Le grand détour pour traverser la rue
48 pages
Français

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Le grand détour pour traverser la rue , livre ebook

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Description

À Vanier, un quartier pauvre d’Ottawa, un adolescent de 13 ans, abandonné par sa mère et vivant avec un père qui dépend du bien-être social, rêve de « traverser la rue », c’est-à-dire de passer de Vanier à Parc Rockcliffe, le quartier riche d’Ottawa. Il lui faudra faire bien des kilomètres et des rencontres avant de pouvoir franchir cette frontière symbolique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 avril 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782896996377
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le grand détour pour traverser la rue

Alain Savary
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le grand détour pour
traverser la rue
 
Roman
 
 
 
 
 
 
 
 
Collection Vertiges
L'Interligne

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
 
Savary, Alain, 1948-, auteur 
          Le grand détour pour traverser la rue : roman / Alain Savary. 
 
(Collection Vertiges) 
Publié en formats imprimé(s) et électronique(s). 
ISBN 978-2-89699-635-3 (couverture souple).--ISBN 978-2-89699-636-0 (PDF).--ISBN 978-2-89699-637-7 (EPUB) 
 
          I. Titre.  II. Collection : Collection Vertiges 
 
PS8637.A8298G73 2019                 C843'.6                C2018-906556-7
C2018-906557-5
 
 
 
 
 
 
 
L’Interligne
435, rue Donald, bureau 337
Ottawa (Ontario) K1K 4X5
613 748-0850
communication@interligne.ca
interligne.ca
 
Distribution : Diffusion Prologue inc.
 
ISBN 978-2-89699-637-7
© Alain Savary 2019
© Les Éditions L’Interligne 2019 pour la publication
Dépôt légal : 2 e trimestre de 2019
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits réservés pour tous pays



Chapitre 1

J’ai 30 ans







J’ai 30 ans. Léah est de plus en plus enceinte ! C’est un choc phénoménal pour moi. Un bonheur incroyable. Je suis père sans en avoir eu un. Ni de mère, d’ailleurs. Je ressens le besoin de revivre ce que j’ai vécu enfant… et pauvre.
J’écris ma jeunesse pour oublier le plus possible ce monde. Écrire pour oublier ? Oui ! Le plus difficile à oublier est ce qui n’a pas été vécu et qu’on aurait voulu vivre. Être aimé de ses parents. Déjà, ce monde m’échappe par pans. Comme si j’avais vécu sur une autre planète. Ou comme si je m’étais réincarné ailleurs. C’est en partie le cas.
Je vis maintenant avec Léah à Rockcliffe Park, le quartier riche d’Ottawa. Je savoure notre immense maison à aire ouverte. Quand j’y suis entré la première fois, durant la visite avant de l’acheter, une angoisse qui, depuis toujours, me faisait respirer sans remplir complètement mes poumons s’est dissipée. Sous la protection des plafonds cathédrale, un grand souffle lent s’est emparé de moi. D’immenses baies vitrées donnaient sur un jardin bordé de massifs de rosiers. Comme le terrain était en pente et se prolongeait sur le petit lac, mon imaginaire a pu s’envoler vers mon premier instant de liberté et de bien-être quand j’étais enfant. En un instant, j’ai revécu ma vie nulle d’enfant pauvre à Vanier, et ma découverte sur mon vélo, de ce petit lac et de sa minuscule plage où j’ai pu aller nager si souvent, seul et tranquille. C’est là que j’ai vraiment compris que tout était caché et qu’il fallait aller chercher ces éléments cachés. Lutter contre l’ignorance en se déplaçant dans sa tête et physiquement. Élargir sans cesse le cercle des rencontres sur une planète de plus en plus minuscule.
Oui, j’ai besoin de revivre ma jeunesse pour mon bébé qui voudra savoir lui aussi, plus tard. Il n’aura aucune idée de ce que signifie vivre dans un sous-sol avec un père ivre. Il faudra qu’il fasse le chemin inverse. De la maison de luxe au sous-sol. Et de l’avion à réaction au vélo Canadian Tire. Peut-être que ce sera encore plus difficile pour lui que pour moi. Car pourquoi le faire ? Qu’est-ce que cela rapporte ? Pas du luxe, pas de l’argent, aucun pouvoir. Du savoir, oui. Beaucoup. J’irai un jour voir avec bébé préado les films de Salgado. Ça donne une claque. Surtout parce que c’est beau. La souffrance, la pauvreté, la détresse et le désespoir, beaux ! Oui, le potentiel de la beauté est partout. Dans tout effort pour survivre, dans l’énergie phénoménale pour vivre dans des conditions adverses, pour aller un peu plus loin. Salgado nous y convie. Mon roman y conduira bébé.
J’ai confié le tapuscrit à mon ancien professeur de français, un peu original et gentil, qui aime porter des chaussures vertes et qui m’a fait découvrir Frida Kahlo, ses blessures jamais cicatrisées, son amour intense, ses peintures qui me travaillent quand je n’ai pas assez d’activités financières pour oublier mon enfance. Une artiste anarchiste mexicaine que j’ai aimée au premier regard. Mon ex-professeur a accepté de relire mon texte et de contrôler mes dérives grammaticales. En effet, la perfection dans la langue, je n’y suis pas parvenu en français, malgré mes efforts. J’ai compris pourquoi. Ce n’est pas uniquement parce que les chiffres me passionnaient. J’ai vécu trop de traumatismes quand je parlais français. Il me reste des ressentiments inconscients. J’ai été pris trop longtemps entre l’éphémère d’une vie avec une mère qui m’a abandonné et la permanence d’un père alcoolique.
Évidemment, des angoisses me reviennent. Plusieurs de mes collègues mariés qui ont eu un enfant m’ont fait comprendre que leur femme s’est en partie désintéressée d’eux pour se consacrer au bébé. Libido zéro. Ils ont fini par compenser ailleurs. Sur le Web. Le sexe et la pomme toujours, qui s’appelle Apple. Le sexe virtuel. Une femme sur écran. Une relation écran. Quelques-uns se tournent vers les relations interculturelles. Pas facile car tout le monde travaille trop, tout le temps, dans un contrôle irrespirable. Mais beaucoup de femmes asiatiques n’ont pas les problèmes des Occidentales avec le sexe. Pas de culpabilité. Si elles en ont envie, elles cherchent la satisfaction. Bien sûr, cela se complique toujours par la suite. Quand la relation dure un peu.
En tout cas, les collègues à qui j’ai parlé ont des épouses à la libido à marée basse. Eux aussi souvent, à cause du surmenage. Mais une pulsion les prend parfois. Il faut qu’ils se vident. Cela m’affole. Zéro tendresse. Zéro caresse. Je cherche à calmer mon angoisse d’être abandonné de nouveau comme je l’ai été par ma mère.
Léah n’est pas comme cela. Elle tire son énergie de Pachamama. La déesse de la terre. Son corps peut vivre des intensités différentes et complémentaires. Elle ne me fera pas ce coup-là ! Non. Je ne veux pas que bébé dorme avec son ours en peluche et moi avec le mien. Sinon, qu’est-ce que je vais faire ? Je n’ai pas envie d’avoir une amante même si parfois j’ai le fantasme d’une relation à trois, mais épisodique. Je prendrai plutôt un chien. Un golden retriever. Ils sont affectueux. Le problème, c’est que les chiens à Singapour, le moins qu’on puisse dire, ne sont pas populaires. Enfin je vais voir. Léah est intelligente et a une libido intense. Oui, alors c’est à cause de tout cela que j’écris ce livre. Pour que bébé comprenne ma vie, la vie, sa vie quand il arrivera à l’adolescence et que moi, son père super riche, je serai rentier de luxe et j’aurai enfin réussi à oublier en partie les détails de ma détresse enfantine.
Évidemment, il lira un ouvrage signé d’un pseudonyme. Je ne peux pas, dans la haute finance internationale, me permettre de dévoiler mes origines. Je fais comme la Bible. Je raconte une origine inventée. Moi aussi, comme Adam, je suis né de la terre. Mais sur une grande propriété. Ça impressionne les clients. Surtout en Europe. J’ai des racines en plus d’avoir des antiquités et des tableaux de maîtres. Jean-Paul Riopelle, Marc Séguin, Natali Leduc. Personne n’aime saisir qu’on vient tous de quasiment rien, d’un sperme minuscule qui séjourne dans des muqueuses. C’est visqueux. C’est douteux. Et qu’on est tous expulsés violemment.
L’origine du monde. Des chairs fébriles et, au bout de quatre-vingt-dix ans, dans le meilleur des cas… Quoi ? Le néant ? Le cosmique ? Je penche pour une vie après la mort dans le cosmique. En tout cas, mon ancien professeur est vraiment subtil. Il m’a conseillé d’écrire le mot roman sur la page couverture. Personne ne va pens

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