La Robe sanglante
91 pages
Français

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Description

Février 1819. Lazare, un jeune orphelin élevé par son grand-oncle, notaire à Clermont-Ferrand, est chargé par lui d’une mission au château de Valjuols, quelque part dans les monts d’Auvergne, auprès du baron de Layrens. Au terme d’un voyage parsemé d’embûches et d’expériences extraordinaires, qui prend les allures d’un parcours initiatique, il comprendra le but véritable de sa mission, qui ressemble par bien des aspects à une quête des origines.

Informations

Publié par
Date de parution 23 juin 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312022680
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Robe sanglante
Sylvain Cornil-Frerrot
La Robe sanglante
Roman










LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
Sunt geminæ Somni portæ : quarum altera fertur
Cornea, qua veris facilis datur exitus umbris,
Altera candenti perfecta nitens elephanto,
Sed falsa ad cœlum mittunt insomnia Manes.
His ubi tum natum Anchises unaque sibyllam
Prosequitur dictis, portaque emittit eburna.
Virgile, L’Énéide , VI, 893-898.

Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible.
Gérard de Nerval, Aurélia , I, 1.



















© Les Éditions du Net, 2014 ISBN : 978-2-312-02268-0
À Hoffmann
Tandis que le chat Murr musarde sur les toits ;
Que les trois serpents d’or sur un sureau lutinent
Et qu’enchante le jeune Anselme Serpentine ;
Qu’à Juliette abandonne un Érasme pantois,

À la Saint-Sylvestre, son reflet, sans effroi ;
Qu’à Médard, en son cloître, à la passion encline,
Aurélie confesse le trouble qui la mine ;
Qu’à sa tâche, toujours, Berthold porte sa croix

Qui condamne l’artiste à vivre dans le rêve,
À nier que jamais l’hyménée l’art élève,
À s’abîmer enfin dans la nuit, sans un cri ;

Que de Julie Benzon, loin, dans quelque abbaye
Jean Kreisler les yeux fuit, sous la nuit ébahie ;
Le cerveau enflammé, malade, Hoffmann écrit.
1. Où notre héros vit une bien cruelle aventure
Les rayons du soleil perçaient timidement la brume, en ce matin de février 1819, tandis que maître Bayle, penché sur ses papiers, épluchait en son étude, sise rue du Port, à Clermont, le courrier que son secrétaire venait de lui porter. Quand il eut achevé sa lecture, le vieux notaire fit demander son petit-neveu, Lazare. Le jeune homme, qui terminait alors de mettre au net un acte de notoriété, soigneusement calligraphié, quitta aussitôt son pupitre. Un instant après, il était introduit dans le bureau de son grand-oncle.
« Mon neveu, fit le septuagénaire, en l’invitant à s’asseoir, avec une gravité calculée, j’ai une mission assez délicate à te confier. Je viens juste de recevoir une lettre de Valjuols. M. de Layrens, avec qui je suis en relations depuis un certain nombre d’années, m’écrit pour réclamer notre aide toutes affaires cessantes. Maints sujets, au nombre desquels il me faut compter, naturellement, le règlement de la succession Pradeux, me retiennent ici pour une durée encore indéterminée. D’ailleurs, je ne suis plus aussi gaillard qu’autrefois, et je ne me vois guère, à mon âge, courir en cette saison dans les montagnes. Je te saurais gré, par conséquent, de t’y rendre à ma place, pour me représenter. Tu maîtrises parfaitement la rédaction des actes notariaux ; il n’y a donc pas de raison à ce que tu ne les satisfasses aussi bien qu’un autre. En outre, ce devrait être une merveilleuse occasion, pour toi, de te frotter sur le terrain aux traverses du métier. »
D’un naturel trop obligeant pour trahir les espérances que le vieil homme entretenait à son sujet, Lazare ne songea pas un instant à discuter ses volontés. Non qu’il ne tremblât, dans son for intérieur, à l’idée d’un tel périple, qui s’accordait si peu avec ses mœurs paperassières, des mœurs si profondément ancrées dans ses habitudes que, parmi ses bons amis, l’on s’amusait à le traiter de vrai « rat de bibliothèque ». Le nez plongé tout le jour dans ses dossiers, il ne les délaissait le plus souvent, le soir venu, que pour s’abandonner aux délices de la lecture. De quels arguments ne devait-on pas user pour l’entraîner, de temps à autre, dans un café ou au théâtre ! Quant à ses promenades, généralement solitaires, elles ne le menaient guère au-delà des boulevards. Dans ces conditions, comment eût-il pu exprimer un enthousiasme sincère ?
Toutefois, il eût considéré comme une marque d’ingratitude insigne de chicaner devant un tel geste de confiance. Les arguments de son grand-oncle ne l’avaient certes guère convaincu, mais il ne pouvait s’empêcher de se sentir ému devant d’aussi aimables faux-fuyants, destinés de toute évidence à lui cacher l’extrême générosité de leur auteur, et qui témoignaient surtout d’une délicatesse admirable.
« Je rougirais, vous le savez, mon oncle, de manquer à mon devoir le plus élémentaire dans une circonstance où il m’est permis de vous prouver ma reconnaissance. Mais vous n’avez pas besoin de vous déprécier ainsi, de vous humilier, pour cacher vos bontés. Malgré l’âge, vous êtes toujours très gaillard, et l’aventure, je le sais, ne vous fait pas peur. J’ai souvenir qu’il y a trois ans, alors que vous étiez si cruellement accablé de travail, vous avez tout abandonné pour rejoindre la capitale, où quelque vieil ami inconnu réclamait votre secours. L’hiver dernier, de même, ne vous êtes-vous pas rendu à l’abbaye de Féniers, en dépit de la neige et des rigueurs du froid qui règnent dans les montagnes en cette saison ? Et cet été, encore, oublieux des fatigues du voyage, n’avez-vous pas pris la route de Lyon ?
– C’est pourtant vrai ! fit le notaire, en souriant malicieusement.
– Vous voyez ! J’accepte avec reconnaissance l’honneur que vous me faites en me confiant cette mission. Mais peut-être présumez-vous de mes forces. Loin de moi l’idée d’échapper à mes responsabilités, mais un stagiaire aussi inexpérimenté que moi est-il le plus à même de la remplir, si l’affaire s’avère par trop délicate, et ne vaudrait-il pas mieux, sinon que je vous en laisse toute la charge, du moins que je me borne à vous assister ? Les dossiers en suspens ne présentent pas de telles difficultés que votre premier clerc ne puisse régler, et je ne saurai peut-être pas me débrouiller…
– Non, non, tes scrupules t’honorent, Lazare ; mais c’est en connaissance de cause que tu as été choisi ; tu es la personne idoine , crois m’en. Je connais tes qualités et, pour tes défauts, ils sont ceux de la jeunesse, et je sais que tu sauras les surmonter, le moment venu. »
Il se tut un moment, le temps pour lui de mettre une bûche dans le poêle, qui chauffait dans le coin. Puis, reprenant sa place à son bureau, il se mit à toussoter, avant de glisser, d’une voix légèrement narquoise : « Mais suis-je sot ! peut-être souhaites-tu, avant que de te prononcer définitivement, consulter Mlle Mabru ? »
À ce nom fatal, Lazare blêmit légèrement. « Ah, mon oncle ! » bredouilla-t-il, « vous savez donc… », avant de baisser les yeux, plein de confusion.
Tandis que le jeune clerc considérait le parquet avec une insistance bien compréhensible, maître Bayle reprit, un sourire en coin : « Que non contente de t’agréer parmi les mignons de sa cour, cette pieuse demoiselle s’est instituée, depuis quelques semaines, ta confidente, ton oracle et ton garde-chiourme ? De bonnes âmes se sont empressées de m’en faire part et ont cru bon, d’ailleurs, de me féliciter de ta bonne fortune, qui augurait assurément, à les croire, un avenir prometteur. Si seulement cette digne enfant éprouvait un goût moins prononcé pour la compagnie de ses amis cléricaux et ultras, je lui pardonnerais volontiers sa passion effrénée de la religion. Qu’elle nourrisse de l’ambition pour son futur mari, rien que de fort normal ; mais si haut que tu puisses t’élever, j’aimerais mieux que tu le dusses à tes vertus et à ton amour du bien public qu’aux intrigues de ces jésuites. »
Ce n’était jamais sans un profond chagrin que Lazare constatait l’espèce d’acrimonie qui régnait entre son oncle et son amante. Voltairien déclaré, le premier n’avait jamais considéré qu’avec méfiance la révérence de bon aloi que la seconde professait à l’égard de l’Église, son clergé et ses sacrements. De son côté, la jeune femme regardait notre notaire, qu’elle désignait en petit comité – Lazare le savait – du doux qualificatif de « vieux fou », comme un affreux libéral et un incroyant. Surtout, tandis que le vieil homme témoignait d’une bonté familière pour les

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