Les abeilles rodent
126 pages
Français

Les abeilles rodent , livre ebook

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126 pages
Français

Description

Mark attend le bon jour pour descendre John, le patron-fondateur d'une entreprise de rock and roll appelée The Abeilles qui butine ses fleurs sonores de ville en ville. C'est la folle histoire de cette fabrique de tubes qui se déroule sous les yeux de Mark. Et des questions arrivent, des réflexions sur le destin, la vie, le travail… À quoi bon être célèbre quand, avec The Abeilles, il est possible d'atteindre l'éternité, l'étoile ultime avec une seule chanson ?

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Date de parution 08 octobre 2016
Nombre de lectures 10
EAN13 9782806108593
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Guy Delhasse
Les Abeilles rôdent Rock roman
LES ABEILLES RÔDENT
D/2016/4910/33
©AcademiaLHarmattan Grand’Place 29 B-1348 Louvain-la-Neuve
ISBN : 978-2-8061-0290-4
Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’auto-ri-sation de l’auteur ou de ses ayants droit. www.editions-academia.be
Guy Delhasse
LES ABEILLES RÔDENT
Rockroman
Du même auteur
Hugues Aufray, chansongraphie, Gerpinnes, Quorum, 1998. Pierre Rapsat, chansongraphie, Bruxelles, Luc Pire, 2003. Petites histoires de chansons à guitare, chansongraphie, Rosières en Haye, Camion blanc, 2006. Le monde est une chanson, essai, Le Somnambule équivoque, Bruxelles, 2008. Hugues Aufray, la jeunesse au coin du feu,Bruxelles, L’Arbre, 2009. Petits lieux à chansons de Belgique (1950-2012),Paris, L’Harmattan, 2013.
Chapitre 1
COME TOGETHER,HAMBOURG— 17 AOÛT 1960 —
Il était une fois un van de marque Austin qui se prome-nait les poches pleines de cailloux blancs dans les faubourgs de Hambourg. Il cherche les docks. Du sable de Hollande s’est incrusté dans les plis des chromes. Et des poussières d’Allemagne dans les soupapes… Ses phares sont fatigués, ses pneus sont écrasés par le poids des occupants, des bagages, du matériel. Je me prénomme Mark et chasse ce van assis – conforta-blement, il est vrai – sur ma moto américaine. Je me prends pour un observateur attentif des destins remarquables. J’ai senti que ce van et ses occupants seront célèbres un jour. Les gens célèbres m’attirent et ïnissent par m’obséder. Pour le moment, ces gens se fauïlent dans le plus obscur des anonymats. Le conducteur du van connaît l’itinéraire pour rejoindre sans encombre le centre de la ville. Il est barbu et anglais, ce type derrière le volant qui se trouve à droite. Les occupants ? Tous anglais bien sûr, immatriculation anglaise, marque bien anglaise… Je ne l’ai pas encore dit mais ce mini-bus est de couleur blanche avec des ancs en vert lessivé ; sur le porte-bagages arrimé sur le toit, un fatras de valises en cuir et de sacs en toile. Ce minibus de marque Austin n’a pas hésité à s’inscrire dans la banalité exemplaire des auto-mobiles qui ont ïlé sur le ruban de béton strié qu’on appelle ici « autostrade ». Ce van vanné par la longueur du trajet n’a
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Les Abeilles rôdent
pas hésité à rouler depuis la veille, dix heures du matin. Parti de Liverpool, passé par Londres, passé en Hollande, toute l’Allemagne… et rouler, toujours rouler… Le but est enïn atteint : Hambourg ! Le minibus Austin retient son soue entre ses tôles. Il gémit, hésite, carbure. Cette ville le happe et l’ingurgite. Il a laissé les docks à droite, tourné à gauche, s’en va cahin-caha tout droit, s’enfonce dans les quartiers bouillants d’une ville qui se montre énorme par le grouillement de sa foule, de ses tramways bondés, de ses Opel triomphantes, ses Volkswagen voguant sur les chaussées comme des pirogues. À croire qu’il n’y a jamais eu de guerre ici en Allemagne de l’Ouest ! Le van et moi sommes à Hambourg en ce 17 août 1960. Je me prénomme toujours Mark et piste toujours ce van sur ma moto depuis Liverpool. La guerre ? Quinze années sont passées depuis sa ïn. L’Allemagne panse toujours ses plaies ici, se reconstruit là, camoue, évacue les puanteurs de cette noire période. Hambourg veut becqueter le bonheur de vivre. Elle a payé son tribut, elle a été ratissée par les Lancaster de la R.A.F. Maintenant qu’une décennie nouvelle a commencé, tout ce bruit fait partie de son passé… Quinze ans pour reta-per une ville, c’est pas mal. Déjà trois fois la durée totale de la foutue guerre qui a saigné à blanc ce ïer port ouvert sur le monde entier. Et ce jour du 17 août ? Il s’est levé depuis long-temps sur les docks déserts alors que les brumes du matin se sont répandues sur les ponts des cargos endormis. Des sirènes ont couvert de sons stridents les coques, les palans, les bittes d’amarrage. Cars de police ou navire au départ ? Nul ne distingue les unes des autres. Les mugissements du port font partie de la vie de la ville. Hambourg vit du matin au soir d’un espoir nouveau. Il s’est passé une sorte de transmission de compétences. Les G.I’s ont plié bagage. Sont arrivés des USA d’autres hom-mes plus cravatés, sans kaki ni fusils, des constructeurs, des
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Come togeter, Hambourg — 17 août 1960 —
ingénieurs, des électriciens, les poches pleines de dollars et les bras tendus vers les banques. Ces messieurs sont puis-sants puisqu’ils sont les maîtres du monde, ils ont gagné la guerre. Ils s’associent aux marchands allemands sortis des ruines pour faire des aaires. Et c’est reparti…
Je le vois bien par ce van vanné qui se fauïle dans la ville. Il n’intéresse personne, c’est un van de fauché. En plus, il est immatriculé en Angleterre. Pourtant l’histoire est en route, je vous le dis dans le creux de l’oreille, une histoire d’entre-prise qui va marquer au fer rouge ce jour et l’intégrer dans le déroulement de ses dates importantes.
Le van Austin se dirige vers la grande avenue, la belle ave-nue garnie de dizaines d’enseignes multicolores, de vitrines, la « Reeperbahn ». Très connue ici. Le conducteur semble la connaître, son passagerdirect aussi. Levan est attendu du côté de Sankt-Pauli, unquartierqui faitsourire lesAllemands bien-pensants, fait trembler de plaisir les mains nues du peuple des marins, des dockers et des derniers soldats US qui traî-nent encore ici et là. C’est le quartier des villes où il fait tou-jours chaud. Tous, après le travail, apprécient ici une bière fraîche là une chair fraîche, plus loin de la musique déjantée que l’on appelle le « rock and roll ». Tous veulent du frais comme le vent du large qui fuit vers la mer ou comme le plai-sir du temps nouveau qui s’annonce enïn depuis le début du mois de janvier. Du neuf, de l’alcool, des rencontres. Et du sexe, toujours du sexe. Des femmes ouvertes lubriïées pour se faire empaler par le premier venu. Des femmes au teint pâle, aux yeux fatigués mais aux gestes imparables. Pour faire jouir les types, elles ont la pêche. Dollars ou deutsche marks, ça marche toujours. Et puis, l’on entend cette mu-sique… encore un genre amené par les Américains, un genre qu’ils ont fabriqué voici à peine cinq ans chez eux, à partir de rythmes endiablés tenus par des guitares électriques et une batterie. Ou même des pianos et des saxophones. Cette
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Les Abeilles rôdent
musique ressemble à une séance de baise. En veux-tu, en voilà, la baise, tarifée ou pas, ça copule tous les coins de rues dans ce quartier. Une musique comme celle-là sonne comme un appel au sexe, elle s’appelle vraiment le rock and roll. Certains évoquent beaucoup un type prénommé Elvis, un Amerloch avec une gueule de séducteur, des bras de soudeur et des déhanchements qui suggèrent la copulation. Le plus étonnant, c’est que personne en Europe ne l’a jamais aperçu en chair et en os, ce type. Il reste chez lui aux États-Unis. Dommage. J’aime les célébrités, les types beaux, les héros. Je suis du regard ce petit van Austin à la face raplapla se fauïler dans la circulation. Mark est mon prénom. Mais attention, le van ralentit. Il est environ vingt heures. L’Austin s’est glissé dans une rue appelée Grosse Freiheit et s’immobilise le plus près possible du numéro 64. Disons le numéro 58 mais ce n’est pas prouvé. Ce n’est pas trop tôt. Et je vois débarquer de ce van non pas un ou deux occupants très anglais mais neuf personnes ! Neuf occupants à bord, tu parles d’un poids col-lectif sur les autostrades ! Je les vois tous et peux même les distinguer les uns des autres. Il y a quatre adultes. Le con-ducteur est gros, chemise ouverte tout barbu puis une dame, un type qui a des allures de Haïtien et encore un type. Et puis sortent encore cinq types vêtus de cuir noir. Ils ont l’air très jeune. Des gamins ? Des yeux dépareillés, des odeurs de transpiration, de tabac, de bière. Ils ont bu un peu et pour passer le temps, ils ont chanté des vieux refrains de marin. L’un d’eux a fait : – Well, on est bien content de se tirer de cette merde. Il parle du van bien sûr, pas de l’histoire qui vient de se mettre en branle. À propos de branle, ça va branler ferme car le barbu à chemise leur a dit depuis le matin du 16 août : – Les gars, vous montez sur scène dès que vous arrivez. Le gros doit vous écouter.
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Come togeter, Hambourg — 17 août 1960 —
Certains ont protesté. On va être crevé, on ne fera rien de bon. Le barbu a l’air d’être le patron. Mais non, ce n’est pas lui, le patron. Le barbu porte le titre bien enviable de « manager ». Il a mis son van à la disposition des gars parce qu’il a signé un contrat qui stipule qu’il faut jouer le 17 août, point. On obéit, point. Les jeunes, à peine sur le trottoir, al-lument leurs clopes, s’étirent, regardent les néons, les pas-sants, les chiens errants puis docilement vont reprendre leur propre siège : des valisettes munies de boutons et de haut-parleurs. Et des guitares. Et oui, on ne le dirait pas mais ces cinq gars sont musiciens… Les valisettes sont couvertes de potentiomètres et de boutons, ce sont bien des ampliïca-teurs de son. Les caisses rondes correspondent bien à un kit de batterie.
Je les épie depuis leur départ, les gars. Je les connais, ils forment une entreprise de rock and roll ! Mais personne ne l’appelle comme ça, cette entité de musiciens. On les ras-semble volontiers sous le nom de « groupe », un groupe composé de musiciens qui jouent du rock and roll sous un contrat qui stipule l’engagement de chaque partie pour une prestation déterminée. Et c’est à cause de ce papier que cette entreprise de cinq jeunes travailleurs s’est tapée autant de kilomètres dans un minibus sans confort. Ils sont là pour jouer du rock and roll, cette musique sexuelle venue des États-Unis. Les Allemands sont trop fauchés pour se payer des chanteurs américains. Du coup, ils s’orent des groupes anglais pour jouer en direct dans leurs dancings. C’est moins cher et ça joue diablement bien le rock and roll, ces Anglais.
S’il y a contrat, il y a donc entreprise ! Et s’il y a entreprise, il y a des travailleurs rémunérés en contrepartie de prestation sur scène. Ce sont des artistes, des professionnels. Voilà, ce n’est pas compliqué. Et s’il s’agit bien d’une entreprise, c’est parce qu’elle est dirigée par un patron qui l’a fondée, puis a recruté du personnel équipé du matériel de travail adéquat.
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