La grosse qui rêvait d’amour , livre ebook
103
pages
Français
Ebooks
2025
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Publié par
Date de parution
23 janvier 2025
EAN13
9782764454275
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
5 Mo
Dans le tumulte de ses relations familiales délétères, de ses premiers émois amoureux et de la découverte de sa sexualité, Samuelle aspire à s’émanciper et à faire la paix avec son apparence. Des amitiés riches et une aventure salutaire l’aideront petit à petit à découvrir sa valeur au-delà de son enveloppe charnelle, et à reprendre le contrôle de sa vie.
Le calvaire du programme de perte de poids PoundPurge a été le front runner, et de loin, de cette saga. Quand ma mère a découvert ça grâce à ce bon vieux Dr Delacroix, c’est devenu son Saint Graal, son gourou, sa bible personnelle (et par conséquent la mienne). Ça m’arrive encore trop souvent de me surprendre à calculer la valeur des aliments devant moi, un automatisme marqué au fer rouge dans mon esprit après des années de mémorisation et de répétition, comme la caissière qui, même si elle ne travaille plus à l’épicerie depuis des mois, se souvient encore par cœur du code des bananes, des poivrons et des raisins.
Je me souviens du calculateur de calories – le PoundWarden – qui était en permanence sur le coin du comptoir de la cuisine avec la balance alimentaire à côté. C’était une petite gogosse en carton qui permettait à ma mère de déterminer la valeur de chaque aliment selon PoundPurge, le but étant de garder le pointage aussi bas que possible.
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Date de parution
23 janvier 2025
EAN13
9782764454275
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
5 Mo
Projet dirigé par Véronique Alarie, éditrice
Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en page : Audrey Guardia
Révision linguistique : Isabelle Rolland et Sabrina Raymond
Relecture : Julie Artacho et Marilou Morin-Laferrière
Montage en couverture : Marina Gorskaya/stock.adobe.com, марина васильева/stock.adobe.com
Production des versions numériques : Marylène Plante-Germain
Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : La grosse qui rêvait d’amour / Nadia Tranchemontagne.
Noms : Tranchemontagne, Nadia, auteur.
Description : Mention de collection : QA fiction
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20240028112 | Canadiana (livre numérique) 20240028120 | ISBN 9782764454251 | ISBN 9782764454268 (PDF) | ISBN 9782764454275 (EPUB)
Classification : LCC PS8639.R382 G76 2025 | CDD C843/.6—dc23
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2025
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2025
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2025.
quebec-amerique.com
À mamie Agathe, Ma partner de soirées en jaquette, de coquilles Saint-Jacques et de gratteux . Merci d’avoir été ma mamie Mimi à ta manière, avec ton petit caractère extraordinaire. Mon seul regret, c’est que tu n’auras jamais vu ce livre, mais je sais que tu en aurais été – et en étais – si fière.
Et à tous·tes les Samuel·le Coulombe de ce monde. À celleux qui ont eu l’impression d’être brisé·e·s, alors qu’iels ne cherchaient qu’à être aimé·e·s.
Prologue
La grosse
Je suis grosse.
J’ai longtemps été dévorée par cette idée-là. C’était mon fardeau, mon bouclier et mon identité tout en même temps.
Je n’ai pas souvenir d’avoir été autrement, de ne pas avoir été la grosse. Ça semblait toujours être ce qu’il y avait de plus simple à dire pour m’identifier dans un groupe. Pas celle avec les cheveux bruns. Pas celle avec les yeux verts. Pas celle avec le chandail rouge ou le pantalon noir. Non, non. Celle avec les grosses hanches, le gros cul, le gros toute.
C’était moi ça : Samuelle, la grosse.
Pis c’est encore moi.
J’ai tout fait pour m’arracher cette étiquette-là, mais semblerait-il qu’il est plus difficile de s’arracher de son enveloppe charnelle qu’on le pense. J’aimerais ça que ce soit quelque chose que je puisse cacher sous une couche de fond de teint ou enfouir sous une casquette, mais l’ironie, quand on est gros·se, c’est que plus on essaie de le cacher, plus ça paraît et plus les gens le remarquent.
C’est mon éternelle épée de Damoclès or some shit like that . Dès l’instant où j’oublie que je suis grosse, ça me rattrape. Dans un magasin où les vêtements ne me font pas, dans un restaurant où mon cul peine à rentrer dans une chaise avec des accoudoirs, dans mon reflet dans le miroir, dans le regard des autres, surtout celui des hommes…
Comme si c’était tout ce que je suis. Toujours la grosse. Avec un qualificatif avant ou après, selon les circonstances.
J’aspire à être plus que ça, tellement plus que ça, mais je n’y arrive pas. Ça me colle à la peau comme un bas de nylon trop petit, comme une lotion hydratante ben épaisse, comme mes cuisses sur une chaise en été…
Je suis grosse.
Je suis la grosse.
Pis je fais quoi avec ça ?
1
La grosse incomprise
— Mon cul passera jamais là-dedans !
C’est une conviction, un constat, une déception. Ou peut-être un doux mélange des trois. Je suis debout devant la grande clôture métallique qui sépare le stationnement du stade de football, où les étudiant·e·s du cégep aiment bien entrer par effraction pour aller fumer un joint le soir, étendu·e·s sur le dos en plein milieu du terrain. Évidemment, je le sais uniquement parce qu’on vient de me briefer là-dessus dans l’auto, au moment où la Tercel bleue laite de Guillaume s’est engagée dans le stationnement pis que j’ai compris qu’on avait un arrêt à faire avant de se rendre au bar rejoindre les autres.
Déjà que je ne suis pas forte sur les bars, je le suis encore moins sur les imprévus, surtout si les imprévus en question impliquent de squeezer ma masse adipeuse entre des barreaux de métal beeen serrés pour accéder à une place qui ne m’intéresse pas plus qu’il faut. Sauf que je suis aussi une jeune adulte en besoin de reconnaissance sociale croyant que le truc pour survivre à la nécessité de se faire des ami·e·s en temps d’études collégiales, c’est de dire « oui » à tout et de faire comme si chaque proposition était une aventure qu’on ne peut pas refuser. Et ce, même si au fin fond de nous – mais vraiment pas si profond que ça non plus – il n’y a rien qui nous tente moins que d’aller siroter un cocktail dilué aux glaçons dans un bar qui sent le parfum cheap de gars qui pensent que se frotter l’entrejambe sur ta croupe quand tu ne les regardes pas, c’est une garantie de succès en matière d’approche relationnelle.
— Ben oui Sam, tu passes en masse !
En masse… Il faut que Philippe revoie sa définition de « en masse ». Il sonne comme quelqu’un qui s’obstine avec assurance à faire un parking en parallèle dans les rues de Montréal en essayant de faire rentrer son Dodge Ram dans une place à peine assez grande pour une Yaris : « Ben oui, ça rentre en masse ! T’en fais pas, je connais bien mes distances. » Sauf que là, c’est moi le pick-up trop volumineux.
J’ai vraiment un don pour les analogies flatteuses à mon égard.
Je regarde la grille devant moi avec l’espoir qu’elle s’ouvre toute seule, en mode « Sésame, ouvre-toi ». Un très mince et improbable espoir que je n’aurai pas à vivre la honte d’essayer de passer entre les barreaux devant mes ami·e·s, pis de subir – encore une fois – l’humiliation de voir des personnes plus minces comprendre que ce qui est simple pour elles ne l’est pas nécessairement pour moi.
Non, Fanny, tu es fine, mais je suis certaine que les jeans de ta boutique préférée ne me font pas, même si tu me tends, un par un, tous les pantalons de taille 16 que tu vois. Désolée que ça semble te gêner de constater que je ne rentre pas dans leur plus grande taille, tandis que c’est moi qui meurs d’embarras de me faire dévisager par les vendeuses qui savent pertinemment que rien ne me fait, ici.
Non, Katherine, ce n’est pas volontaire si je suis vraiment collée à toi pendant le film. Promis, ce n’est pas que j’aie particulièrement envie de sentir la moiteur de nos cuisses entre deux bouchées de pop-corn, c’est juste que les sièges de cinéma et mes hanches ne sont pas du même avis sur la largeur qu’ils devraient occuper.
Oui, maman, j’adore la robe de bal que tu m’as cousue, mais je ne pourrai pas la porter parce qu’elle ne me fait pas. Oui oui, même avec la gaine que tu m’as achetée. Oui, même si je laisse le zipper ouvert, que je rentre mon ventre, que j’arrête de respirer et que je me contente de nouer l’attache sur ma nuque.
En tout cas… C’est un combat perdu d’avance et je me résigne à fermer ma gueule et à m’avancer vers la grille. De face, je calcule en combien de tranches fines je devrais me séparer pour être capable d’entrer de cet angle-là. De côté, je me dis que c’est un peu comme le jeu pour enfants, la boîte avec des trous de différentes formes et couleurs. Moi, je suis un triangle jaune et la grille, c’est un carré bleu : on n’est pas complémentaire, alors il va falloir me montrer imaginative pour que ça rentre.
Je tente de me glisser entre deux barres de la clôture et celles-ci ont tôt fait de me rappeler leur présence en écrasant mon ventre et en malaxant mes omoplates. Je pousse, je force, je recule pour mieux repousser. Je me tortille en espérant que je serai aussi moelleuse que de la pâte à modeler neuve entre les mains d’un bambin.
En vain.
Un peu comme ma tentative de faire comme si ça ne me dérangeait pas, comme si c’était tout à fait normal que je sois là, à avoir de la difficulté à passer entre deux barreaux affreusement frettes pendant que mes ami·e·s sont déjà de l’autre côté à me regarder sans trop comprendre que leur calcul « espace libre entre les barreaux vs largeur de Samuelle » ne fonctionne pas. Tout ça alors que tout ce dont je rêve, c’est d’être chez nous, sous mes couvertures, à réécouter pour une énième fois mes DVD de Vam pires Diaries . Sauf que je suis une tête de cochon et que j’ai commencé à forcer, alors je vais continuer. Continuer jusqu’à ce que ce soit aussi pénible pour les autres que ce l’est pour moi, jusqu’à ce qu’on vive ce malaise-là tous ensemble.
Somehow , je ne sais pas par quel miracle, mais je finis par passer.
J’ignore combien de temps ça a pris, pis je ne veux pas le savoir. Personne ne dit rien, il n’y a pas de rires, ni de taquineries, ni même de regards tristes ou piteux à mon égard. On fait collectivement comme si de rien n’était, car c’est toujours plus facile comme ça. Ce serait trop confrontant d’admettre qu’on n’avait pas pensé à ça, que ce n’est pas tout le monde qui passe entre des barreaux qui, justement, sont censés être là pour empêcher le monde de rentrer quand c’est fermé.
Je me sens étonnamment seule, même si on est en groupe. Il y a quelque chose qui m’empêche de me connecter. Le WiFi entre le monde et moi est brisé, et le seul signal que je réussis à pogner, c’est la ligne directe entre ma tête et mes omoplates douloureuses qui me rappellent que j’ai trop forcé. Sans c