambre avec un frisson. Regarda autour d’elle. Il faisait encore sombre et le lampadaire d iffusait une lumière laborieuse dans la pièce confortable, qui serait celle d’un de s participants. Elle avait déjà vérifié que les sept lits étaient faits, que des co uvertures supplémentaires étaient à disposition dans les placards ; les radiateurs ro nflaient en cliquetant ; les coupelles, contenant des petits sablés tout frais, déposées sur chaque table de nuit. Candice était seule à s’occuper du ménage quotidien et, dans cette immense baraque centenaire, c’était un travail éreintant. Mais, la veille, une équipe de professionnels, spéc ialement embauchée pour l’occasion, avait investi le domaine pour nettoyer de fond en comble chaque recoin, sortir et épousseter chaque tapis, passer l ’aspirateur, le plumeau et l’encaustique, récurer l’émail des antiques baignoires et des lavabos. La vieille
maison avait craqué, gémi, tout étonnée par cette d ébauche d’activité qui la faisait émerger sans crier gare de sa léthargie hiv ernale. Tout reluisait de propreté. Satisfaite, Candice quitta la chambre et emprunta l’immense escalier qui reliait les deux premiers niveaux. On n’accédait au troisiè me étage que par celui de service, qui donnait sur les dépendances de la cuis ine à l’arrière du château. Monstrueux, l’escalier d’apparat s’élevait en une é légante spirale de pierre, ses marches rendues silencieuses par le velours rou ge qui les recouvrait. Les pieds de la jeune femme ne faisaient aucun bruit ta ndis qu’elle se glissait comme une ombre jusqu’au rez-de-chaussée, débouchant sur le hall majestueux, orné des portraits d’ancêtres : les Montrevault laissaie nt tomber des regards dédaigneux sur ceux qui osaient lever les yeux vers ces dignes personnages compassés, tout étonnés de n’être plus que des imag es dans un monde qui ne leur appartenait plus. Encore vingt et un volets à ouvrir. Candice pressa le pas. Elle finit par la bibliothèque, une vaste salle aux murs couverts, du sol jusqu’aux lambris, de rayonnages encastrés, meublée de fauteuils club en cuir et de canapés moelleux. Malgré sa hauteur sous plafond et son arrogance, c’était son endroit préféré. Elle aimait l’odeur des livres soigneusement entretenus, celle des matériaux nobles et de l’encaustique, les lueur s fauves reflétées sur le dos des ouvrages par la lumière du lustre. Candice allu ma un feu et la pièce s’anima soudain, comme si elle lui donnait vie. C’était ici que devait se réunir le groupe. Ils n’a llaient pas tarder à arriver, maintenant. La jeune femme se posta quelques instants face à l’ une des portes-fenêtres. Au-delà des vitres embuées, le parc s’étendait dans l’obscurité aux faibles éclats gris. Elle distinguait à peine le lac en contrebas, les massifs qui encadraient la fontaine gelée devant le perron. — Mesdames et messieurs, bienvenue au château de Montrevault ! Candice sursauta, se retourna brusquement : derrièr e elle, debout, dos à la cheminée, Michel répétait son discours. Il gonflait son torse et s’exprimait d’une voix de stentor. Elle eut l’image d’un coq de basse -cour et se mordit les lèvres pour ne pas ricaner. Le majordome tenait parfaitement son rôle. De taill e moyenne, grisonnant, il accusait un sérieux embonpoint que sa livrée mettait étrangement en valeur. On l’aurait dit sorti d’un roman victorien. — Vous êtes ici, continuait Michel, pour participer à un essai scientifique organisé par le Centre d’Études de Psychopathologie et de Psychanalyse, et nous vous remercions de vous être portés volontaire s ! Vous bénéficierez,
pendant votre séjour, de tout le confort possible dans… … dans les courants d’air, les volets grinçants, le s lames disjointes des parquets, le chauffage précaire et la plomberie aux caprices de diva… Candice n’écoutait plus le bonhomme et vérifiait ma chinalement la disposition des coussins, la propreté des guéridons. Elle s’app rocha de la délicate crédence en acajou qui trônait près de l’un des canapés : el le devait l’apporter à Geneviève, car cette dernière préparait le petit dé jeuner des invités.Au moins, ils mangeront bien, songea-t-elle. La cuisine de Geneviève était exce llente. En témoignait le ventre proéminent de son époux. Candice commença à faire rouler la desserte vers la porte de la bibliothèque. — Pendant trois jours, pérorait Michel derrière ell e, vous serez les hôtes du comte de Montrevault, qui est le généreux mécène de ce test d’un genre très particulier auquel vous êtes tous conviés à participer… Par les grandes fenêtres voilées de givre, une aube pâle et timide tentait de se frayer un passage parmi les ombres. Candice jeta un dernier regard derrière elle avant de franchir la porte de la bibliothèque avec sa desserte. Le dos et le fondement sans doute rôtis par le feu qui flambait joyeusement, Michel bombait le torse et continuait à répéter son discours, totalement investi dans son rôle. Candice hésita entre une certaine fo rme d’admiration, un soupçon de pitié et un zeste de mépris. Le majordome, sans cesser pour autant de parler, se tourna vers elle quelques secondes et lui adress a un clin d’œil. Elle sortit de la pièce, vaguement inquiète, un peu amusée.Il n’est peut-être pas si idiot, finalement… Dans le hall, la grosse pendule en chêne fit entend re ses lourds tintements, accompagnant les pas de Candice et le léger grincem ent des roues de la desserte sur le plancher lustré. Un, deux, trois… s ept. Ils allaient bientôt arriver. Tandis que la jeune femme longeait le couloir vers la cuisine et les dépendances, il lui sembla que le château se prépar ait à une invasion soudaine. Il retenait son souffle de ses antiques murs, aussi épais que la hauteur de deux hommes, et prêt à se défendre contre l’assaut final . Dehors, les lourds nuages encore sombres de nuit commençaient à peine à laiss er filtrer une pâle lumière.
2 –
Atlas Jour 1 – 7 heures Les brins d’herbe, figés de givre, craquaient comme des branches sèches sous ses pattes. Il avançait tranquillement, passan t par le verger derrière le château, contournant le poulailler où toutes ces bê tes ridicules et criardes s’étaient terrées dans le petit bâtiment en bois. L e coq aurait dû chanter, au moins. C’était son rôle, après tout. Mais pas une p lume ne bougeait ni ne frémissait dans l’air glacé et encore sombre de l’a ube. Il aimait bien les gallinacés, faciles à croquer sous la dent. Mais il n’avait pas le droit de pénétrer dans l’enclos. Atlas dépassa donc l’appentis, puis le potager où d es rangées de choux, de carottes et de patates s’alignaient dans la terre d ure et blanche, protégées par des bâches en plastique. Le mur de la première ence inte était bas, entourant toutes les dépendances du domaine, et le chien se m it à courir dès que le grand pré s’offrit à sa vue : une mer de glace, immobile et baignée de brume, comme surgie d’un rêve. Atlas avait besoin de se réchauffer. Ses foulées s’allongèrent et il galopa, élastique et tranquille. Il était vieux maintenant. Il préférait rester au chaud entre les remparts du château, gardant un œil vigilant sur ce qui s’y passait, qui y entrait. Il tenait mieux son rôle que cet imbécile de coq trop frigorifié pour réveiller la maisonnée à l’heure. Il aimait les flambées qui lui roussissaient le poi l et qui crépitaient dans l’air humide. Il aimait les craquements de la vieille bâtisse, ses chausse-trappes, ses recoins, les tapis moelleux sur lesquels s’allonger. Mais pour rien au monde il n’aurait manqué sa ronde matinale. Il était né ici, il y mourrait sans doute. Atlas avait semé quelques bâta rds au village et Candice avait déjà discuté avec le propriétaire d’un de ses descendants pour le récupérer, une fois éduqué par sa mère. Il avait vu la boule de poils noire comme l’enfer – la génitrice était un terre-neuve –, l’avait considéré avec une indifférence polie. Sa relève était assurée, s’éloignant plus que jamais d e la race élégante des dogues allemands dont, malgré son propre père peu orthodox e, Atlas portait encore fièrement les caractéristiques. La haute silhouette grise et musclée traversait la brume comme un fantôme. On percevait à peine, quelques mètres aux alentours , les contours des arbres et des bâtiments proches ; tout était noyé dans le bro uillard qui fondait l’horizon en
un rêve vague et oppressant. Un bruit diffus le fit ralentir. Atlas s’immobilisa , dressa les oreilles. Cela venait du portail. Il se remit en route au petit galop dans cette direction. * * * Mathilde Jour 1 – 7 heures Contre la paume de sa main, la vitre était glacée. Elle frissonna, resserrant autour d’elle, en un geste inconscient, son chandail en laine. Il avait un trou près du col. Elle ne l’avait pas remarqué avant que la p etite blonde n’y fixe ses yeux, en la saluant au moment de monter dans le bus, dans les lumières jaunes et tristes du parking de la gare routière. L’attitude de la fille disait :miteuse. Mais la gamine avait levé le nez et croisé son regard sans rien oser ajouter, évidemment. Mathilde maîtrisait à la perfection l’art de faire taire autrui. Il y a un trou, et alors ? Elle n’avait jamais accordé beaucoup d’importance à son apparence. Il faisait encore nuit dehors et la vitre reflétait partiellement son image, un visage austère, vierge de tout maquillage, des cheveux sombres vagu ement ramenés en chignon. Pourquoi s’intéresserait-elle maintenant à son allure, à 53 ans, alors qu’elle avait toujours dédaigné d’y prêter attentio n ? L’hygiène, cela suffisait largement. Mathilde chercha une position plus confortable sur le siège raide. Elle était seule sur sa rangée, le minibus pouvait transporter une quinzaine de personnes et ils étaient sept passagers, plus le chauffeur, é videmment. Quelle idée d’avoir décidé d’effectuer cet exercice en plein mois de ja nvier et au fin fond de la campagne ? À moins que cela fasse partie du test, j ustement. L’influence de l’environnement… Ils leur avaient parlé d’un château et d’une sorte de mise en quarantaine de trois jours. « Vous aurez une cuisinière, une bonne à tout faire et un majordome, avait déclaré madame Thomas. Vous n’aurez à vous oc cuper de rien d’autre que de votre mission ». Une mission… Mathilde sourit en fermant les yeux, e ssayant de dormir un peu avant d’arriver au domaine de Montrevault. Le ronro nnement du moteur la berçait et, de toute façon, il faisait encore trop sombre d ehors pour admirer le paysage qu’on devinait désertique et blanc de givre. Dans le véhicule, chacun se taisait. Depuis les quelques mots de salutations vagues écha ngés sur le parking, ils n’avaient pas été très prolixes. La fatigue, sans d oute. Peut-être aussi un peu d’anxiété. Chacun des sept participants à l’expérience venait d’une région différente.
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