Le jardin d Adalou
312 pages
Français

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Description

C’est l’histoire d’un destin contrarié, violé par la violence de la politique, un jardin saccagé par les combats. L’histoire se déroule en Côte d’Ivoire où Espéranza est aux prises avec les aléas de l’existence. Se doute-t-elle qu’elle fait partie des milliers de civils otages de «(… ) la guerre itinérante (qui) avait fait rage au Libéria voisin puis chez les voisins du voisin, du fait de la porosité des frontières, mais surtout des grands enjeux dans cette partie de l’Afrique à l’indépendance factice et aux richesses naturelles très convoitées… » ?

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 174
EAN13 9791090625136
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Josette DESCLERCS ABONDIO
CIV 513
Email : info@classiquesivoiriens.com
10 BP 1034 Abidjan 10PREMIERE PARTIE
Chapitre I
aston était confant. Jamais il n’avait éprouvé ce sentiment
depuis qu’il parcourait les forêts, de ce côté-ci du feuve. Là où Gles gens fnissaient par grappes, bouches ricanant, faces contre
terre, lèvres retroussées ventres en outres putrides grouillant de vers,
d’asticots et d’insectes de toutes sortes. Cet amoncellement de cadavres
sous ses pas ne l’impressionnait guère. La souffrance des autres lui
était étrangère ; elle ne le concernait pas. Souvent, il l’observait avec
curiosité, parfois même avec intérêt, mais à aucun moment, il ne lui
était venu à l’esprit qu’il pouvait arrêter de fureter dans la brousse, à la
recherche de scènes plus macabres les unes que les autres.
Il avait choisi ce métier simplement, sans état d’âme, allongeant
une main avide vers les avantages qu’un homme dégourdi et peu
scrupuleux pouvait tirer de l’incessante guerre civile qui ravageait les
pays de l’Afrique de l’Ouest.
« Hé, répondait-il à ses détracteurs, c’est la vie ! Chacun a ses
problèmes et ses solutions ! »
Ces forêts, il avait fni par bien les connaître et il s’y déplaçait
avec aisance. Pourtant, il avait toujours eu la certitude que tout cela
ne lui serait d’aucun secours s’il fallait fuir ou se cacher des soldats.
Chaque fois qu’il accostait, il se savait en danger de mort. Mais tout
cela ne comptait plus, à présent. Avec cette chance qui arrivait, il allait
mettre fn à sa carrière de détrousseur de cadavres. Non pas qu’elle
l’incommodait, mais elle ne lui rapportait pas assez. Il lui avait sacrifé
sa nature paresseuse, simple et sans calcul, mais rien n’y faisait. Il ne
prospérait pas. Il vivotait, il survivait, l’esprit constamment occupé par
toutes sortes de calculs trop savants pour cet être fruste et indolent.
3Le jardin d’Adalou
Pourtant, il avait rêvé d’une vie facile ! Mais ses efforts s’étaient soldés
par un échec cuisant. Chaque fois qu’il se souvenait de son passé, il
avait des envies de meurtre.
Ses études avaient été laborieuses. Il avait sué sang et eau pour y
arriver. Ses diplômes en poche, il avait crié victoire et s’était dit que le
moment était venu de prendre sa revanche sur la vie. Il rêvait, les yeux
grandement ouverts, à son arrivée triomphale au village, à la honte que
sa mère ne manquerait pas d’éprouver en le voyant riche désormais.
Hélas, ses diplômes ne l’avaient mené nulle part ; au contraire, il
avait été vulnérable à toutes sortes de dangers guettant des gens comme
lui, pressés de gagner beaucoup d’argent. Sans hésiter, il avait plongé
les pieds joints, dans le monde des combines et de l’argent facile.
Refusant d’admettre que sa vénalité l’avait perdu, il avait toujours
rendu le monde entier responsable de ses malheurs.
Enseignant dans un collège d’Abidjan, Gaston dont la carrière
s’annonçait prometteuse, avait ruiné son avenir en trempant dans
une vaste affaire de corruption et de fraude aux examens. Se sachant
découvert et recherché, il avait fui, une nuit, en abandonnant tout. C’est
en lisant les journaux qu’il comprit que sa fuite avait été une erreur.
Ses complices l’accusèrent de tout. Il n’avait été qu’un petit
comparse mais selon le témoignage des autres, il était l’initiateur et
le cerveau de la bande. Il n’eut pas le courage de revenir affronter ses
accusateurs devant la justice et rétablir la vérité. Le cœur rempli de
haine et d’amertume, il choisit de disparaître, n’éprouvant plus que du
ressentiment pour l’humanité tout entière.
Il vivait désormais sous un vrai faux nom. Ce qui n’avait rien
d’étrange en Côte d’Ivoire. En effet, dans ce pays largement majeur
mais doté d’une administration balbutiante, il n’était pas rare de
rencontrer des personnes vivant sous une fausse identité. Pour les uns,
ce subterfuge leur permettait de se débarrasser de leur passé et pour
les autres, d’avoir quelques années de moins ; ce qui leur donnait une
chance de reprendre des études souvent compromises par leur âge réel
et leurs piètres résultats scolaires.
Gaston était de ceux-là. N’étant guère doué pour l’école, et à
force d’user la patience de sa mère, elle lui avait coupé les vivres en
lui enjoignant de revenir vivre au village. A partir de ce jour, il lui avait
voué une haine sans merci. Il était resté à la ville, chez de vagues cousins
mécontents de cette bouche supplémentaire à nourrir mais n’osant pas
enfreindre ouvertement la sacro-sainte solidarité familiale.
4Le jardin d’Adalou
Il avait réussi à s’inscrire à nouveau dans une autre école sous
un autre nom, avec un jugement supplétif acheté à un fonctionnaire
véreux. A force de persévérance, à quarante ans passés, il avait fni par
réussir aux examens et accéder enfn à l’université.
En ce temps-là, une petite somme bien placée déridait bien
des mines, assouplissait certains poignets d’examinateurs devenus
subitement bienveillants et adoucissait parfois la sévérité des
professeurs. Tout le monde le savait. C’était pratique courante. Les
gens naviguaient adroitement entre bonne et mauvaise conscience, sans
sourciller.
« Mouiller la barbe », pour reprendre l’expression consacrée, était
une pratique courante ; cependant, il était discourtois envers la société
de se faire prendre. Ce n’était écrit nulle part, mais les conventions
sociales, si elles admettaient la corruption, les tricheries, la concussion
et les tripatouillages de toutes sortes, n’acceptaient pas pour autant tout
ce qui étalait au grand jour les dysfonctionnements de l’administration,
de la morale et de la justice.
Les responsables de cette terrible faute de goût étaient jugés très
sévèrement et marqués au fer rouge de l’infamie. C’était la règle ! Tout
le monde la respectait.
Gaston, éclaboussé par le scandale, prit le parti de disparaître.
Il se débarrassa de tous ses papiers et reprit sa vraie identité en se
resservant de son véritable acte de naissance, puis il s’enfonça dans le
pays profond.
Vivant d’expédients, de combines de toutes sortes et maudissant
tous les sorciers de son village responsables, selon lui, de ses déboires,
il s’était fondu tout naturellement dans la masse des chômeurs que le
pays produisait en grande quantité. Il n’avait plus jamais fait valoir son
niveau intellectuel pour trouver du travail, comme si ce passé n’avait
jamais existé. Et depuis, il ruminait son amertume et sa haine de tous
et de tout.
....................
Quand, venant des autres pays, la guerre itinérante avait fait
rage au Libéria voisin, puis chez les voisins du voisin, du fait de la
porosité des frontières, mais surtout des grands enjeux dans cette partie
de l’Afrique à l’indépendance factice et aux richesses naturelles très
convoitées, il s’était établi dans le sillage des militaires, aux abords des
5Le jardin d’Adalou
frontières les plus juteuses, espérant ainsi gagner beaucoup d’argent.
Las ! La concurrence y était rude.
Au bout de dix ans rien n’avait changé dans sa vie. Au contraire,
la précarité de son existence empirait. Pourtant, il accourait se jeter
dans la fournaise dès que quelque part un tison enfammait les foyers de
la division. Après Dieu, il éprouvait une immense gratitude pour tous
ceux qui incitaient et allumaient les feux ou attisaient les incendies dans
la Sous-région.
« Merci, oh merci à vous les guerriers de nous permettre de
gagner notre vie ! » se disait-il mentalement devant certaines scènes
dans les villages frontaliers où grouillaient indifféremment, réfugiés,
personnes obligées de se cacher, collabos de toutes sortes, journalistes,
espions et barbouzes de la cause du moment, mais servant à jamais une
divinité gémellaire, le pouvoir et l’argent.
« Vous au moins,

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