La force de la foi
144 pages
Français

La force de la foi , livre ebook

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144 pages
Français

Description

Né d'un prêtre et d'une mère au foyer, Marcel n'avait pour tout atout dans la vie que sa stricte éducation religieuse et la force d'une foi déterminée et agissante. Tout premier bachelier de son village, il va s'inscrire à l'université à des centaines de kilomètres et atteindra les cimes de la vie sociale à travers les fonctions de député de l'Assemblée nationale. Grâce à la force d'une foi inébranlable, le fils du prêtre est devenu le miroir d'une société.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 67
EAN13 9782296472426
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La force de la foi
Voix et sources Collection créée et dirigée par Clément Dili Palaï
Cette collection s’intéresse à tous les domainesdela littérature, dela culture etdes sciences socialesenAfrique. Ysont publiésdes textesayant pour soclelaparole,source créatrice ettentrice desavoirs: généalogies, biographies, chroniqueshistoriques,poésies,recueilsdetexteset résultats derecherchesen rapportavecl’oralité africaine, etc.
jàparu:
GabrielKUITCHEFONKOU,Voixde femmes,2010.
Dahirou Yaya
La force de la foi
Roman
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56554-8 EAN : 9782296565548
CHAPITRE I
Depuis un mois qu’il était dans la capitale du pays, Marcel passait sa trentième nuit blanche, harcelé de pensées grises liées à sa condition humaine et à son avenir où le noir et le gris étaient les couleurs prédominantes. Ni son enfance passée dans un foyer chrétien entouré d’un père catéchiste, d’une mère ancienne d’église, d’une sœur profondément croyante et d’un frère turbulent, ni son adolescence vécue successivement entre l’internat et les domiciles de différents tuteurs austères, ne lui avaient procuré les plaisirs et les tendresses indispensables constitutifs des joies de la jeunesse. Il avait toujours tiré le diable par la queue, voulant tout et manquant de tout. Il observait attentivement la frêle lumière d’une bougie presque entièrement consumée, plongé dans des pensées obscures. Comme toutes les nuits, il avait déployé beaucoup d’efforts pour trouver le sommeil, sans succès. Sa conscience était trop agitée et tous les efforts qu’il fournissait pour trouver la paix de l’esprit contribuaient inévitablement à le plonger dans un état aigu d’anxiété et de désespoir. Les douze coups de minuit avaient retenti depuis bientôt une heure et leurs échos s’étaient évanouis dans la nature calme, tout comme d’ailleurs le vacarme de la ville cosmopolite. Seules quelques rares pétarades de moteurs signalaient çà et là le passage des derniers noctambules. Soudain, il se mit à pleuvoir. Dehors, des cordes s’abattaient sur la ville à un rythme régulier et avec un bruit tonitruant. La saison pluvieuse battait son plein et les rafales de vents violents sifflaient et arrachaient des mangues vertes pour les disperser dans la cour. La vieille tôle rouillée avait de la peine à rester clouée sur l’échafaudage vermoulu et la toiture du réduit était fréquemment soulevée par les rafales. L’eau de pluie coulait abondamment tant par les multiples
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trous du toit que les interstices de la tôle usée. La vieille natte élimée sur laquelle Marcel avait fait ses quartiers était déjà entièrement immergée et flottait dans une mare d’eau. Marcel avait rapidement ramassé son sac de moine contenant quelques effets vestimentaires et ses papiers essentiels, et l’avait porté sur sa tête. Il l’avait acquis dans une vente aux enchères publiques à un prix très modique, pour faire le change de la lourde valise en fer que son père lui avait offerte peu avant son départ, et dont il a dû se séparer dès ses premiers jours en ville. Débout dans un coin sécurisé de la chambrette, relativement à l’abri de la pluie mais les pieds plongeant jusqu’aux chevilles dans une mare d’eau, il attendait la fin de la pluie. Celle-ci ne tarda pas trop à survenir. Ces réactions étaient devenues chez lui quasi instinctives : chaque soir il pleuvait, et chaque soir il répétait ces gestes réflexes. Après la pluie, il fallait poser son sac sur le rebord de la fenêtre, vider la chambrette de ses eaux à l’aide d’une vieille chemise tenant lieu de serpillière, attendre que le sol sèche sommairement, réinstaller sa natte en jute puis s’asseoir dans un coin de la chambrette, adossé au mur et tremblant de froid. Cette nuit passera aussi comme toutes les précédentes avec son cortège d’épreuves, se disait-il, et le soleil luira, porteur de nouveaux espoirs. Les dernières gouttes de pluie cédèrent la place à la complainte mélodieuse d’un vent de plus en plus frais, ponctuée par moments d’éclairs furtifs mais intenses qui zébraient le ciel déchargé de ses nuages. Le jour se levait peu à peu sur la capitale. Marcel, assis en tailleur, était perturbé dans ses méditations par des murmures qui se transformaient progressivement en paroles de plus en plus audibles. Collant l’oreille à la porte en bois donnant sur le salon rustique, il arriva à saisir le sens des paroles prononcées à voix étouffée. Il s’agissait d’une querelle conjugale. Ses hôtes avaient
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certainement un différend à régler avant le lever du soleil. Par pudeur, il voulut s’éloigner de la porte, quand il entendit quelques bribes de la conversation devenue plus audible car de plus en plus surchauffée. - C’est bien ton frère, puisqu’il est venu ici en ton nom ! - Non chérie ! Sois-en rassurée. C’est juste un voisin du quartier, camarade d’enfance de mon petit-frère, dit le mari d’une voix molle. - C’est seulement ici qu’il vient chercher l’hospitalité ? Tous viennent ici comme s’il s’agissait d’une auberge. Il y a suffisamment d’élites de ton village dans la capitale et je ne vais pas passer mon temps et ma jeunesse à élever tes éternels étrangers ! Pense aussi à notre famille. Nous avons déjà deux enfants et nous vivons à l’étroit dans cette maisonnette d’une chambre principale, d’un salon et du réduit où tu loges tes étrangers successifs. Les enfants sont obligés de dormir au salon. Leur santé et leur scolarité sont menacées. Mes parents attendent de toi des ressources pour supporter leurs vieux jours. Mes frères et sœurs m’ont adressée des lettres pour leurs frais de scolarité. Mes vêtements et chaussures sont déjà tous abîmés. Tu m’avais promis de l’argent pour que je puisse participer aux tontines et acquérir une moto-dame pour mes déplacements. Et tout ce que tu trouves à faire, c’est héberger à répétition des individus improductifs. - Mais ma chérie, je te jure que je l’ai rencontré par hasard au coin d’une rue. Même lorsqu’il m’a apostrophé, je ne l’ai pas tout de suite reconnu. Mais sa situation désespérée nécessitait que nous le recueillions pour un laps de temps. - Toujours la même rengaine. Tous les étrangers s’entendent peut-être pour tomber par hasard sur toi, le bon samaritain. À peine certains sont-ils partis que d’autres
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tombent du ciel ! Voici un mois que celui-ci est là et il semble vouloir s’éterniser. - Il a déjà pu s’inscrire à l’université et dans un mois cette institution ouvrira ses portes pour la rentrée académique. Il pourrait éventuellement y bénéficier d’une chambre sur dotation gratuite de l’État et nous en serons débarrassés. Pense un peu aux critiques que nous essuierions si d’aventure nous le mettions à la porte. Que fais-tu de la solidarité africaine ? - C’est bien à cause de cette solidarité que tu n’as plus ni chemise ni pantalon viables. Tu traînes tes godillots sur la chaussée à longueur de semaine, soufflant et transpirant, sans pouvoir te payer un taxi. Je n’ai pas fait un mariage de charité. J’ai mes enfants à élever et ma famille à entretenir. Si tu prends du plaisir à jouer au philanthrope, tu le feras tout seul. Dans trois jours, si ton étranger ne s’en va pas, c’est moi qui partirai avec mes enfants. La mégère avait servi cette tirade assassine sans prendre le temps de respirer, puis s’en alla dans la chambre en claquant violemment la porte, laissant derrière elle son mari abasourdi par tant de violence verbale et d’inhumanité. L’homme prit sa tête entre les mains et se mit à réfléchir, ignorant même que Marcel, tout aussi effondré, n’avait rien perdu de la conversation. Il avait naturellement compris que la dispute conjugale portait sur sa personne et sa présence en ces lieux. Piqué au vif dans son orgueil incandescent tel que savent l’entretenir tous les démunis de la Terre, Marcel prit intérieurement la décision de partir de cette maison inhospitalière avant le terme fixé, sans savoir sur l’instant quelle direction prendre ni quelles épreuves seront à surmonter. Prenant sa Bible et la serrant fortement contre sa poitrine, il récita mentalement le " Notre père " alors que le
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soleil pointait à l’horizon et qu’au-dehors la ville commençait à s’animer. Marcel attendit quelques minutes avant de sortir de sa chambrette et s’attaquer aussitôt au nettoyage de la cour et l’étroite véranda salies par les branchages et les feuilles des manguiers arrachées par la bourrasque de la nuit. Une fois sa tâche terminée, il aida à laver et habiller les enfants comme il le faisait chaque matin avec une bonté sincère, puis leur raconta quelques histoires qui les firent à chaque fois s’esclaffer avec la candeur de l’enfance. Ils étaient à mille lieues d’imaginer que leurs parents avaient passé une partie de la nuit à se disputer à propos du séjour prolongé de Marcel et que très bientôt, cet excellent conteur plierait bagages et s’en irait vers d’autres horizons. Ses hôtes sortirent de la chambre l’un après l’autre et le saluèrent. Pendant que le mari était visiblement abattu, anxieux et les yeux gonflés et rougis par une fin de nuit blanche passée à ressasser les paroles amères de sa femme, cette dernière était joviale. Elle était plus détendue qu’à l’accoutumée et s’était départie de son masque de sévérité pour témoigner à Marcel une amitié toute nouvelle cachant mal une hypocrisie toute féminine. Ce n’était plus le démon de la nuit. Elle s’était transformée en ange du jour, mais était loin de soupçonner que Marcel n’avait rien perdu de ses déclarations et que sa détermination à partir était nette. Le petit déjeuner, une bouillie fade accompagnée d’une dizaine de beignets, fut préparé en un tour de main, servi et consommé par les cinq personnes dans un silence sidéral. Sur le point de partir au bureau et s’étant assuré que sa femme ne les écoutait pas, le mari invita Marcel à faire un bout de chemin avec lui. Les deux hommes marchaient dans le silence le plus complet et semblaient vivre en dehors de tout le vacarme et l’agitation urbaine qui les entouraient. Ils
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prirent place dans le premier bar rencontré et passèrent leur commande de boissons. Malgré l’heure matinale et contrairement à ses habitudes, l’hôte de Marcel avala coup sur coup trois grands verres d’un breuvage à forte teneur d’alcool. Il lui fallait beaucoup de courage pour dire à Marcel ce qu’il avait à lui dire. De façon furtive, Marcel posait son regard sur son hôte et évaluait sa grande peine. Il aurait tant voulu le devancer dans la parole et crever l’abcès afin de libérer cet honnête homme de son dilemme, mais par pure politesse, il se résolut à attendre que son aîné parle. Après de longues minutes et le cinquième verre fortement entamé, l’homme déclara : - Mon frère, ce que j’ai à te dire est très douloureux. J’ai longtemps réfléchi ces dernières heures sur la nécessité de te le dire ou de ne pas le faire, sur la manière de te le dire le cas échéant, sur ta réaction, mais aussi sur la considération que tu pourrais encore avoir vis-à-vis de ma personne. Mais il faut bien que je le fasse. Je te demande d’avance de me pardonner en comprenant ma désolation et l’impact de l’étau qui m’enserre. Il déglutit plusieurs rasades d’alcool jusqu’à se rendre compte que le verre était vide, en commanda une autre bouteille, puis reprit son intervention : - Cette nuit a été très éprouvante pour moi. Nous avons eu, ma femme et moi, une sérieuse discussion, mieux une dispute, à ton sujet. Elle trouve que les étrangers tendent à nous envahir et que toi en particulier, tu t’éternises à la maison. Elle redoute que tu ne t’y implantes définitivement et ne grèves notre budget familial déjà si peu suffisant. En substance, elle pose ton départ comme condition de la survie de notre couple. Tel est mon dilemme. Il s’était arrêté de parler pendant quelques secondes, le temps d’avaler une longue rasade de son breuvage. Lorsqu’il
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