La petite romano
146 pages
Français

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La petite romano , livre ebook

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Description

« C’est pas ta faute, Madame » Par ces quelques mots, une enfant va bouleverser à jamais la vie paisible des Bernich. En cherchant à réparer les liens invisibles arrachés au passé de son adolescence, Emmy va se jeter dans une folle poursuite à travers le pays de Dracul, le Prince sanguinaire des Carpates. Avec l’aide de Dennis son mari et de leurs amis les Pelblanc, elle va en rapporter de bien étranges bagages, qui feront que vous ne vivrez plus jamais votre existence de la même manière.

Informations

Publié par
Date de parution 29 octobre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312028354
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La petite Romano

Bernard Corneil
LA PETITE ROMANO
















LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
« N’espère rien de l’homme s’il travaille pour
sa propre vie et non pour son éternité. »
Antoine de Saint-Exupéry
































© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-312-02835-4
La rencontre
« Une fois traversé la rivière,
que m’importe le passeur. »

Proverbe Gitan

1
– C’est pas ta faute Madame.

2
L’automne était annoncé doux et ensoleillé.
Tout le monde l’attendait après un printemps « pourri » et un été en demi-teinte, choses si rares dans le sud-ouest de la France. Les vendanges tardaient à commencer dans le petit village de Vieux, à cause d’un léger manque de maturité du raisin. Mais il était bon à manger tout de même, aussi Emmy se régalait-elle, comme aujourd’hui, d’aller en broutiller une grappe, dans la vigne du bout de l’allée. Quel privilège que de pouvoir se servir directement sur la souche, le pommier, le cerisier ou le figuier au gré des saisons. Juste ce qu’il faut, à l’envie comme le font les oiseaux, les mulots et le petit écureuil malin plutôt spécialisé dans la collecte sous le noisetier, derrière la grange.
Souvent, au cours de l’année, elle et son mari aiment à venir dans leur maison de Puech Galine, au calme, loin de la pollution et du brouhaha de la ville de Béziers. Monsieur le docteur Dennis Bernich y exerce sa fonction de Directeur d’un Centre d’accueil pour enfants handicapés moteurs et mentaux. Pourtant, la période qui les voit encore présents dans cette résidence d’été reste exceptionnelle. Le mois de septembre signifie la fin des vacances, la reprise de l’activité professionnelle et la rentrée des classes. Autant de raisons de ne pas s’absenter de l’Hérault. Surtout de l’environnement familial que représente leur fille Sylvie.
Sauf que…
Sauf que, cette année il n’y a pas eu de rentrée scolaire pour Baptiste. Aussi ont-ils préféré fuir pour venir cacher leur peine, leur angoisse et leurs espoirs dans ce petit coin du Tarn-nord, situé dans le triangle touristique Albi-Gaillac-Cordes. Il s’avère ni trop proche, ni trop éloigné du drame de la maladie qui affecte ce petit bonhomme âgé de 13 ans, pour le cas où ses parents appelleraient à l’aide. Ne jamais interférer dans la vie du jeune couple, tel est leur principe de toujours, même si parfois, comme en ce moment, ils préféreraient agir. Agir comment ? Ils l’ignorent, mais l’impuissance à aider leur petit-fils, par moments devient insupportable.
À plus forte raison pour un papy médecin.
Les réflexions d’Emmy Bernich furent interrompues par le bruit d’un moteur pétaradant. Un vieux fourgon Citroën sans âge remontait la route dans sa direction. Elle n’aurait su donner un nom à ce véhicule, mais le capot en nez de cochon et sa carrosserie façon tôle ondulée, lui rappelaient la camionnette de l’épicier. Quand elle était gamine, il venait sur la place de Sérignan, son village natal du bord du littoral méditerranéen. Il se garait presque sous la fenêtre de sa chambre d’où elle assistait au défilé des ménagères. Elles cancanaient, s’exclamaient et riaient, dans cette rare trêve que leur accordait la somme des tâches dévolues aux femmes de l’époque, dépourvues qu’elles étaient de ce confort apporté depuis par la modernité.
Un goût de sucette à la menthe monta à ses lèvres…
Parvenu à hauteur du portail, après deux ou trois soubresauts le moteur du fourgon cala. Un homme, au teint mat et aux cheveux noirs comme les corbeaux dérangés par le tapage, descendit de cet amas de rouille ambulant dans un grincement de portière récalcitrante. Un sourire dévoila des dents jaunies par le tabac qu’il était en train de chiquer. Il se détourna une seconde pour cracher puis, une main en avant et l’autre essuyant sa bouche, il s’approcha. Sans se départir d’un calme qui voulait signifier une absence de crainte, Emmy croisa ses bras, s’enveloppant dans les pans d’un chandail à capuche couleur lilas. Le message était on ne peut plus clair.
Le visiteur ne s’en démonta pas pour autant, certainement habitué à une telle attitude à son égard.
– B’jour madame. Si vous avez de la ferraille, je peux vous en débarrasser, là tout de suite.
À la manière d’un dandy de salon, il fit mine d’épousseter un pantalon crasseux de cambouis, de terre et de bien d’autres tâches non identifiables, tout en se dirigeant vers le hayon arrière pour l’ouvrir.
– Inutile, mon bon monsieur, il n’y a pas de ferraille ici.
Suspendant son geste, comme il l’avait sûrement répété maintes fois, il affecta une mine surprise.
– Pas de ferraille ? Des pots en céramique ou de terre cuite, alors ? Du fil de cuivre, des tuyaux de plomb ? Je suis preneur de chiffons, de ficelles, de vieux journaux.
– Rien de tout cela, je le regrette pour vous.
Il changea son masque d’acteur joyeux pour celui du clown triste puis, dans une théâtrale résignation, il salua et remonta dans son fourgon qui – ô miracle – redémarra, non sans tousser une infâme fumée noire. Emmy le regarda un instant se diriger vers Puech Ferlan puis se baissa pour actionner la fermeture électrique du portail. Pas sûr que le voisin l’accueille mieux qu’elle l’avait fait. Les autres habitants du voisinage non plus d’ailleurs. Il faut dire que la méfiance accompagne toujours les gens du voyage. Car elle était persuadée qu’il s’agissait bien d’un gitan, d’un rom ou de quelque nom qu’on leur donne. Leur réputation, justifiée ou non, les précède malgré eux : voleurs de poules, profiteurs de la bonne société, fainéants justes bons à faire des gosses… Bref, tout ce qui les rend suspects et infréquentables.
Il est des étiquettes si fortement collées qu’elles sont capables de résister à la dégradation du temps, durant des siècles. Ce peuple en est l’illustration. Il suffisait d’écouter les informations quotidiennes pour en avoir la confirmation.
Encore accroupie, Emmy sursauta. Du coin de l’œil elle venait de percevoir un mouvement, tandis que le portail se fermait.
– Sais-tu que tu m’as fait peur ? Je ne t’avais pas vue. Bonjour fillette, que fais-tu là ?
À l’évidence, il s’agissait de l’enfant du ferrailleur. Mieux habillée c’était certain, beaucoup moins sale assurément, mais de type ethnique similaire.
– Ton papa t’a oubliée ?
Ses grands yeux noirs fixaient intensément Emmy. Comprenait-elle le français ?
– Comment t’appelles-tu ?
Comme si elle avait saisi cette question, la petite fille fit une révérence.
– Dusha. Avec un « s » et pas un « c » pour le sha.
Amusée par la remarque, Emmy se releva et lui prit les mains dans les siennes.
– Dusha. C’est joli.
Caressant les doigts fins qu’elle avait emprisonnés, elle se laissa fasciner par ce regard si profond qu’il était aisé de s’y perdre tant il vous absorbait. Dans une robe fleurie, ample et lui arrivant juste au-dessus de ses pieds nus, l’enfant se tenait bien droite, empreinte d’une forme de fierté naturelle qui la rendait plus belle encore.
Emmy voulut poser une main sur ses cheveux retenus par un foulard rouge noué en bandanas, mais l’enfant fit un mouvement de tête pour échapper à la caresse. Cette ruade révéla la nature sauvage qui caractérise la grinta tsigane – des zingaros du sud de l’Europe. Une marque de caractère bien « trempé » qui plut à la rebelle qu’elle avait été elle-même, à cet âge là.
– C’est pas ta faute Madame.
Un peu incrédule, Emmy sourit tout en cherchant à comprendre le sens de ce que la fillette venait de lui dire.
– Qu’est-ce qui n’est pas de ma faute, dis-moi.
– Elle ne pouvait pas rester.
L’étonnement grandit plus encore chez Emmy, faisant disparaître toute trace de jovialité. À son tour, elle fixait ces yeux qui ne se détournaient pas. Elle chercha à lire, sur ce visage grave, une étincelle d̵

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