L Otage
180 pages
Français

L'Otage , livre ebook

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180 pages
Français

Description

Lors d'un examen officiel, la fille d'un diplomate va composer à la place de sa soeur, avec la bénédiction du pére, lequel provoque un scandale dont les échos parviennent jusqu'au ministre. L'enquête, menée par un fonctionnaire attardé, débouche sur une conclusion hasardeuse, éloignée de la réalité. L'Otage est une belle peinture d'une société d'incompétents dans laquelle se meut un personnage à la limité de la naïveté.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 26
EAN13 9782296488687
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’otage
Faustin Mvogo L’otage
Roman
Du même auteur Guide pédagogique deL’Enfant de la révolte muette, Yaoundé, CEPER, 1996. Aspects de la littérature maghrébine, Yaoundé, PUY, 2000. Une Ecriture de la dénonciation ; la littérature maghrébine, Yaoundé, PUY, 2010
L’Adversité, source de créativité littéraire ; une lecture deMorituriet Timimoun, Yaoundé, CLE, 2010.
Rupture et transversalité de la littérature camerounaise, Yaoundé, CLE, 2010. (Sous la direction de) A paraître (L’Harmattan)
LePrintemps arabe: prémisses et autopsie littéraires. © L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96489-1 EAN : 9782296964891
Que vient faire le pot d’agile au centre d’une danse de gourdins ? Interrogation camerounaise inscrite dans l’intelligence traditionnelle du peuple beti.I Tara pète la forme. Il a négligemment écouté la musique diffusée par une station de radio périphérique qui met du baume empoisonné au cœur déjà meurtri par tant de mal ambiant, et qui permet aux auditeurs de débuter la journée avec un tonus un tantinet satanique. Lorsque les animateurs de la Radio Kilombo affectueusement nomméeLa Rakiparlent, c’est tout le bonheur du monde qu’ils promettent en agitant des bâtons pleins de prétention. Il faut oublier les coups bas, les trahisons et les incompétences qui sont, on peut le dire, le lot quotidien des services. Avant de revenir à cette station de radio, il avait déjà écouté très tôt ce jour, comme tous les matins, avec beaucoup de concentration, la méditation offerte par Radio Reine, une radio chrétienne de la capitale, entre cinq heures trente et six heures. La méditation du petit matin portait sur le Livre de Job, celui-là qui n’avait pas perdu la foi et l’espérance face aux multiples déceptions de la vie. Il croyait en Dieu, mais, ce dernier lui multipliait les déceptions. On disait, des tentations. Il était resté inébranlable dans la conviction de voir un jour les choses évoluer. En bien s’entend. Ce Job alors ! Quelle patience ! Accepter de voir mourir tous ses enfants, perdre sa fortune sans se révolter d’un tel traitement divin ! Attraper la lèpre et continuer à croire qu’il était sous la protection de Dieu le Très Bon !
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Tara est résolument de ceux qui ramènent les lectures ou les méditations à son quotidien. Est-il supportable que de grands saligauds continuent à jouer avec le devenir, voire la vie des autres avec tant de légèreté ! C’est décidé sans façon ; il ne se laissera pas abattre par l’ignominie, la délation et l’incompétence. Il doit réagir. Job avait eu raison de s’agripper à ses convictions. Alors, qu’est-ce qui ferait changer de manière de servir à Tara dès lors qu’il pratique l’équité et la justice au service des autres citoyens ! Dès lors qu’il a la conscience de faire ce qu’il faut faire, dans un monde où l’honnêteté est devenue et se stabilise comme un délit, comme dirait l’autre,il peut reposer en paix.
JMB, un speaker de Radio Reine, il faut dire, le présentateur vedette de cette radio chrétienne, introduit Etienne Maller. Celui-ci, comme s’il improvisait, et on assurait qu’il en était tout de même capable, égrène les multiples situations existentielles de découragement que l’homme est tout de même appelé à surmonter. Tara imagine les deux, l’un dans sa grande stature de Moine, avec des connaissances encyclopédiques et l’autre, plus petit, calvitie naissante et Diacre marié. Il se dit : ceux-là au moins, ils ont le discours qu’il faut, celui qui vous redonne le vrai tonus, pas celui qui poussait tout à l’heure à la gesticulation, au déhanchement, au tortillement, à la bousculade. Balle à terre. Balleau rasdu sol. Balle au-dessous de la ceinture. Envie généralisée d’aller aux gogues. Parce queLa Rakise meut en porte-parole d’un système de salissures ou de vomissures, cela dépend de la résistance physique duquidam.
Le chapelet du matin et la musique de circonstance diffusés par Radio Reine ne préoccupent plus Tara, déjà tourné vers la journée qui peut s’annoncer rude. La dose de spiritualité matinale consommée, il faut se retourner vers son application à la vie, accumulation génératrice, si on n’y prend garde, de doutes et de déboires. Que disait-il déjà ? Doute, déboires ? Pourquoi des mots si étranges, si douteux, si dubitatifs, si… on se croirait en face d’un membre d’un parti d’opposition, toujours à douter ou à rechigner, toujours à manifester de la mauvaise foi. Attention, c’est une maladie qui change de camp, en fonction du temps, en fonction du passage de l’autre côté, proche du pouvoir. Le doute disparaît, la
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chanson à l’adresse du guide suprême prend le pas, tout devient rose, explicable. Mais bon sang, pourquoi ne veut-on pas comprendre ? Il y en a qui ne puisent que dans la boue, dans les marécages, à fouiller des dépotoirs, à retourner les bacs à ordures au lieu d’aider à construire ce beau pays. Au secours ! Un serpent traverse le chemin. C’est le mamba vert, dangereux, agressif, rapide et malin. Il n’est alors que six heures et trente minutes, mais des bruits viennent déjà de tout le quartier d’Emana, dans la périphérie nord de Yaoundé. Grouillement de vie matinale poussée par le chant du coq plusieurs fois répétés, comme pour dire l’obligation à ceux qui sont pris de court de se lever. C’est que, depuis déjà une vingtaine d’années, des citadins avaient choisi d’aller vivre hors de ce qui était la grande agglomération. Des familles entières avaient quitté les grands quartiers très connus comme Nlongkak, Nkol-Eton, pour se replier vers Etoudi et Emana, nouveaux quartiers chargés de la promesse de calme et de tranquillité des campagnes, mais, à un jet de pierre de la grande ville de Yaoundé. Espoir déçu, le quartier s’étant mué au fil des jours, des mois et des années en merdier et traquenard permanent au vu et au su des forces de l’ordre ayant choisi la berlue comme mode de perception. On en voit qui, pour régler la circulation aux carrefours, choisissent de regarder faire, de regarder ailleurs, de laisser parfois des fous gérer le flux de véhicules, de causer et sursauter dès qu’ils entendent le froissement de la tôle dans un accident, demandent de présenter les pièces de la voiture, encombrant aussitôt la circulation qu’ils étaient chargés de fluidifier. L’un d’eux avait lancé à Tara un jour de pluie : « Hé, grand, il faut te mettre en marge de la loi. Tous tes papiers doivent être conformes, donc, je te recommande d’être en marge de la loi, sinon…Tout le monde doit être en marge. Vous les grands aussi.» Tara s’était interrogé toute la journée pour savoir si le flic comprenait ce qu’il disait. Ou encore la perversion étant devenue la règle, fallait-il, en effet, n’avoir jamais ses papiers en règle pour être en règle ? A bien réfléchir, ce devait être cela ; ne jamais être
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en règle parce qu’on gênait. La petite palabre est bien, elle crée des connaissances, elle occasionne des rencontres, des supplications, des pardons mon frère, vraiment je vais arranger cela bientôt. Le billet de banque peut aussi servir, surtout en cette deuxième quinzaine du mois de mars. Le type en règle gêne. Lui se croit où dans tout ça ? Les autres vont vivre de quoi à la fin alors ?
Tara avait compris que sous la pluie, l’agent n’avait pas son français à portée de la langue, mais proche de la débrouillardise manquée, à cause de cette fâcheuse manie d’avoir ses papiers en règle. Un ami italien de passage en était resté ébahi, ébaudi, surpris, déconcerté, trahissant la difficulté de comprendre que cette langue-là n’était pas la langue maternelle du policier et qu’il pouvait employer des termes de travers, pourvu qu’il donne l’impression d’avoir été au lycée.
Parfois aussi, les gens venaient de déguerpir malgré eux dans le cadre de la nouvelle urbanisation. La grande ville avale tout sur le chemin de son agrandissement et de la modernisation. La communauté urbaine avait alors recasé certains habitants des quartiers délogés à Etoudi et à Emana, de manière à en faire des quartiers de recasement. En fait, il s’agit de constructions alignées, se tournant le dos chaque fois, avec tout le temps un accès à la route. Ces constructions épousent souvent la même architecture, non pas sur la demande des autorités, mais par mimétisme. La même couleur bleue peut ainsi se retrouver sur le bardage de plusieurs maisons, vraisemblablement sans concertation préalable. Le propriétaire indiquait simplement la toiture du voisin comme modèle, un peu comme les noms étaient donnés lors du baptême quelque temps après la pénétration de la religion catholique dans la région du Centre. -Quel prénom de Sainte prends-tu ? Demandait le prêtre baptiseur. Antonia ! Répondait une postulante. Et toi ?Demandait encore le prêtre à la suivante. Le même !
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Alors, cinq, voire, huit ou dix personnes se retrouvaient avec le même prénom, celui d’Antonia, ou encore, Antoinette. Ce prénom changeait dès qu’un autre surgissait. On disait que c’était la raison pour laquelle beaucoup de gens portaient les mêmes prénoms et non pas parce que les Saints font défaut. Par exemple, Jean, Pierre, Anne, et les autres.
Il en va de même avec les formes architecturales des maisons. Si c’est la pente italienne, une série de cases doivent présenter le mêmelookplat, sur le point de laisser couler l’eau à l’intérieur aussitôt qu’un moindre trou affecte la toiture. Si c’est la forme conique, alors, tous se ruent dessus, chacun pour faire comme l’autre. Tu crois que c’est toi seul qui peux le faire ? Prétentieux.
On dit la route, pour ne pas dire autre chose de moins attrayant, comme piste, comme ravinerie organisée, comme crevasses dangereuses ou profonds nids de poule. Le courant électrique traverse bien le quartier. Une conduite d’eau avait été posée. Comme toute conduite, elle peut drainer une eau rouge ocre de la couleur de la terre rouge d’Emana, faisant douter des compétences du maître d’école qui disait l’eau potable inodore, incolore et sans saveur. On n’est tout de même plus à l’âge de la pierre taillée pour continuer à croire à des choses pareilles ! Le maître d’école était dépassé, il ne savait pas que la SNEC pouvait distribuer une eau de couleur or et vous assurer qu’elle était buvable en l’état. Des gargouillements du robinet régulièrement à sec ne découragent pas les consommateurs de l’eau de la SNEC, qui espèrent cette eau boueuse, comme on attendait le messie dans la bible.
Tu parles d’attendre, alors que tu n’as même pas vu les files d’attente devant la clôture d’un grand, un vrai alors, à l’entrée du quartier Emana. Il paraît qu’il est de la garde rapprochée du grand Boss. Il sort un tuyau de son mur et des seaux rouges, jaunes, bleus, noirs s’alignent pour recueillir un peu d’eau à boire, depuis cinq heures à l’aube, jusque parfois à huit heures, heure à laquelle la magnanimité s’estompe, se transforme en grognement. C’est quoi, c’est moi la SNEC ? Et même sa colère de devoir distribuer l’eau qu’il ne paie pas n’émeut pas le grand garçon, sûr de sa position privilégiée et confortable, occupé à mijoter des combinaisons dont les résultats sont connus d’avance, à cause des
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logiciels particuliers conçus intentionnellement sur place, avec l’aide des étudiants de l’IAI. Les gens continuent à s’aligner pour mendier une eau sale, le contraire donc de cette eau devant être inodore, incolore et sans saveur. Que voulait encore dire le maître d’école quand il affirmait que l’eau potable est inodore, incolore et sans saveur ? Ces gens-là avaient vraiment de l’esprit ! Ils sont dépassés par la modernité qui veut que la grammaire change, le sens des mots change, les propriétés de l’eau évoluent. Lamargedésormais dire… Au veut fait, c’est un gros mot, savant, que le policier doit utiliser pour épater Tara. En se souvenant de son cahier du cours préparatoire, il aurait remarqué la position marginale de la marge située donc à côté, hors.
Mais tout est en marge désormais : on bombarde la maison de quelqu’un tout en affirmant qu’on ne voulait pas le tuer, mais détruire ses installations qui se trouvent comme par hasard …dans sa chambre. On l’a vu dans un film libyen diffusé par une télévision française. Des héros français voulaient à tout prix capturer la Djellaba blanche au profit des rebelles officiels. Etre en marge, c’est vraiment quelque chose ! Tuer et dire que cela n’a jamais été de ses intentions. Comment lire alors la marge ? En fait, la raison du plus fort est toujours la meilleure, le reste est la marge ; nous l’allons montrer tout à l’heure. La raison du policier est toujours la meilleure, puisque c’est lui la force, même du désordre. Au fait, qui avait encore écrit cela et qui pensait si bien écrire ?
On s’éclaire désormais, non plus à la lampe à pétrole, mais à l’électricité, sauf le jour où la société en charge de ceci veut faire des économies sur le dos du consommateur. On appelle cela délestage. Ainsi, le peu d’énergie qui est envoyé ne suffit qu’à rendre les yeux beaucoup plus malades. Les ophtalmologues de l’Hôpital central se frottent bien les mains. La clientèle arrive. La consultation sera privée coûte que coûte, même et surtout sur place à l’Hôpital central. La possibilité de repasser le linge sans un déclenchement, ou de regarder à la télévision le film français à succèsLes Ch’tis, relatif au mensonge devenu le mode de vie français, n’existe que rarement. Les pannes de courant deviennent
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