L Homme en équilibre
160 pages
Français

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L'Homme en équilibre , livre ebook

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Description

Simon est un chef d'entreprise ambitieux, à qui tout réussit. Au lendemain d'un grave accident de la route, il se réveille aveugle à l'hôpital. Commence alors une lente descente aux enfers qui le laisse sans espoir jusqu'à ce qu'une technique révolutionnaire lui permette de recouvrer la vue. L'opération est une réussite, mais au fil des jours, son environnement, ses proches, plus rien ne lui semble familier. Qui est cette femme qu'il voit évoluer dans sa maison ? Par quel miracle peut-il lire et comprendre l'espagnol, lui qui n’a jamais appris cette langue ?Et pourquoi la photo de cet indien le hante-t-elle ?




Et si l’obscurité était le passage obligé...




L'Homme en équilibre nous plonge dans l'intrigue palpitante de ce retour à la vie, déstabilisant et mystérieux, qui fera de Simon un autre homme.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 novembre 2015
Nombre de lectures 13
EAN13 9782366510744
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Titre
Martial Victorain
L’Homme en équilibre
roman
Titre
Du même auteur Sur les traces d’un ange paru en 2012, Éditions les Passionnés de Bouquins La compagnie des Vermioles paru en 2014, Éditions Mon Village Fernand, Un arc-en-ciel sous la lune paru en mars 2015, Éditions L’Astre Bleu
Avertissement L’Homme en équilibreest un roman, sa narration une fiction. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ou pure coïncidence.
Ce roman est dédié au cacique Raoni et au peuple Kayapo, Que leur sage combat fasse planer sa lumière sur nos ciels assombris.
« Dans la nuit noire, sur la pierre noire, Une fourmi noire. Dieu la voit. » PROVERBE ARABE
Premier Signe Avéré
District de Warrington, Risley, Nord de l’Angleterre, 1935 Le vieux William Shelden était à son poste d’observation derrière la fenêtre de sa cuisine. C’est là qu’il passait une heure chaque matin depuis qu’il était veuf et que Rosanna — sa défunte femme — lui fichait la paix avec ses breakfasts à rallonge dont il n’avait que faire. Depuis qu’il était seul, il pouvait enfin prendre le temps d’observer la vie. C’était la chose la plus importante qu’il n’ait jamais aimé faire sur terre : observer la vie, essayer de comprendre comment fonctionnent les choses et la nature. Il avait observé beaucoup tout au long de ses quatre-vingt-huit années d’existence et appris tout autant à lire à travers ces observations méticuleuses et passionnées. La goutte d’eau qui se forme à la pointe d’une feuille d’arum et prévient qu’il va pleuvoir ; le vol nuptial de la reine des abeilles préparant l’essaimage à l’approche de l’été ; la course des fleurs d’hélianthes, charmeuses de soleil ; le jeu de la lune, ascendant, descendant, gibbeux ou bien lisse, indiquant si le grain sera bon à la récolte ; l’épaisseur des pelures d’oignon précisant les rigueurs de l’hiver à venir... Tout ça sans oublier le comportement déroutant de ses congénères qu’il ne parvenait pas souvent à comprendre. Et maintenant, il observait les mésanges bleues. Une tasse de thé noir posée sur une soucoupe de porcelaine fumait sur le petit guéridon à côté de lui. Chaque matin, à la même heure, il se tenait là, assis sur sa chaise paillée, une couverture à carreaux tirée sur ses jambes et sa paire de jumelles posée par-dessus, à ne pas bouger, à attendre que vienne la petite mésange bleue. Toujours la même. Toujours à la minute près. Réglée comme un rossignol de carillon. Tout au long de sa vie, jamais il ne lui avait été donné de contempler pareil spectacle… Le marchand de lait arrivait, la sonnette de son triporteur tintait deux fois pour annoncer son passage ; il posait la bouteille de lait, prenait les trois pennies dissimulés sous la latte de bois branlante du perron et disparaissait aussi sec en direction des maisons voisines. Lorsque le triporteur n’était plus à portée d’yeux, tout au plus deux minutes plus tard, elle arrivait. Battements d’ailes rapides, survol de l’objet par de brefs allers-retours lui servant à s’assurer que la voie était libre et elle se posait sur le goulot de la bouteille de lait. Commençait alors un becquetage appliqué de la capsule en carton qui finissait par céder. Ce n’était pas tant le fait que le petit animal boive dans sa bouteille avant lui qui intriguait ou dérangeait William Shelden, non, ce que le vieil homme essayait de comprendre, c’était la façon par laquelle l’oiseau avait bien pu se « renseigner » pour savoir que la bouteille contenait du lait. Chaque matin donc, à la même heure exactement, le vieux se trouvait derrière la fenêtre de la cuisine, immobile sur sa chaise, dissimulé derrière sa paire de jumelles. Et chaque matin, le petit oiseau bleu et jaune arrivait. Le même schéma se reproduisit ainsi durant près de cinq ans, depuis ce jour où le vieux avait trouvé la première capsule de bouteille déchirée. Et pendant que William Shelden vieillissait et qu’il observait toujours et encore, essayant de comprendre sans jamais se lasser, la petite mésange s’occupait à venir boire au goulot de sa bouteille de lait. Un jour, il fut décidé que l’Angleterre entrait en guerre contre l’oppresseur nazi et la récession fit le reste. Le livreur de lait fut privé de matière première et dut mettre fin à son activité. Et tandis que le ciel sur l’Europe s’assombrissait, on but en Angleterre à cette époque-là le thé sans nuage de lait.
La petite mésange bleue ne vint plus et William Shelden laissa ses jumelles de côté, rangées dans leur étui de cuir et dans le tiroir du haut de la commode en bois de rose, au salon. Combien de temps vivait une mésange ? Cette question perturba le vieil homme pendant les quatre années que dura le conflit. Après quoi, l’armistice fut proclamé. Le livreur de lait put reprendre ses activités de livreur, la petite mésange, à nouveau tremper son bec dans le liquide blanc, et le vieil homme, ressortir ses jumelles pour une joie toute intérieure. Mais ce qu’ignorait William Shelden, resté pensif à boire son thé noir derrière la fenêtre de sa cuisine, c’est qu’une mésange bleue ne vit pas plus de cinq ans et que, par conséquent, ce n’était plus le même oiseau qui, sous ses yeux, chaque matin se gargarisait du précieux liquide. Ce que le vieux ne sut pas non plus, c’est qu’au même moment, on ignora par quel miraculeux phénomène, au Danemark, en Finlande, et partout ailleurs en Europe, les mêmes petites mésanges bleues, de la même manière, se mirent à décapsuler des bouteilles de lait identiques et à boire le même précieux liquide. Un jour, William Shelden mourut. Il s’éteignit tel un cierge d’église passant dans un courant d’air ; il vacilla un peu au milieu de sa cuisine avant d’être soufflé par la mort et de s’effondrer. Il emporta avec lui bien des secrets glanés durant ses longues, très longues années d’existence qu’il passa à observer. Mais ce qu’il ne comprit, ni ne découvrit jamais, fut de savoir de quelle manière la petite mésange bleue avait su qu’il y avait du lait dans sa bouteille.
1
Clinique de La Sauvegarde, Lyon, 70 ans plus tard L’Homme avait la main posée à plat et caressait la surface lisse du vitrage. Le contact de sa paume sur la paroi était un bon indicateur. Cette façon de procéder était devenue un rituel, une sorte de passe-temps et presque un réflexe. Une manière de se rappeler qu’il avait basculé dans une autre dimension et qu’en dehors de lui demeurait un autre monde. Il prenait de cette manière, depuis neuf mois qu’il se trouvait enfermé entre les murs de ces quinze mètres carrés, la température qu’il faisait à l’extérieur. Tout du moins, essayait-il de s’en donner une vague impression. Ainsi, il sortait de son lit ou s’extirpait de son fauteuil pour se diriger en boitant vers la seule fenêtre que comptait la pièce. S’informer de la météo ne lui servait pas à grand-chose en réalité, mais maintenir un repère avec l’extérieur était nécessaire pour lui donner encore la force d’exister. Appuyé au cadre métallique, il sortit d’une poche de son jogging un paquet de cigarettes. Puis il tira sur le coulisseau à glissière de la fenêtre et alluma une tige de tabac dans l’entrebâillement bloqué à quinze centimètres. Sans cette précaution, il aurait immanquablement déclenché le système incendie comme cela s’était produit à deux reprises déjà, chamboulant en quelques secondes toute l’organisation de l’établissement. Il prit une longue et profonde bouffée de nicotine et resta ainsi, sans autre mouvement, égaré dans quelques pensées lointaines. La chambre qu’il occupait se trouvait au rez-de-chaussée, ombragée une grande partie de la matinée par l’imposante stature d’un cèdre enraciné à quelques mètres de là et dont les effluves douceâtres parvenaient à ses narines. Passé cet intervalle de mi-journée, le soleil se dégageait de la cime du grand arbre, et par pleines brassées de lumière venait se répandre sur le linoléum de la chambre qu’il réchauffait. Neuf mois donc que l’Homme vivait ainsi. Neuf mois qu’il n’avait pas remis les pieds chez lui. Neuf mois qu’il se remémorait les mêmes images. Neuf mois que la Place Clichy tournait en rond dans sa tête sans qu’il ne parvienne à s’en échapper ni à comprendre par quel chemin tortueux il en était arrivé là. Comment allait se dérouler ce retour auquel il avait si souvent pensé et qu’il appréhendait tant ? Serait-il capable de s’adapter ?Acceptern’aurait pas été le mot juste. À présent qu’il touchait au but, l’angoisse écrasait sa poitrine. Et le manège des images dans sa tête n’en finissait plus de tourner…
Paris, Place Clichy, 9 mois et 147 grains de sable plus tôt Le puzzle d’un ciel d’été se découpait aux arêtes des toitures où s’égouttait un lé de lumière bleue. Des relents de macadam imprégnaient les trottoirs et la Capitale se tenait dans la fraîcheur de ses immeubles haussmanniens. Il commençait à faire chaud, trop chaud même. Le soleil mordait, inoculant à la cité son venin chloroforme.
Remontant par le boulevard de la Chapelle, se mêlant aux renvois acides des gaz d’échappements et du goudron fondu, Paris Plage laissait échapper des remugles de karité et de crème solaire. Sur les quais déguisés, à l’ombre des remparts de béton dressés pareils à des auvents, la ville allongée étirait sa silhouette hybride et vulgaire. Un mélange de palmiers synthétiques et de sable rapporté. Dans des sursauts d’asthmatique, râlant et succombant à la fournaise, le monstre vous soufflait à la figure son haleine protoxydée. C’est dans le décor de cette citée anémiée que tout avait commencé. L’Homme, des mois plus tard en aurait acquis la certitude. Pour l’heure, assis à la terrasse d’un café, il savourait, posé sur le marbre italien de la petite table devant lui, un arabica éthiopien. À la fois pensif et englué dans la mollesse ambiante, suçant le filtre d’une cigarette, il prenait une pause bien méritée. Tout en se prélassant il observait avec empathie, située à deux pas de là, une bouche de métro qui déglutissait des passants moites ; petites grappes d’ectoplasmes ayant échappé de la plage pour réagir à une autre mécanique urbaine et parfaitement rôdée. Autant d’entrain à vouloir conserver une longueur d’avance sur le cadran horaire qui mène à la pointeuse, lui avait toujours paru d’un mortel ennui. Comment pouvait-on être aussi résigné ? Aussi obéissant ? Lui, était convaincu d’être au-dessus de tout. Inaccessible et sans horaire. Pourtant, même au repos, son esprit travaillait. Ainsi supposait-il que chacune de ces silhouettes se trouvaient prise au piège. Que chacun de ces hommes étaient semblables à des rats regagnant leur labyrinthe de couloirs ou bien, les galeries d’une mine de fond. Qu’ils allaient nourrir les entrailles jamais rassasiées de la ville et qu’aucun, jamais, ne reverrait la surface. Autant de pragmatisme lui donnait la nausée et le tournis. Toutes ces petites ombres passantes, cassantes, goutte à goutte de foule improbable et vulgaire, ne charriaient en réalité que des fardeaux d’illusions. L’Homme portait une paire de lunettes de soleil ce jour où tout avait basculé dans sa vie, des Pradaderrière lesquelles il dissimulait un regard torve, cerné et rougi par un trop-plein de fatigue. Il sortait à vrai dire d’une réunion qu’il avait eu du mal à conduire et depuis près de quarante-huit heures ne s’était pas retrouvé en position horizontale. Même si ce genre de marathon était habituel dans la course aux affaires que menait l’Homme, il aurait eu à ce moment-là grand besoin de repos et de détente. Mais du repos, il n’en prenait plus depuis longtemps, habité par la vertigineuse sensation de se trouver au cœur de la spirale. Mieux ! D’être cette spirale elle-même. Une sorte de derviche tourneur qui, sans jamais s’arrêter, entraînait le monde avec lui. Ainsi était-il persuadé que le jour où il cesserait de tourner, la terre cesserait elle aussi, que les bouches de métro n’avaleraient plus et que tout ça finirait par sombrer dans le grand désordre répugnant du chaos. Que toute cette horlogerie de précision, mille fois réajustée avec soin, s’enraierait. C’était ainsi, et il n’y avait rien à faire ; chaque matin le monde attendait que l’Homme se lève pour se lever à son tour. À bien y réfléchir, c’était peut-être là qu’avait été son erreur, sa bouche de métro à lui en quelque sorte : avoir perdu la notion délicate du temps. Cette paire de lunettes qui masquait les restes de sa nuit blanche, découpait l’architecture d’un visage oblong, affligé d’une mâchoire taillée à angles droits sur laquelle courait une barbe de trois jours. Il était vêtu d’un costume gris. D’ailleurs, de la racine de ses cheveux aux cristallins de ses iris, tout était barbouillé de gris dans l’univers de l’Homme. De près ou de loin. De son passé à son présent, de ses journées mouvementées à toutes ses nuits où il ne rêvait plus depuis longtemps. Tout chez lui avait toujours trempé dans cette monochromie étouffante. De la même manière, la vie de l’Homme à cette époque respectait l’axe précis d’une ligne droite sans fausse note ni accroc. Une ligne rectiligne, parfaitement tracée et ajustée au laser de la mondialisation. Douze années que cela durait. Douze années que tout était pensé, millimétré et dirigé de main de maître : la sienne. Plus d’une décennie passée à œuvrer sans relâche dans l’unique but de se maintenir au sommet de la pyramide. À l’écart de cette foule desimprobables, de cette lèpre des anonymes que représentaient les hommes-rats descendant dans le métro. Plus d’une décennie. Jusqu’à ce jour de trop.
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