LE Vieil homme sans voix
104 pages
Français

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LE Vieil homme sans voix , livre ebook

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Description

«Dans mon lit, tout semble m’assaillir en même temps. Le silence général qui accentue l’enfermement de mon mutisme, les propos de Gus sur la vie. Je réfléchis à ma relation avec mes trois ex-épouses. En donnant les rênes de mon entreprise à mon fils, je ne représente plus un si grand intérêt. Vont-elles continuer à me fréquenter ? La vraie question est pourquoi voudrais-je qu’elles me fréquentent ? Puis, il y a le rendez-vous que j’ai chez l’avocat demain en compagnie de Maryse. Earl est censé nous rejoindre. J’ai l’impression qu’au lever du jour, je ne serai plus moi. Je serai un homme condamné à vivre sans titre. Retraité ne veut pourtant pas dire la fin d’une vie. Pour certains, c’est le début de quelque chose de plus exaltant.»

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 octobre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782895977445
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE VIEIL HOMME SANS VOIX
DU MÊME AUTEUR
Le bonheur est un parfum sans nom Ottawa, David, 2017.
Pour l’amour de Dimitri Ottawa, David, 2015.
Un ancien d’Afrique Ottawa, Vermillon, 2014.
Le complexe de Trafalgar Ottawa, Vermillon, 2012.
Le soixantième parallèle Ottawa, Vermillon, 2010.
Un passage vers l’Occident Ottawa, Vermillon, 2007.
Ce pays qui est le mien Ottawa, Vermillon, 2003.
Toronto, je t’aime Ottawa, Vermillon, 2000. Prix Trillium 2000.
Didier Leclair
Le vieil homme sans voix
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Le vieil homme sans voix / Didier Leclair.
Noms : Leclair, Didier, auteur.
Collections : Indociles.
Description : Mention de collection : Indociles
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20190182873 | Canadiana (livre numérique) 20190182903 | ISBN 9782895977179 (couverture souple) | ISBN 9782895977438 (PDF) | ISBN 9782895977445 (EPUB)
Classification : LCC PS8573.E3385 V54 2019 | CDD C843/.6— dc23

Les Éditions David 335-B, rue Cumberland, Ottawa (Ontario) K1N 7J3 Téléphone : 613-695-3339 | Télécopieur : 613-695-3334 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 4 e trimestre 2019

Nous remercions le Gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa pour leur appui à nos activités d’édition.
À ma grande sœur, Laurence
Bon anniversaire, Wes
Le problème est que j’ai terriblement aimé. Tout est si compliqué quand on aime. J’admire les gens qui ouvrent leur amour comme un robinet et referment l’eau quand ils veulent. Ils ont un filtre sentimental qui empêche tout autre amour de pénétrer. Dans certains milieux distingués, on appelle ça de la conscience morale ou, pire, une haute idée de soi. Les années sont passées, des décennies entières, et chaque nouvelle ride tire un trait de plus sur une histoire que je n’ai jamais vécue. Une histoire d’amour unique et sans pareil.
La vérité est qu’une histoire d’amour ne se vit pas. Elle se survit. Et moi, je n’ai jamais pu accepter de raccommoder pour faire plus long, plus ample, plus chaud. J’ai couru derrière le neuf. Toujours et encore. L’odeur du neuf, c’est enivrant. Pourtant j’aurais donné toute ma fortune pour connaître l’amour qui dure, celui où le cœur est rafistolé de fils d’or et qui étincelle dans la plus noire des nuits de la vie.
Je dois tout de suite vous dire que je suis vieux. J’ai quatre-vingts ans aujourd’hui et mes trois ex-épouses sont là, dans ma chambre située dans un établissement pour personnes âgées. Elles sont officiellement venues me souhaiter longue vie, mais en vérité, elles prient chaque soir pour que ce soit mon dernier. Non, ce n’est pas la haine qui les habite. Je récuse ce mot qu’on met à toutes les sauces. C’est le besoin d’être plus riches, plus libres de s’encanailler avec qui elles veulent. Maryse Laframboise, que je considère presque comme ma fille adoptive, m’a dit que ce sont des « cougars ». Ne me demandez pas pourquoi les femmes riches et voraces de jeunes étalons sont surnommées d’après un félin. C’est vorace, un cougar, mais pas très séduisant quand il vous saute dessus.
De vous à moi, je ne suis pas seulement confiné dans cet immeuble pour retraités. Je ne parle plus depuis quatre ans. Oh, ne vous apitoyez pas sur moi. La capacité de parler est surestimée. On devrait inventer autre chose. Quand on parle, on n’écoute pas. Depuis que ce phénomène s’est produit, j’entends bien plus. Surtout ce que je ne devrais pas entendre.
Tout a commencé par un choix délibéré de vivre le deuil de ma sœur. Je me suis enfermé dans un silence plein de tristesse et peu à peu ce silence s’est transformé en mutisme total. Quand j’ai tenté de retrouver la parole, juste pour essayer, c’était trop tard. Parler me sembla trop laborieux. Il faut remuer les lèvres, articuler et varier son intonation. J’ai alors abandonné l’idée de me convaincre de retrouver la parole. Je n’ai le goût de discuter avec personne de toute façon.
La rumeur dans ma famille et même parmi le personnel de la maison de retraite est que je suis en train de perdre l’ouïe également. Si vous voulez savoir, j’ai une oreille sélective. Quand ce qu’on me dit ne m’intéresse pas, je ne réagis pas. Quant à ma perte de poids, c’est trompeur. Je souffre d’insuffisance rénale et les repas qu’on me donne ici sont tout simplement indigestes. Manger sans sel, c’est comme nager dans une baignoire. Vous n’allez pas loin, mais vous ne vous noyez pas. Plus d’alcool, de jus de fruits. Je mange des pommes de terre si bouillies qu’elles en perdent leur goût initial. Plus de beurre, de friture. Du poisson sec ou de la viande sans épices. Mes assiettes sont principalement des plats cuits à la vapeur. Dois-je poursuivre la description de mes mets quotidiens ? Non. Voilà, la raison de ma perte de poids.
Marian, mon ex-première épouse, a soixante-dix ans. Elle relève une mèche de cheveux blonds qui cache des yeux trop fardés et me tend une tartine de pain sans sel avec de la confiture, ultime gâterie tolérée, car elle a un faible taux en phosphore d’après mon médecin et ami Timothy Miller. Je me laisse dorloter puisque c’est mon anniversaire. J’avale et lui souris pour tout remerciement.
— Earl est en route. Il est en retard à cause du trafic. Il va passer avec Johnny. Tu sais que son fils a dix-sept ans ? Tu en veux encore ?
Je ne réagis pas et elle conclut que je n’ai pas compris. Marian répète lentement et à haute voix tout en indiquant le plateau de tartines fades et quelques biscuits ternes qui sont sur la table de ma chambre. C’est davantage un studio qu’une chambre, avec un réchaud, un mini-frigo et un lavabo que je n’utilise pas souvent. Je secoue la tête pour dire que j’en ai eu assez et Carmen vient à ma rescousse. C’est ma deuxième ex-épouse. Un ancien top modèle de cinquante-cinq ans qui vit à Manhattan et passe de temps à autre à Toronto pour s’assurer que je ne lui coupe pas les vivres. Nous n’avons pas eu d’enfants ensemble et elle avait signé un contrat prénuptial avec moi.
— Il a eu sa dialyse ce matin, tu sais. Il est épuisé. Je crois qu’il faudra qu’on le laisse se reposer bientôt.
Marian n’aime pas ce commentaire. Elle réplique immédiatement.
— Il va très bien ! De toute façon, mon fils est en route, avec Johnny, son petit-fils. Il voudra les voir. Je suis sûre que c’est difficile que tu comprennes ça.
Carmen préfère ne rien ajouter. Elle me caresse le front et retourne à la fenêtre de ma chambre pour admirer le paysage et je savoure la vue de son dos si effilé et droit. Elle met mon argent à bonne contribution puisqu’elle reste svelte et pleine d’énergie.
Paola sort des toilettes après avoir tiré la chasse. C’est ma dernière ex-femme. Cette Italienne est arrivée à Toronto dans un programme culturel permettant aux jeunes étrangers de vivre dans une famille d’accueil. Earl avait ravi son cœur, mais je réussis à la détourner de mon fils. Oui, je sais que je n’aurais pas dû. C’est immoral. Être millionnaire aussi, mais personne ne m’en empêche. Je n’ai violé personne et elle avait vingt-neuf ans. Si Earl n’a pas été capable de séduire cette jeune Italienne quand son mariage battait de l’aile, je ne vais pas m’excuser pour ses piètres prestations de séducteur. Il est moins riche que moi, c’est vrai. Paola a su faire la multiplication et nous avons passé notre lune de miel à Venise. À soixante-dix ans, je venais de gagner le gros lot. Cinq ans plus tard, tout était fini. Heureusement qu’elle avait signé un contrat de mariage qui limitait sa pension alimentaire en cas de divorce. Elle dépend de ma générosité, sinon j’aurais été ruiné très rapidement avec trois ex-épouses.
— Mon pauvre chou, tu as trop chaud !
Paola parle avec un petit accent italien si séducteur que je voudrais l’inviter à me voir plus souvent pour l’entendre. Elle vit à Los Angeles et ses voisins de quartier ont tous les meilleurs chirurgiens esthétiques de la côte Ouest et une étoile avec leur nom sur Hollywood Boulevard.
Elle tire mes draps et parle fort pour que je comprenne. Son intention est de me faire marcher jusqu’à mon fauteuil au coin de la pièce. Fauteuil qui me soulage du gonflement de mes pieds dû à mon hypertension art

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