La lecture à portée de main
27
pages
Français
Ebooks
2016
Écrit par
Pascale Léon
Publié par
Iggybook
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27
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Français
Ebook
2016
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Publié par
Date de parution
18 mars 2016
Nombre de lectures
1
EAN13
9782363155344
Langue
Français
Publié par
Date de parution
18 mars 2016
Nombre de lectures
1
EAN13
9782363155344
Langue
Français
« L’âme n’est pas plus à l’intérieur du corps que le corps n’est à l’intérieur de l’âme. »
Maitre Eckhart
*
***
« On naît en 1 jour. On meurt en 1 jour. On peut tout changer en 1 jour et l’on peut tomber amoureux en 1 jour.
Tout peut arriver en 1 jour. »
Matthew DeRemer
*
***
Le privilège d’une vie est d’être soi-même.
Au cours de ses pérégrinations, le héros doit trouver les voies qui ouvrent, ouvrent, ouvrent et finalement dévoilent le mystère de l’être que l’on est, dans la conscience de Bouddha ou celle du Christ.
C’est cela le voyage.
Joseph Campbell
CHAPITRE 1
Avant l’opération, le professeur S se montre rassurant. Ses dernières paroles résonnent encore dans mon cerveau anesthésié :
— N’ayez aucune crainte, le docteur L et moi-même, allons prendre bien soin de vous.
La pression de sa main sur mon épaule confirme ses paroles de réconfort tout en m’indiquant le signal convenu pour commencer le compte à rebours :
-100,99, 98,97, 96...
Je reçois du thiopental par intraveineuse et mes paupières s’alourdissent doucement.
— Scalpel, réclame le professeur S.
Dans un silence religieux, l’assistante passe l’instrument au chirurgien.
Une intervention de ce genre peut durer de trois à quatre heures s’il n’y a pas de complication. J’en connais chaque étape pour avoir visionné en boucle plusieurs opérations sur YouTube.
J’avais besoin de me familiariser avec ce qui apparait, de prime abord, comme une ignoble boucherie. La première fois que j’avais trouvé le courage de regarder un de ces actes chirurgicaux, je n’avais pu en suivre que quelques minutes et je m’étais mis à douter du bien-fondé de ma démarche. Était-il vraiment nécessaire de subir tant de souffrance ? Était-il possible que certaines personnes soient nées pour endurer un calvaire psychologique et physique toute leur vie ?
Ma verge est maintenant coupée dans la transversale et l’instrumentiste se prépare à prélever un lambeau de peau libre du scrotum.
Mon sexe, qui n’a jamais servi à autre chose qu’à uriner, connait ses derniers moments et ils ne sont pas glorieux.
D’un geste sûr, le docteur L sectionne le ligament suspenseur du pénis avant que le professeur S ne s’attaque à la séparation du corps spongieux des corps caverneux.
Du sang s’écoule soudain à profusion.
— Il nous fait une hémorragie. Compresse !
Le docteur L s’adresse à l’infirmière qui semble pétrifiée sur place. Les bras ballants, elle regarde le sang jaillir.
— Compresse, demande à nouveau le chirurgien dont la voix reste calme malgré l’urgence de la situation.
Il sait que la jeune femme est nouvelle dans son service et qu’elle n’est pas familière avec ce genre d’intervention.
L’infirmière se tourne vers un plateau métallique où des instruments sont alignés en bon ordre. Pendant un court instant, qui semble être une éternité, elle parait chercher des yeux ce que l’on vient de lui demander.
— Réagis, bon sang ! Je ne vais quand même pas y laisser ma peau à cause de toi !
Comme si elle m’avait entendu, elle reprend ses esprits et passe des compresses au chirurgien qui continue à s’affairer dans la précision et le sang.
Les lumières du bloc opératoire sont violentes et révèlent tout de mon intimité.
On taille maintenant mon gland en triangle afin de former le néo clitoris. Le flux sanguin est toujours impressionnant, mais pour moi, il est synonyme de changement. Comme le phénix renait de ses cendres, je vais renaitre dans le sang.
Je n’ai pas peur. La peur n’a plus d’emprise sur moi. Trop longtemps, ce sentiment au rabais a étiquetté chacune de mes pensées, chacun de mes gestes, mais je n’ai jamais redouté la mort. Pour craindre la mort, il faut aimer la vie et jusqu’à ce jour je n’en ai pas eu l’occasion.
Une enfance passée sous le joug d’une autorité paternelle inflexible et intolérante, une adolescence jalonnée par les humiliations et la haine et une toute nouvelle expérience d’adulte aussi difficile que le parcours du combatant, sont autant de raisons pour vous faire haïr le fait même d’exister.
*
***
Pendant les mois qui ont précédé mon voyage en Thaïlande, je me suis souvent entretenu avec le professeur S sur les risques encourus au cours de ce genre d’opération. Il ne m’a pas caché que certaines zones très vascularisées pouvaient parfois entrainer des hémorragies, mais il m’a assuré que jusqu’à présent, il était toujours parvenu à les endiguer.
— Sa tension chute, annonce soudain l’anesthésiste. Attention, il va nous lâcher.
Les yeux du docteur L vont du moniteur à l’écarteur de chairs qu’il est en train d’ajuster pour permettre au professeur S de réaliser une petite incision dans la peau se trouvant au-dessus du fourreau.
— Il nous lâche. Planche à masser, lance de nouveau l’anesthésiste à l’attention de l’infirmière.
Celle-ci ouvre une série de placards, sans trouver ce qu’on vient de lui demander.
De mon poste de vigie, au-dessus de la table où mon corps est allongé, j’ai une vision à 360 degrés. Mon cerveau réagit en accéléré et mes yeux ont la faculté de zoomer.
Je suis dans les pensées de chacune des personnes présentes dans le bloc opératoire. La situation parait alarmante, mais je ne ressens aucune angoisse, aucun stress.
Lentement, presque avec délice, je me sens glisser vers quelque chose de lumineux et de serein.
D’abord lointains, des fragments de lumière se précisent au fur et à mesure que j’avance dans un long couloir que je pense être celui de la clinique. Sans transition, je me retrouve en plein air. Je marche maintenant dans une immense prairie dont l’herbe haute caresse mes jambes. Mes pieds nus foulent à peine le sol qui est moelleux et tiède comme un tapis de laine.
Je croise des créatures blanches qui se promènent aussi légères que si leur corps n’était qu’un voile transparent. Lorsqu’elles me regardent de leurs yeux de lumière, je ressens une vibration d’amour très haute. La présence de ces êtres ou plus exactement de ces silhouettes éblouissantes me comble d’une joie immense. Un sentiment de paix, comme je n’en ai jamais ressenti jusqu’alors, emplit tout l’espace.
Le temps n’est plus quantifiable. J’ai la certitude de me trouver au paradis même si cet endroit n’a rien à voir avec l’idée que l’on se fait généralement de l’éden. Ce paradis n’est pas dans les cieux, mais bien sur terre et je pressens que je suis là pour rencontrer Dieu.
Une silhouette encore plus brillante que les autres s’approche alors de moi. Sans remuer les lèvres, sans émettre un son, je l’entends qui me dit :
— Tu es en avance. Mais, tu es là pour une raison. Parle sans crainte.
Nos esprits sont connectés. Je sais qu’il ne peut être que le Tout puissant. Je lui pose donc, en toute confiance, la première question qui me vient à l’esprit. Celle qui me hante et qui hante la plupart des chrétiens concernés par le jugement dernier :
— Ai-je fait le bon choix ? Suis-je dans le bon chemin ?
— Il n’y a pas de bon ou de mauvais chemin. Il n’y a que le tien ou le sien, répond l’Éternel en désignant un être de lumière qui passe près de nous en fredonnant.
Pendant les quelques minutes qui suivent, un silence magnifique s’installe. Je comprends que je suis éternel moi aussi et j’ai conscience d’être et d’avoir toujours été.
— A mon tour, de te poser une question, dit celui de qui émanent la sagesse, la connaissance, la bonté, l’amour et la justice.
Il me regarde alors comme l’on ne m’a jamais regardé auparavant.
— Comment as-tu aimé et qu’as-tu fait pour les autres jusqu’à ce jour ?
Je n’ai pas de réponses à ces questions et pourtant j’en perçois tout leur sens, toute leur profondeur.
— Je sais que lorsque j’accomplis un acte de bonté, j’existe dans le cœur de la personne à qui j’ai fait du bien et que j’en reçois aussi les bienfaits. L’inverse étant vrai également.
Ces paroles me viennent naturellement et je demande alors à Dieu c