LA FUREUR D AIMER
184 pages
Français

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LA FUREUR D'AIMER , livre ebook

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Description

Une séparation amoureuse, aussi douloureuse soit-elle, peut donner naissance à un regard nouveau sur soi et sur le monde. Niran redoute le divorce par crainte de se sentir abandonnée, par peur de s’assumer en être indépendant, en femme libre. Mais, elle va découvrir que parfois les soubresauts du destin nous poussent à sortir de nos habitudes, de nos carcans, pour mieux nous découvrir. Niran transforme ainsi une banale histoire de rupture amoureuse, en quête de soi, en quête d’une identité sociale et intellectuelle. De la mort brutale d’un certain monde, naît un autre, différent certes, mais tout aussi beau, qui n’attend que d’être créé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2020
Nombre de lectures 5
EAN13 9789920607070
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA FUREUR D'AIMER
Roman© Editions Marsam 2020
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
15, avenue des Nations Unies, Agdal, Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E- mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Site : www.marsam.ma
Conception graphique
Quadrichromie
Impression :
Imprimerie Afrique Orient - 2020
Dépôt Légal : 2020MO3641
ISBN : 978-9920-607-07-0
Couverture
Mohamed Rachdi
Série : Les Tondis du Desir,
technique mixte sur toile diamètre 200 cm, 2008.Touria Oulehri
LA FUREUR D'AIMER
RomanLes mots noirs sur le papier blanc,
c’est l’âme toute nue.

Guy de MaupassantSéismes
1
Fès. Ville maudite où mon amour est mort.
Mon cœur, hier encore comblé, lutte contre
l’angoisse et la peur du lendemain...
Je parcours ces routes qui ont vu notre amour, nos
baisers, nos rires, notre complicité...
Rien en apparence n’a changé. Les palais au luxe
provocateur sont toujours là, côtoyant la misère des
quartiers périphériques. J’accompagne ma mère
dans ses déplacements parce que son arthrose la
fait tellement souffrir qu’elle a beaucoup de mal à
marcher, mais aussi parce que l’idée de sa mort me
terrorise et que je n’ose rien lui refuser. Elle papote
en évitant soigneusement de me poser la moindre
question, indifférente à mon mutisme ?
Elle pense réaliser à travers moi tout ce qu’elle
n’a pas eu l’occasion d’être. Elle ignore que je ne
suis plus rien.
Je stationne dans un quartier commerçant
surpeuplé, miséreux comme une fracture à ciel ouvert,
où elle s’engouffre en claudiquant, puis disparaît.
Je préfère l’attendre dans ma voiture, incapable
5 de communiquer et encore moins de réféchir.
Instinctivement, je remonte les vitres et bloque les
portières sans pouvoir identifer mes peurs. La foule,
dense, s’écoule sans fn. Des mendiants, solitaires
ou en groupe, sont assis au bord des trottoirs, près
des mosquées ou des épiceries. Personne ne semble
les regarder, ils font partie du décor.
Brusquement, un coup frappé sur la vitre me fait
sursauter. Un vieil homme maigre, fragile, édenté,
me tend la main dans un geste de supplication.
Je lui donne une pièce et remonte la vitre. Il me
regarde longuement, comme si ses yeux attendaient
autre chose, l’imploraient... Je n’ai pas le courage
d’y penser. Il est bientôt rejoint par un enfant en
guenilles, très jeune, qui quémande une pièce, la
main sur la bouche, les yeux larmoyants. Je refuse
de croire qu’un être aussi proche de l’innocence
primordiale ait déjà réussi à faire de la mendicité un
métier.
Je baisse à nouveau la vitre mais je regrette
aussitôt mon geste car très vite tout un groupe
m’entoure. Ils m’observent en silence. J’ai d’abord
honte de ma robe élégante, de mes bijoux, puis une
peur insidieuse, incontrôlable, m’envahit. Je me
terre, m’obligeant à ne pas voir leur regard, leur
désolation, peut-être leur haine.
Au bout d’une heure d’angoisse (où je n’étais
plus objet de curiosité mais de convoitise) ma
mère revient, suivie d’un gamin de douze ans
portant un couffn rempli de poulets encore chauds,
lavés et évidés. Nullement impressionnée par
l’attroupement qui m’effraie elle donne de l’argent au jeune garçon qui pose tranquillement le couffn
dans le coffre de la voiture. Il compte ses pièces
avant de s’en aller.
Je la dépose chez elle dans un silence absolu. Je
décline toutes ses invitations à dîner, ou même à
prendre le thé. Je n’ai qu’un seul désir : retrouver la
tanière où je peux cacher le spectacle de ma ruine.
Combien est fragile la frontière entre raison et
folie !
Plus je m’approche de ma maison, plus mon
trouble grandit.
Vais-je pouvoir me maîtriser, faire comme si rien
n’avait changé ?
Le gardien m’ouvre la porte du garage et aussitôt
mes deux chiens m’entourent et me manifestent
leur attachement. Le jardin est paré de ses plus
beaux atours mais je baisse les yeux. Une nausée
incontrôlable me fait vaciller.
Hassania, toujours aussi gaie, aussi souriante
dans l’éclat de sa jeunesse, s’active dans la cuisine,
me proposant de servir le dîner. Je refuse, n’ayant
aucune envie de manger. La notion du temps a
disparu. Elle me regarde longuement...
Gênée, je lui demande de faire comme d’habitude.
Elle acquiesce en silence, inquiète de ma mine à
nouveau défaite.
Je m’empresse de monter dans ma chambre, le
déluge est imminent.
Je m’enferme à double tour et j’arrache, plus que
je n’enlève, robe, bijoux, chaussures, comme un
pantin désarticulé. Celle que j’ai essayé d’oublier
durant tout le temps où j’étais dehors se réincarne
7 en moi et mes démons les plus cruels me sautent à
la gorge : je suis à nouveau une femme abandonnée.
Une voix, dont je connais les moindres
intonations, prend un malin plaisir à me répéter ce
terme humiliant.
–Tu pensais faire exception ? Tu n’es qu’une
femme parmi tant d’autres ! Une femme comme les
autres ! Il t’a très brutalement quittée parce qu’au
bout de quinze années de mariage…
–Une éternité si courte à vivre !
–Les médecins t’ont déclarée défnitivement
stérile !
–Est-ce vraiment pour cette unique raison ?
–Peut-être n’est-ce qu’un leurre ? Peut-être
cherche-t-il simplement à te culpabiliser ?
–Comment puis-je avoir accès à la vérité alors
que, depuis quatre mois, je me terre, je fuis ?
La voix se tait.
Je vis seule depuis le départ de celui qui colonisa
si longtemps ma vie. Même mes parents ne sont pas
au courant, je vais rarement les voir, prétextant une
surcharge de travail, des projets d’écriture, l’esprit
endolori par cette question qui ne cesse de me
hanter : pourquoi m’a-t-il quittée ?
Je suis humiliée dans ma chair, dans ma dignité...
Au-delà de l’abandon et de ses souffrances se
profle un message social que je me sens impuissante
à affronter. Je pensais que cela n’arrivait qu’aux
autres, dans les campagnes les plus reculées...
Quand bien même cela serait, ni l’analphabétisme,
ni la pauvreté, ne justifent un pareil mépris de l’être
humain.
8 Lorsqu’à vingt ans belle, jeune, rayonnante, je
croyais illusoirement dominer le monde, il ne m’était
jamais venu à l’esprit que j’aurais moi aussi à subir
la situation la plus cruelle et la plus dramatique
que puisse connaître une femme. J’ai beau essayer
d’endiguer les multiples fractures de mon être, je ne
sais comment j’en suis arrivée là.
Nous nous étions rencontrés à l’université au
tout début de notre première année mais, venant de
milieux et d’horizons géographiques très différents,
nous avions mis plus d’un an à nous rapprocher.
Issu d’une famille très conservatrice il était à la fois
fasciné et terrorisé par une flle dont le maintien et
le discours étaient en totale contradiction avec les
normes strictes des traditions établies par sa famille.
Moi aussi je le trouvais beau, pourtant je ne faisais
aucun effort pour me rapprocher de lui car son
attitude guindée était à l’opposé de ma bruyante joie
de vivre. D’ailleurs je venais tout juste de quitter
la surveillance sévère de mes parents et j’étais tout
heureuse de jouir d’une liberté que je savourais à
tout instant... Pourquoi me laisse-t-elle à présent ce
goût de cendre insupportable ?
Ai-je tendance à idéaliser le passé ? La réalité
estelle moins noire que les miasmes de mon cerveau
fatigué ne se complaisent à la décrire ?
Nous avions fait connaissance dans l’ambiance
chaleureuse et détendue des réjouissances
estudiantines, pourtant lorsqu’on nous avait présentés
l’un à l’autre nous nous étions serré la main sans
avouer que depuis un an déjà chaque fois que nos
yeux se rencontraient nous en étions secoués…
9 Ce jour-là, il s’incrusta dans ma vie.
Il ne voulait plus que l’on se quitte et nous
sortions ensemble comme le faisaient beaucoup de
couples d’étudiants amis, habitant la même résidence
universitaire. Nous nous retrouvions le matin avant
les cours, à midi au restaurant universitaire,
l’aprèsmidi après les cours à la bibliothèque et, le soir, nous
travaillions ensemble dans les locaux du restaurant
transformé par les étudiants en salle de travail collective.
Il se comportait déjà en protecteur mais je tenais trop à
ma liberté pour la lui sacrifer, même si j’étais follement
amoureuse de lui. Indépendante et rebelle à toute forme
de domination, je me souviens m’être très tôt révoltée
contre une quelconque mainmise sur ma vie. Choqué
par mon attitude, il ne cessait de me répéter que l’amour
est aussi une forme de soumission...
Nous nous sommes mariés juste après la fn de
nos études.
J’ignore encore comment dix années d’existence
commune sont passées aussi vite et surtout comment
j’ai pu indexer si totalement ma vie à la sienne. Il
s’était donné d’un coup, entièrement, et je croyais
que ce don (comme si on pouvait se donner à
quelqu’un lorsque jeune on ne se possède pas
soimême) était dû aux qualités exceptionnelles de mon
être. Je ne m’en aimais que plus.
Il a réitéré son geste avec une femme qui appartient
à une catégorie sociale totalement différente de la
mienne. La voix m’interroge :
–Peut-on réellement sérier les individus ? Elle
n’a peut-être aucune de tes fameuses qualites mais
elle en possède sûrement d’autres.
10 –Je suis dépossédée de l'image que j'ai mis si
longtemps à construire et sur laquelle reposait tout
mon équilibre.
–Lorsque tu pleures pour qu’il redevienne
«comme avant», tu réclames avant tout qu’il te
rende à toi-même.
–Oui, je veux qu’il me restitue ma propre image,
celle que j’aime par-dessus tout.
–Tu aimes un leurre, il a aimé une femme qui
s’aime. Exploitation de l’autre et spoliation de soi.
Des bruits de voix me parviennent de la cuisine,
je tends l’oreille dans l’espoir de les identifer. Je
reconnais les habituels discours que tient Hassania
aux chats lorsqu’ils enfreignent l’interdiction de
rentrer à la maison.
Cette jeune femme de vingt-quatre ans habite
chez moi depuis que son père me l’a confée, huit

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