La corde raide
246 pages
Français

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La corde raide , livre ebook

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Description

Nina accompagne Sloan, son amant, pour un déplacement professionnel dans le sud de la France. Ils font halte dans une station-service d’autoroute. Lorsque, après être allée aux toilettes, Nina veut rejoindre la voiture, celle-ci a disparu. Tout comme Sloan.
C’est le début d’une spirale infernale, dans laquelle Nina est happée, submergée progressivement : toutes ses recherches pour retrouver son compagnon n’aboutissent à rien et, peu à peu, ses proches commencent à douter de sa santé mentale.
Les choses se compliquent quand un mystérieux anonyme se met à pirater ses comptes, envoyer des messages fielleux à ses amis, détruire sa réputation professionnelle… Ou bien est-ce Nina elle-même qui sabote sa propre existence ?
Est-elle victime d’un harceleur ou en train de basculer dans la folie ?
Dépouillée de tout, elle va être très vite confrontée à un choix : se battre ou se laisser engloutir.
Et, quand on est sur la corde raide, on trouve parfois d’incroyables ressources…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 décembre 2021
Nombre de lectures 28
EAN13 9782370117144
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA CORDE RAIDE

Marie-Pierre BARDOU


© Éditions Hélène Jacob, 2021. Collection Mystère/Enquête . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-714-4
1 - Une pause
- Tu dors ?
J’ouvre un œil. Le soleil m’éblouit, illuminant violemment l’habitacle de la voiture, et je referme illico ma paupière.
- Oui, pourquoi ?
- Non, tu ne dors pas…
- Tu es trop intelligent, mon choupinet.
Je bâille, m’étire, me tortillant autant que je le peux sous la pression de ma ceinture de sécurité, et finis par écarquiller les mirettes sur l’intense lumière du matin qui me fait larmoyer.
- Salut, ma marmotte.
Je tourne la tête vers mon compagnon. Sloan semble en pleine forme, les yeux protégés par ses lunettes noires, ses deux mains posées tranquillement sur le volant. Il adore conduire et ne se plaint jamais d’être fatigué, d’avaler des kilomètres de bitume pendant des heures et des heures. Heureusement, vu son taf. Il est informaticien et intervient régulièrement dans les locaux des clients de la boîte qui l’emploie, pour résoudre de mystérieuses difficultés techniques. Je ne me souviens pas du nom de l’entreprise avec laquelle il a rendez-vous en début d’après-midi. Mais ça n’a pas beaucoup d’importance : je ne l’accompagnerai pas, de toute façon. Je ne suis pas censée être là, dans cette voiture de fonction, en train de traverser la France du nord au sud. J’aime bien cette sensation, passagère clandestine, vie secrète. Je fais descendre un peu la vitre de mon côté, juste pour reprendre contact avec la réalité : le vent qui s’engouffre dans le véhicule a ce parfum unique - du thym ? Du romarin ? L’iode de la mer toute proche ? - qui me transporte instantanément dans mes années d’enfance, les vacances, la brûlure du soleil, les jours nonchalants qui s’étirent à l’infini. Et le chant des cigales, bien sûr : même avec le vacarme des moteurs, on l’entend. Oui, ça y est, on est dans le Sud.
- Tu n’es pas trop fatigué ?
Sloan secoue la tête sans quitter la route des yeux :
- Non, ça va. Mais je boirais quand même bien un café.
- Ouiiiiiii ! Un caféééééé !
J’agrippe son épaule comme une moule trouvant son rocher et il rigole.
- J’ai vu un panneau il y a quelques minutes. Il y a une station-service pas loin.
- Pissotière ou vraie de vraie ?
Sloan déteste les modestes aires d’autoroute, là où on ne nous met à disposition qu’un pauvre abri pour permettre aux usagers une pause technique indispensable. Moi, je les aime bien. Elles ont un côté suranné, on y trouve souvent des tables et des bancs sous les arbres, pour les pique-niques, et c’est beaucoup plus tranquille que ces bâtiments hyper modernes où on croise des cars de touristes, des hordes de mioches en goguette et des personnes âgées derrière lesquels on piétine. Mais il n’y a pas de machines à boissons dans les petites aires d’autoroute, ce que Sloan ne manque pas de me rappeler :
- J’ai parlé de café, je te signale.
- Oh, ça va, mon chou grincheux ! Tu n’as pas eu ta dose de caféine, hein ?
Il se contente de se marrer, mais, quand je jette un œil à l’écran digital de la voiture, je me rends compte qu’il est déjà presque 10 heures du matin et que mon compagnon roule depuis au moins quatre plombes.
Il m’a fait lever aux aurores, ce que je déteste plus que tout au monde. Je peux supporter beaucoup de choses - inconfort, stress, vociférations, cheveux tentant de converser en braille -, mais mettre mon réveil avant 9 h 30 est un supplice. C’est l’une des raisons qui m’ont poussée à quitter mon travail de salariée et à devenir indépendante. À part quand je dois animer des formations, je peux organiser mon emploi du temps comme je le veux et c’est un luxe qui n’a pas de prix. Enfin, si, il en a un. Mais bref. Ce matin, mon téléphone portable m’a susurré à l’oreille ses gazouillis d’oiseaux à 5 heures, et même si c’est pour la bonne cause, je n’ai pas posé le pied par terre avec beaucoup d’enthousiasme.
J’avais, évidemment, tout préparé la veille et, moins d’une heure plus tard, Sloan passait me chercher devant le portail de ma résidence, avec mon sac à mes pieds et ma première cigarette aux lèvres. Que j’ai consommée jusqu’au filtre, avant de jeter le mégot dans une grille d’égout et de me coller une pastille à la menthe ultra-forte pour avoir droit à mon baiser. Beurk, a été son premier mot de la journée. Mon haleine au goût de nicotine n’est pas son parfum préféré, mais je ne renonce pas au secret espoir qu’il se remette un jour à fumer et que nous voguions, ensemble, sur les mers océanes des pestilences de boucaniers… Non, non, il faut vraiment que j’arrête la cigarette, c’est mal.
- Là !
Son ton triomphant m’arrache à mes rêveries de capacités pulmonaires en plein dévergondage, et je lève le nez pour apercevoir, juste avant qu’on le dépasse, le panneau indicateur proclamant l’imminence d’une station Esso, avec toutes les petites icônes rigolotes qui, depuis que je suis enfant, m’entraînent dans des suppositions abracadabrantes. Un lit, une tasse de café fumante, une pompe à essence, un restaurant… Avec Thomas, quand on était gosses et que nous rendions chèvres nos parents à l’arrière de la Volvo de mon père, nous nous racontions toujours des histoires sur les aventures de Simon le cafard, qui s’arrête à une aire d’autoroute. Et que peut faire Simon, dans cette station ? Grimper sur un matelas et terrifier un touriste, se glisser sous une assiette pour provoquer la panique des clients… On continuait jusqu’à ce que maman pète un plomb et nous menace de nous y abandonner tous les deux, sur cette aire. Mais elle nous lançait tellement souvent cet ultimatum que nous nous en fichions royalement.
Sloan met son clignotant et s’engage sur l’accès prévu, ralentissant tandis que j’ouvre grand la vitre, laissant l’air chaud, sec et odorant me gifler le visage. Vite, mes lunettes de soleil, mon sac à main, j’ai déjà les doigts agrippés à la poignée de la portière, alors que la voiture n’est pas encore garée. Sloan ricane :
- Une petite crise de manque ?
Il m’agace, avec sa supériorité d’ex-fumeur. Oui, j’ai besoin de ma dose, et alors ? Mais, avant la cigarette, l’obligation d’un arrêt pipi me tenaille - sous peine d’un désastre imminent -, et ensuite d’un café, évidemment. Et, avant tout ça, avant la catastrophe et le réconfort de la caféine, il me faut un baiser. Là, maintenant, tout de suite. Ou presque. Mon compagnon se gare un peu à l’écart de la station, à côté d’un énorme camion dont les vitres de l’habitacle sont occultées par un épais rideau sombre, et se penche vers moi. M’embrasse longuement. L’un comme l’autre n’avons pas une haleine très fraîche, mais tant pis.
- Je te rejoins à la machine à café !
Je m’éjecte aussitôt du véhicule de société de Sloan, dont les ailes s’ornent d’un superbe logo rouge qu’on remarque à cinq cents mètres, et je me mets presque à courir vers le petit bâtiment, lieu de délices tels que des cabinets de toilette et des distributeurs de boissons miraculeuses. Pourquoi faut-il toujours que Sloan se gare à pétaouchnok ? Toutes ces aires d’autoroute se ressemblent, avec leurs maigres buissons d’arbres offrant quelques ombres rabougries à des voyageurs avalant en vitesse de vilains sandwiches, les poubelles qui débordent, les pompes à essence, le va-et-vient continu des touristes, camionneurs, hommes d’affaires et familles braillardes. Mais j’aime bien, malgré l’aspect monocorde, ça a un petit air d’aventure - modeste, certes, mais en tout cas de changement, de déplacement, de pérégrinations… Je respire à fond l’odeur du thym mêlé à celle des pots d’échappement et m’engouffre, telle la furie moyenne, dans le bâtiment. Les cabinets, dans ces trucs, sont toujours au même endroit : au fond, avec un parcours fléché pour ceux qui disposent d’un sens de l’orientation vraiment catastrophique, et marqué des logos habituels : dames et enfants d’un côté, messieurs de l’autre. Joli ersatz de machisme : bien sûr, un homme ne peut pas emmener un bébé aux waters.
Je passe presque en courant devant les machines à café, je traverse le magasin qui offre ses sandwiches caoutchouteux - que j’adore -, ses chips et ses sodas, et je fonce dans les toilettes pour femmes, sous le regard morne d’une dame pipi assise sur une chaise bancale, face à une petite table et une coupelle remplie de pièces. Merde, est-ce que j’ai de la monnaie ?
Je lui souris vaguement et prends place, sagement, dans la file d’attente. Toutes les cabines sont occupées, il y a une vieille dame devant moi en plus de deux ados dont les jambes interminables, dans leurs jeans troués, me donnent envie de leur tirer les cheveux. Est-ce que j’ai des jambes interminables, moi ?
L’une des filles se r

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