Le Rêve de Lucine
29 pages
Français

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Le Rêve de Lucine , livre ebook

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Description

Pépé n’est plus. Un nouveau monde apparaît ; un monde dans lequel personne ne connaît les règles d’accompagnement. Comment expliquer la suavité d’une vie ? Pourquoi faut-il accepter la mort ? Est-ce un crime de la renier, de se battre contre elle? L’enfance n’enterre ses rêves qu’après de nombreuses batailles. Et Lucine Essence venait de perdre son meilleur ami, son seul confident. Fille de sa mère, donc héréditairement obstinée, elle se retrouve dans une aventure peu enfantine, toutefois même brutale pour les adultes : l’expérience de sa propre finitude.

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312034850
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Rêve de Lucine
Wilson Mbiavanga
Le Rêve de Lucine














LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
À Lucia…















© Les Éditions du Net, 2015
ISBN : 978-2-312-03485-0
I – Au revoir
La bonne humeur se déploie par le Soleil et la Lune. Elle est par essence lunatique. L’existence de l’homme s’entraperçoit avant les premières manifestations de l’aurore. Car le réveil commence par un néant, un vide envahissant, mais ne nous entraînant jamais dans la tourmente. Cette phase dans laquelle toute question, tout doute, disparaît pour un instant. On ne se demande plus ce que l’on est, pourquoi et comment nous devons être. Le silence avant les jaillissements de lumière ressemble parfois à un malaise. Voilà pourquoi certains retombent directement dans leur sommeil : il s’agit de s’éloigner le plus loin possible des vicissitudes monotones. Ou simplement de la vie.
Cette expérience matinale avait été celle de tout un paisible village d’une centaine d’âmes environ. Elles n’étaient pas amères, mais les visages l’étaient. Géographiquement fermé du reste du monde, reclus parce que barricadé par d’imposantes collines himalayennes dont le vert émeraude contrastait avec le bleu obscur du ciel. Le temps s’était ralenti en ce dimanche, donnant un caractère authentique aux structures gothiques qui abritaient la plus grande partie de la population. En ce début de juillet, le feuillage était, par mystère, tombé d’arbres aux troncs tordus et aux branches nues qui rappelaient des poses peu attirantes d’un exotisme macabre. Rues et cul-de-sac, de coutume effervescents de vivacité, semblaient s’être élargis par la morosité ambiante.
Les habitants ne sortaient pas ce matin. Ils ne dormaient pas non plus. Certains, d’un regard soucieux, veillaient chaque coin de rue depuis les volets de fenêtres à moitié ouverts. Les plus jeunes avaient eu le courage de descendre dans les jardins aux gazons encore humides. Cependant, la brume se dissipait rapidement comme pour accentuer un suspens ou un souci nourrissant leurs esprits dans l’attente d’une nouvelle déjà connue. Une irrévocable nouvelle e laquelle personne n’avait foi. Une nouvelle qui rappelait une banale injustice du monde, quand bien même le monde n’eut jamais été parfait. Ce que les villageois attendaient et refoulaient au plus profond de leurs êtres, les Essence le leur apportaient.
La famille Essence se composait de quatre éléments, chacun avec une particularité déconcertant celle de l’autre. C’était une famille ordinaire. Mais parce véritablement ordinaire, elle ne pouvait qu’apparaître anormale aux yeux des autres. Un inconnu pouvait passer près de l’un des membres de cette famille et le ressentir. Mais ce qui les rendait si uniques n’était pas visible par le faciès, ni même par la posture inquiétante que certains d’entre eux exagéraient, sans apparente provocation. Ce qui les rendait si atypiques découlait sans aucun doute de ce que leurs ancêtres avaient pu leur transmettre. Ce qui distinguait les Essence était leur pensée : ils avaient tous la fâcheuse, mais néanmoins naturelle tendance à l’incarner. Et ceux qui avaient eu la chance de les rencontrer prenaient conscience du tournant qu’un seul échange de parole avec eux pouvait avoir dans leur vie.
L’histoire de la famille se mêlait à celle de la région depuis plus de sept cents ans. Comme peu de clans, ils s’étaient involontairement imposés comme représentants de leur communauté par la forte résolution de ne jamais s’ériger en symbole de prestige et de fierté patriotique pour d’autres. Tout chez eux était affaires d’ordre public Et tout, autour d’eux, devenait des histoires nationales. La dernière en date avait choqué par sa brutalité et son injustice. Il était cependant légitime de s’interroger sur qui elle avait le plus bouleversé.
Le premier ayant remarqué l’émoi des habitants fut Alphonse Essence. Le regard sans vie cloué au sol, il leva mécaniquement sa tête nonchalante, s’arrêtant sur une silhouette amorphe dans un premier temps qui pleurait à son apparition. Ses énormes lunettes aux verres devenus flous, dû à la buée matinale, ne permettaient d’entrapercevoir son état d’âme, de coutume pensif. De toutes les générations, il était celui qui cultivait le mieux la discrétion, mais c’était sans compter sur une imposante taille. Écrivain de profession sans jamais l’avoir professé, il se distinguait par cet instinct simple et pur d’une constante interrogation sur ces évidences innées dont toutes sont les réponses aux questions que l’on ne pose. Ainsi, sa maigreur s’expliquerait au mieux par le point de vue d’un obèse, ou encore ses accoutrements quotidiennement peu soignés par des sensibilités encore à la recherche d’âmes sœurs.
Mais au fil des années, Alphonse perdait souvent de vue que tout ce qui est acquis reste constamment en acquisition. Même l’amour. D’une main douce et chaleureuse, il tenait tout près de lui celle de qui son cœur en fit une exclusivité intégrale. Rose, d’une tête de moins que son époux, marchait d’un pas sûr, s’inculquant la responsabilité de le soutenir. Son visage était commenté par tous les romantiques avoisinants comme le parfait paradoxe d’une combinaison de bellicisme et de tendresse. En effet, ses fins sourcils froncés de naissance s’harmonisaient avec un visage élégant aux yeux légèrement écarquillés, incitant à tout sauf à la violence. Elle était de ces jeunes femmes frêles qui n’avaient jamais eu recours à un activisme féministe pour se faire respecter. Seule fille d’une famille de mineurs, comportant quatre garçons, elle avait su développer depuis la tendre enfance une persuasion subtile du chantage émotionnel sans moralement s’usurper. Il était manifeste qu’elle serait le centre névralgique du couple lorsque pour la première fois elle mit les pieds au village. Elle aimait pleinement son mari. Mais la singularité de Rose Essence provenait d’une force de volonté, magistrale et têtue parce que vraiment libre. Une volonté qui avait la dérangeante tendance à convaincre facilement, même les plus endurcis. Une volonté qui lui permit de gagner tous les procès dont elle avait été un avocat brillant et reconnu par tous avant de se plier au penchant affectif que peut avoir le genre féminin face à la question de la progéniture.
Celle-ci commença par une anomalie qu’ils avaient nommée Jehan-Gibert. Dès la sortie du ventre de sa mère, médecins et membres de la famille élargie s’interrogeaient éternellement sur ces pleurs de l’enfant à l’air moqueur. Ce doute ne fut tranché qu’à sa cinquième année, lorsqu’un jour Alphonse, s’étant réveillé, vit pour la première fois son fils sur ses deux pieds avec l’étrange posture de bras croisés et d’un fier regard tourné vers la lumière du ciel l’illuminant par la fenêtre. Ses parents comprirent vite qu’ils avaient donné naissance à un futur changement du monde.
Mais en ce triste matin, ce changement, cette âme constamment allègre, marchait derrière sa famille sans son éternel sourire hérité sans aucun doute de sa mère. Pour lui, farceur, auto-assigné à la mission quotidienne d’égayer ceux qui l’entouraient, le moment et les sentiments qu’ils traversaient tous étaient nouveaux.
À son quatorzième été, le jeune garçon de composition frêle, calme en apparence, mais avide d’expériences humaines, digérait en silence celle qu’il vivait en ce moment. Les habitants ne pouvaient voir son visage caché par sa longue chevelure noire en constante bataille. Jehan-Gibert, ou J. G. pour les copains, se distinguait avant tout par son audacieuse vision du monde. Elle était à la fois trop sage pour son jeune âge et indéniablement ridicule pour être assumée par un esprit mature.
Jehan-Gibert pensait que tout au monde était possible, ou encore qu’aucune loi logique et raisonnable empêchait la manifestation de l’impossible. Cette attitude lui avait causé du tort par de nombreux avertissements à la discipline dans son école. Mais elle lui avait, par ailleurs, apporté la sincère sympathie des élèves et des habitants du village. Intrépide et téméraire, en général appuyé par son support paternel, il avait

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